Camille Sari: La formation et l’égalité des chances feront du Maroc un hub pour les investissements étrangers


Youssef Lahlali
Mercredi 3 Mars 2021

«Les trois mondes (Afrique, Machreq (Levant), Union européenne) doivent s’imbriquer les uns dans les autres par des relations de coopération mutuellement avantageuses et des projets de moyen et long termes». A l’occasion de la sortie de son livre «Covid-19  Les trois mondes d’après», Camille Sari revient dans cet entretien accordé à Libé sur de nombreux points relatifs notamment à l’après-pandémie. 

Libé : Pourquoi le choix du titre «Covid-19 Les trois mondes d’après» ?
Camille Sari :
Les trois mondes qui doivent s’imbriquer les uns dans les autres par des relations de coopération mutuellement avantageuses et des projets de moyen et long termes sont : 1 – l’Afrique, du Nord au Sud, incluant bien évidemment le Maghreb et l’Egypte ; 2 – l’Union européenne ; 3 – on peut définir le troisième monde comme étant le Machreq (le Levant) qui est souvent défini par rapport au Maghreb (le Couchant). Mais l’Egypte est une terre africaine sur le plan de la géographie et par son appartenance à l’Union africaine. De ce point de vue, le Machreq (l’Orient arabophone ou le Levant) englobe tout le monde arabe sauf l’Afrique du Nord.

Comment voyez-vous «les trois mondes» dans votre analyse ?
Les trois mondes (Afrique, Machreq (Levant), Union européenne) doivent s’imbriquer les uns dans les autres par des relations de coopération mutuellement avantageuses et des projets de moyen et long termes. La matrice de cette combinaison de moyens et de potentialités s’articule autour de la technologie et du savoir-faire européens, cofinancés par l’institution européenne, des capitaux privés auxquels il convient d’ajouter les fonds souverains des pays du Golfe à excédents de réserves de change. Ces capitaux seront fléchés vers des investissements trans-3 mondes dans des chaînes de valeur allant de l’amont à l’aval avec une répartition des unités de production dans l’espace et selon les compétences dans chaque région et dans chacun des mondes.

Quelles sont les perspectives de notre monde après la Covid-19 ?
L’Afrique ne doit plus se contenter d’importer tout ce dont elle a besoin comme biens de consommation en contrepartie de la vente de ses matières premières et produits agricoles primaires. D’où l’idée d’une industrialisation du continent par la transformation de ses ressources brutes et sa participation à une division du travail inter-3 mondes, suivant une utilisation plus dynamique et évolutive des facteurs de production et d’échanges. Les pays financeurs, comme les membres du Conseil de coopération du Golfe (CCG), seraient les bénéficiaires de cette configuration trilatérale, inter-3 mondes de plusieurs manières. La mise en œuvre des relations coopératives au sein des 3 mondes privilégiera l’intégration par la production en combinant les facteurs productifs, humains et matériels. Cela vise à favoriser la production collaborative à plusieurs pays (cas de l’Airbus), afin de coproduire et de codistribuer sur le marché intérieur et/ou à l’exportation. L’enchevêtrement des appareils productifs peut reposer sur une division du travail entre les pays membres de la Trilatérale ou une spécialisation, en partant des avantages comparatifs. La construction d’un espace interrégional de libre-échange et de mobilité de capitaux s’impose d’emblée. Il convient d’aller vers une coopération triangulaire Machreq-Afrique-Union européenne où les pays exportateurs d’hydrocarbures qui ont des excédents en devises auront intérêt à investir dans les autres pays de ce regroupement, dans des secteurs productifs et rentables. Il ne s’agit pas de programmes d’aide, mais de projets viables de codéveloppement. 

Comment voyez-vous le Maroc post-Covid-19 ?
Le Royaume a suivi une politique de prévention et de traitement de la pandémie fort clairvoyante, en imposant le port du masque, la distanciation sociale et le confinement. Tout cela sur fond de sensibilisation populaire et d’indemnisation des personnes inactives et des familles défavorisées. La prise en charge de la vaccination a connu son point d’orgue lorsque S.M le Roi a appelé personnellement Xi Jinping afin de lancer cette coopération féconde visant l’utilisation du vaccin chinois Sinopharm. La prudence a voulu de diversifier les sources de vaccination en adoptant AstraZeneca et en négociant avec Modena et d’autres vaccins. L’objectif est de co-produire au Maroc des vaccins pour toute l’Afrique Evidemment le but est de vacciner le maximum de personnes jusqu’à l’été et permettre de relancer la machine économique et touristique. L’avenir du Maroc est dans la refonte de sa politique industrielle révisant les accords de libre-échange défavorables au développement économique et l’emploi au Royaume. La formation et l’égalité des chances feraient du Maroc un hub pour les investissements étrangers qui ont déjà été fléchés vers les secteurs automobiles, aéronautiques, les énergies renouvelables, les industries pharmaceutiques, cosmétiques et agro-alimentaires. A moyen terme, l’objectif d’une intégration maghrébine sur les plans économiques et institutionnels doit rester dans le viseur comme étant une priorité. Dans mon schéma des trois mondes, le Maroc est la porte d’entrée vers les autres Etats de l’Afrique subsaharienne en drainant les moyens financiers des pays du Golfe et en s’appuyant sur le savoir-faire et la technologie de l’Union européenne.
Paris : Propos recueillis par Youssef Lahlali


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