Chine-USA : partenaires et ennemis


Par Ted Carpenter *
Lundi 24 Janvier 2011

Le mois de janvier est en passe de devenir un mois riche en événements et potentiellement crucial dans les relations entre la Chine et les États-Unis. Le secrétaire à la Défense Robert Gates s’est rendu à Beijing la semaine dernière pour des entretiens avec des responsables du ministère de la Défense. Le président chinois Hu Jintao est à Washington pour une réunion au sommet avec le président Obama cette semaine. Ces voyages suivent diverses prises de bec sur les questions économiques et militaires qui ont jeté un froid dans les relations bilatérales entre les deux grandes puissances.
Le processus de réparation de cette relation semble commencer sur un chemin difficile. Un des objectifs clés du Secrétaire Gates était d’obtenir un accord de la part du leadership militaire de la Chine sur un large dialogue concernant les questions stratégiques, y compris les armes nucléaires, la défense anti-missiles balistiques, les armes spatiales, et la cyber-guerre. Ses hôtes ont rejeté son initiative, consentant seulement à un dialogue très limité sur des questions de deuxième ordre telles que la lutte contre la piraterie et la coopération sur des missions de paix internationales. Les autorités chinoises ont indiqué que Washington aurait besoin de quelques changements de politique - en particulier modérer sa volonté de vendre des armes à Taiwan - avant qu’un dialogue sur les grandes questions stratégiques ne puisse avoir lieu. D’ici là, le ministère de la Défense serait d’accord pour tout au plus « étudier » la proposition plus large de M. Gates
L’absence d’un véritable dialogue militaire contrarie un objectif persistant des Etats-Unis : obtenir de Pékin d’être plus transparent concernant tant le niveau de ses dépenses militaires que la mesure de ses ambitions géopolitiques - notamment en Asie de l’Est et du Pacifique occidental. Des rapports récents sur les progrès possibles de la Chine en matière de technologie nucléaire et d’avions furtifs ont intensifié les préoccupations de Washington.
Si le secrétaire Gates ne fait pas plus de progrès, les réunions entre Obama et Hu pourraient s’avérer être à la fois stériles et sources d’irritations. Les deux dirigeants vont probablement essayer de minimiser les différences bilatérales en public et insister sur la bonne volonté réciproque, mais les désaccords de fond devenus visible au cours des deux premières années de l’administration Obama ne sont pas près de disparaître. Et ils ne peuvent être maquillés pour longtemps.
Ces désaccords comprennent les grandes questions économiques, notamment les allégations que la Chine manipule volontairement la valeur de sa monnaie pour obtenir un avantage artificiel pour ses exportations. Mais de plus en plus, les désaccords sur les questions stratégiques sont encore plus prononcés que ceux sur les questions économiques. Washington est mécontent de la posture de Pékin en ce qui concerne les problèmes de prolifération nucléaire que posent l’Iran et la Corée du Nord. Les dirigeants américains sont inquiets des revendications territoriales ambitieuses de la Chine en Mer de Chine orientale et en mer de Chine méridionale. Et les responsables de l’administration s’inquiètent de la portée et des intentions de la modernisation militaire rapide de Pékin.
Pour sa part, la Chine est contrariée par ce qu’elle voit comme un refus de Washington d’être plus souple et plus conciliant dans ses rapports avec la Corée du Nord. Beijing est aussi suspicieuse quant aux efforts américains pour renforcer ses alliances militaires de longue date avec le Japon et la Corée du Sud, ainsi que de nouveaux mouvements vers la coopération stratégique avec des pays comme l’Inde et le Vietnam. Du point de vue de la Chine, ces actions ressemblent beaucoup à une stratégie d’encerclement - une politique de confinement sous commandement américain à l’encontre de la Chine et son ascension vers le statut de grande puissance.
Depuis que la visite célèbre de Richard Nixon en 1972 mit un terme à la période d’hostilité mutuelle, la relation complexe sino-américaine a toujours eu des éléments à la fois de partenariat et de rivalité. Mais le volet de partenariat a eu tendance à s’éclipser devant son pendant négatif, en particulier dans le domaine économique où les avantages pour les deux parties étaient importants et largement appréciés.
Cela semble maintenant changer, le mouvement de balancier se dirigeant vers le côté concurrentiel du spectre. Il y a plusieurs raisons pour ce changement, y compris la tension générique qui se pose chaque fois que le pouvoir hégémonique économique et militaire en place rencontre une grande puissance montant rapidement, et la tension spécifique qui se pose à cause des différences profondes dans le système politique, l’histoire, la culture, et l’agenda stratégique des États-Unis et de la Chine.
Dans tous les cas, le passage à une relation dans laquelle la rivalité est une composante plus importante pose des défis pour les dirigeants des deux pays. La rivalité économique et stratégique peut facilement dégénérer pour en venir à considérer le concurrent comme un adversaire et même un ennemi déclaré. Étant donné l’importance des relations bilatérales, non seulement pour les États-Unis et la Chine, mais pour la santé du système économique international et l’avenir de la paix mondiale, il est impératif que les deux parties cherchent à gérer et à contenir leurs désaccords. Les réunions se déroulant ce mois offrent une occasion de faire avancer ce processus, et on peut espérer que les dirigeants américains et chinois ne gâchent pas cette occasion.

* Analyste au Cato Institute à Washington DC
Article publié en collaboration avec www.unmondelibre.org



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