Conférence mondiale contre le racisme (20 au 24 avril 2009) : Israël au centre des controverses


Marie Joannidis (MFI)
Vendredi 10 Avril 2009

Tout comme à Durban en Afrique du Sud en 2001, le suivi de la Conférence mondiale contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et les formes d’intolérance qui y sont liées, prévue du 20 au 24 avril 2009 à Genève, suscite bien des controverses concernant Israël et la défense des religions qui risquent d’occulter le principal sujet, la situation difficile et parfois tragique des migrants.
 Face aux défections annoncées de pays comme l’Italie, les Etats-Unis, le Canada et bien sûr Israël et des menaces d’absence de la Grande-Bretagne et même de la France, le négociateur russe Yuri Boychenko, chargé de préparer un texte de consensus afin d’éviter un échec cuisant, a édulcoré le texte controversé. Ce texte de 17 pages ne mentionne plus explicitement Israël et la volonté de certains pays d’assimiler le sionisme à une forme de racisme, alors que le document préparatoire initial consacrait plusieurs paragraphes à l’Etat hébreu et à la question palestinienne. De même la notion de « diffamation des religions » introduite par les pays musulmans a été remplacée par celle « d’incitation à la haine raciale et religieuse » alors que les demandes de réparation liées à l’esclavage et à la colonisation ont été gommées. En revanche, sous la pression de pays musulmans, africains et du Vatican, la question des discriminations liées à l’homosexualité ne figure plus dans le projet de déclaration.
Plusieurs pays européens, dont la Suisse, et des pays issus de tous les groupes régionaux représentés à l’Onu ont ainsi adopté une déclaration de soutien au nouveau projet et appelé à la poursuite des négociations. « Il y a des concertations européennes pour avoir une position commune. Nous souhaitons maintenir cette dynamique européenne pour peser sur ces négociations afin d’obtenir l’élaboration d’un texte utile à la lutte contre le racisme, non stigmatisant », a déclaré, le 20 mars, le porte-parole du ministère français des Affaires étrangères Eric Chevallier. « La négociation se poursuit. Nous avons clairement indiqué que plusieurs points nécessitaient une évolution sérieuse par rapport au texte initial qui avait été proposé en février. Il y a aujourd’hui un facilitateur russe qui fait un excellent travail pour essayer de tenir compte des différentes propositions. Laissons ce processus se poursuivre quelques jours»
o 200 millions de migrants internationaux traités comme des citoyens de deuxième classe
Pour la France en effet, il serait inacceptable que la lutte contre le racisme soit ternie par l’introduction de considérations contraires à son objet, comme toute expression de racisme, toute référence à la notion de diffamation des religions, car ce concept est incompatible avec la liberté d’expression et de conscience, qui est au cœur de la Déclaration universelle des droits de l’Homme ou toute stigmatisation d’Israël en tant que tel. De même la Grande-Bretagne conditionne sa participation à un « changement de cap » dans les textes de la conférence.
« Nous avons maintenant une bonne base, solide, pour les Etats alors que nous entrons dans la phase finale », a déclaré la Haut Commissaire aux droits de l’homme, Navi Pillay, soulignant qu’elle espérait un consensus qui puisse aider concrètement des centaines de groupes et des millions d’individus victimes du racisme et d’autres formes d’intolérance tout autour de la planète.
Selon l’Onu, près de 200 millions de migrants internationaux dans le monde sont fréquemment traités comme des citoyens de deuxième classe, souvent privés de leurs droits et exposés à la xénophobie et au racisme. Si la Conférence mondiale contre le racisme de 2001 a souligné l’ampleur des défis posés par les migrations et leur impact sur les droits de l’homme en général, la réunion de suivi pourrait aider à relever ce défi et à changer cette réalité.
Environ la moitié de toutes les migrations internationales s’effectue des pays en développement vers des pays développés, ce qui signifie que la migration Sud-Sud est aussi importante que la migration Sud-Nord. La triste réalité, souligne Navi Pillay, est que la grande majorité des États n’a pas encore accepté la notion que les non-ressortissants jouissent des droits de l’homme au même titre que les ressortissants. « Les migrants sont encore victimes de discrimination d’une manière inacceptable dans presque toutes les sociétés et sont généralement soumis à des conditions de travail et de rémunération bien inférieures aux normes dont jouissent les citoyens. Les migrants se voient systématiquement refuser les droits à la sécurité sociale ou au logement, et sont exclus de l’emploi et d’autres opportunités », a-t-elle déploré. Elle a également souligné « la tendance dangereuse croissante à criminaliser la migration irrégulière dans de nombreux pays », alimentée par des sentiments xénophobes et conduisant à des « violations des droits de l’homme des migrants».
Le racisme possible précurseur du génocide
De son côté, le Rapporteur spécial des Nations Unies sur les formes contemporaines de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et de l’intolérance qui est associée, Githu Muigai, a souligné « le rôle crucial » des médias, pourvoyeurs d’information, dans la lutte contre le racisme. Il a aussi partagé les inquiétudes exprimées par le secrétaire général de l’Onu, le Coréen Ban Ki-moon, concernant l’augmentation inquiétante des actes de haine et d’intolérance liés en partie au terrorisme et à l’accroissement des migrations. « Le racisme existe dans tous les pays et je demande instamment à ces derniers de se concentrer pour y faire échec », a d’ailleurs affirmé ce dernier alors que Navi Pillay a estimé que « la discrimination raciale et l’intolérance peuvent conduire au nettoyage ethnique et au génocide ».


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