“Missa” : L'absurde dévoilé



Dr. Imane Rouhli, psychiatre et psychothérapeute : La période de confinement nécessite une adaptation et un ajustement permanents à la fois de nos émotions, de nos comportements et de nos pensées


Propos recueillis par Chaabi Chady
Mercredi 22 Avril 2020

Dr. Imane Rouhli, psychiatre et psychothérapeute : La période de confinement nécessite une adaptation et un ajustement permanents à la fois de nos émotions, de nos comportements et de nos pensées
Libé : Ne plus pouvoir faire les courses de la même manière qu’avant, ne plus voir ses amis, ne plus prendre son petit café dehors le matin, tout ce qui faisait notre quotidien n’est plus, nos repères ont changé. Notre santé mentale est-elle en danger pour autant ?
Dr. Imane Rouhli : Avec le Covid-19 et le confinement, il est tout à fait normal de se sentir un peu plus stressé,  un peu plus anxieux, confus, effrayé « par la mort », avoir une inquiétude pour la santé, un sentiment d’impuissance ou souffrir  des troubles du sommeil notamment des  cauchemars. Mais dépassé un certain seuil, cela pourrait mettre en danger notre santé mentale !

Pour beaucoup de personnes, cette situation s’apparente à un film d’horreur, à un cauchemar, est-ce parce que le cerveau peine à accommoder la situation actuelle au réel ?
La période de confinement, c’est de l’incertitude qui s’ajoute à notre vie quotidienne et qui nécessite une adaptation et un ajustement permanents à la fois de nos émotions, de nos comportements et de nos pensées.
 L’impact psychologique au long cours au cas où nos stratégies d’adaptation sont dépassées pourrait être l’apparition de certains troubles psychiatriques : les troubles de stress aigu, la peur du social, le risque de dépression, le risque de PTSD stress post-traumatique et le risque de burnout (pour les professions les plus sollicitées).

Les réseaux sociaux regorgent de recettes de cuisine et d’images de plats, peut-on assimiler ce genre d’occupations faciles et agréables à une manière de s’accrocher à la réalité et apaiser les angoisses ?
Rester connecté aux autres via les réseaux sociaux, débattre de sujets divers, partager des idées, essayer d’apprendre de nouvelles choses (cuisiner par exemple) peuvent être un moyen de prendre soin de sa santé mentale. Tout est question d’équilibre !

Le confinement a été prolongé pour un second mois, comment tenir dans la durée ?
 En prenant soin de sa santé mentale et physique, mais aussi en prenant soin des personnes vulnérables psychologiquement, en particulier les enfants et les personnes souffrant de maladies mentales.  

Quelles sont vos recommandations pour minimiser l’impact psychologique du confinement ?
1.    Se tenir informé auprès de sources fiables. L’absence ou le manque d’information contribue à un sentiment d’insécurité, d’impuissance, à une perception irréaliste de la situation. Il est donc important de répondre à ce besoin en cherchant les informations utiles sans dépasser plus d’une heure par jour et éviter les chaînes avec des infos en boucle.
2.    Renforcer sa résilience, cette capacité à résister, à récupérer ou à s’adapter aux conséquences d’un choc ou d’un changement. Rester chez soi étant la meilleure solution pour se protéger et protéger ses proches, vous pouvez essayer de créer des programmes journaliers et les appliquer, organiser un timing des activités. Prendre soin de son corps, essayer de rattraper le temps perdu. Quand vous vous réveillez, faites votre toilette et changez-vous comme si vous allez au travail ou à l’université.
3.    Gérer vos émotions. Il est normal d’avoir des sentiments désagréables surtout en ce moment, vous pouvez bien évidemment utiliser différentes techniques pour les gérer : respiration, relaxation…Mais vous pouvez aussi rechercher un soutien social, exprimer ses émotions par différents biais : peinture, écriture… Ou encore se concentrer sur les émotions et les croyances positives : croire positivement nous aide à être confiants, en paix, réconfortés et énergétiques, ça nous inspire espoir et croyance en la vie.

Une personne nous a dit : «On doit apprendre à s’ennuyer», est-ce une bonne approche selon vous ?
On pourrait certes s’ennuyer, cependant le confinement permet de se recentrer sur soi et sur l’essentiel (les proches/ la famille), de développer un sentiment empathique, unis face au coronavirus. On apprécie d’être en vie et de survivre à la situation.

Quels sont les dangers qui guettent les personnes isolées, avec des antécédents de souffrance psychologique ou d’affection psychiatrique ?
Certaines personnes verront leurs symptomes s’exacerber, par exemple les personnes souffrant d’un TOC de propreté ; d’autres personnes pourraient par crainte ou désespoir voir réapparaître une maladie, c’est le cas de la dépression. Il existe aussi un lien entre isolement et hallucinations.  Le plus important est de garder le contact avec son médecin traitant et son entourage proche afin de préserver la continuité des soins.

Peut-on anticiper l’après-confinement ?
Plusieurs études soulignent « la survenue de pathologies psychiatriques sévères, et un rebond de la demande de soins en levée de confinement, auquel il convient de se préparer ». La déstigmatisation de la maladie mentale est primordiale !

 Comment ce plongeon dans l’inconnu et cette impossibilité de nous projeter dans un avenir proche nous impactent-ils ?
L’impact de cette situation varie d’une personne à l’autre. Il varie en fonction de l’état antérieur, des capacités de résilience de chacun mais aussi de la qualité des échanges avec son entourage et des conséquences psychosociales engendrées pat le confinement.


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