"Le rapport de la communauté du renseignement américain montre que les Etats-Unis sont déterminés à emprunter la mauvaise voie de la manipulation politique", a réagi l'ambassade de Chine aux Etats-Unis dans un communiqué. "Le rapport de la communauté du renseignement se fonde sur une présomption de culpabilité de la part de la Chine, et seulement pour faire de la Chine un bouc émissaire".
Ce rapport classé top secret a été remis cette semaine au président américain, qui avait donné 90 jours aux services de renseignement pour "redoubler d'efforts" afin d'expliquer l'origine de la pandémie.
Selon un résumé rendu public vendredi, les renseignements ont pu conclure que le SARS-CoV-2, le nom scientifique du virus, n'avait pas été développé "comme arme biologique", et n'avait "probablement" pas été conçu "génétiquement".
Mais ils restent divisés entre l'hypothèse d'un premier cas causé par une exposition naturelle à un animal infecté, ou bien ayant résulté d'un accident de laboratoire.
"Des informations cruciales sur les origines de la pandémie existent en Chine, et pourtant depuis le début, des responsables gouvernementaux en Chine oeuvrent pour empêcher les enquêteurs internationaux et les acteurs mondiaux de la santé publique d'y accéder", a accusé le président américain dans un communiqué.
Dans le détail, quatre agences de renseignement et le Conseil national du renseignement estiment avec "un bas degré de confiance" que la thèse animale est la plus "probable".
Ils s'appuient notamment, pour justifier leur verdict, sur "les nombreux vecteurs pour une exposition animale" existants, ainsi que sur l'ignorance par la Chine de l'existence du virus avant son apparition.
"La communauté du renseignement des Etats-Unis juge que les responsables chinois n'avaient pas connaissance en amont du virus avant le début de l'épidémie", est-il en effet écrit dans le résumé du rapport.
Toutefois, une autre agence de renseignement estime avec "un niveau de confiance modéré" que la thèse d'une fuite de laboratoire est à privilégier, "probablement" via "des expérimentations, la manipulation d'animaux, ou des prélèvements par l'Institut de virologie de Wuhan".
Ici, les experts donnent plus "de poids" au "risque inhérent" des recherches sur les coronavirus, qui étaient en effet conduites à Wuhan. L'hypothèse serait que ces travaux aient pu conduire à l'infection accidentelle d'un employé.
Enfin, "des analystes de trois agences" ne se prononcent pas entre l'une ou l'autre des hypothèses.
Les services de renseignement s'estiment "incapables de prodiguer une explication plus définitive" à l'origine de Covid-19 sans "de nouvelles informations" fournies par la Chine, écrivent-ils.
"A ce jour, la Chine continue de rejeter les appels à la transparence et de cacher des informations, alors même que le bilan de cette pandémie continue de grimper", a blâmé Joe Biden dans son communiqué. "Nos efforts pour comprendre l'origine de cette pandémie ne faibliront pas", a-t-il promis.
Une équipe d'experts internationaux envoyés par l'OMS s'est rendue à Wuhan en janvier 2021 pour une étude "de première phase" sur l'origine du virus. Mais leur rapport, rédigé en collaboration avec des spécialistes chinois, avait été très critiqué.
L'étude estimait que le passage du virus de la chauve-souris à l'homme via un animal intermédiaire était le scénario le plus probable. Elle jugeait "extrêmement improbable" que le virus provienne d'un laboratoire.
Mi-août, la Chine a rejeté l'appel de l'OMS à une nouvelle enquête sur son territoire.
Déterminer comment le virus, qui a fait plus de 4,47 millions de morts dans le monde, est passé à l'homme est jugé crucial pour tenter d'empêcher la prochaine pandémie.
L'hypothèse d'une fuite d'un laboratoire avait largement été écartée au début de la pandémie par la communauté scientifique.
Mais le fameux animal intermédiaire restant introuvable, cette thèse était revenue en force dans le débat public américain au printemps.
Mi-mai, une quinzaine d'experts avaient publié une tribune dans la prestigieuse revue Science appelant à la considérer sérieusement.
La communauté scientifique semble toutefois peu à peu de nouveau faire machine arrière. La semaine dernière, dans cette même revue, six scientifiques ont publié un article au titre parlant: "l'origine animale du SARS-CoV-2".
Et dans une autre publication scientifique, Cell, 21 éminents chercheurs concluaient: "Il n'existe actuellement aucune preuve que le SARS-CoV-2 tire son origine d'un laboratoire".