“Missa” : L'absurde dévoilé



Aziz Idamine, chercheur en sciences politiques :

“Les élites et les structures partisanes doivent s’ouvrir davantage sur les jeunes”


Propos recueillis par Montassir Sakhi
Vendredi 20 Novembre 2009

Aziz Idamine, chercheur en sciences politiques :
Aziz Idamine est chercheur en sciences politiques. Il est aussi militant du Parti socialiste unifié (PSU). Son action permanente au sein de la société civile et sa qualité de représentant du Mouvement des jeunes démocrates et progressistes du PSU à l’Institut national des jeunes et de la démocratie (INJD) lui donnent la possibilité d’avoir une vision globale sur le champ politique marocain ainsi que sur l’évolution de la question de la jeunesse. Dans cette interview, Idamine expose ses idées relatives aux mutations politiques et ouvre le débat autour de l’unification de la gauche et la question de la
participation des jeunes à la vie politique.

Libé : Vous êtes un jeune chercheur et membre de la jeunesse du PSU. Comment voyez-vous les mutations que connaît actuellement le champ politique marocain?

Aziz Idamine : Il est clair que le champ politique marocain ne connaît pas actuellement de dynamique satisfaisante. Je pense qu’il est encore tôt de dire qu’il s’agit d’une transition politique qui s’illustre par la nouvelle confirguration des acteurs et des partis politiques. Cette cartographie a changé suite à la rentrée en scène d’un nouvel acteur, en l’occurrence le PAM. Dans ce cadre, je pense que le champ politique n’est pas un espace accaparé par des forces politiques, mais ouvert à tous les acteurs. Or, la question qui se pose actuellement concerne les moyens et les outils utilisés par chaque acteur. La démocratie exige égalité entre tous ces acteurs. L’inégalité de ces moyens et outils ont permis au PAM de remporter les dernières communales, alors qu’il n’a même pas une année d’existence. On se demande alors, si ce parti est en train de se baser sur son capital économique et culturel (idéologique) ou bien il s’agit vraiment d’un capital symbolique de Mr El Himma. Sachant que ce dernier a une relation proche du Palais et des rouages de l’administration.

Quelle évaluation faites-vous des dernières élections à la Chambre des conseillers ?

L’élection de Cheikh Mohamed Biadillah à la tête de l’institution prouve que les règles du jeu politique au Maroc manquent de clarté. Cela indique également que les alliances et les consensus ne se font pas d’une façon institutionnelle, mais reposent en grande partie sur des coulisses et des canaux parlementaires peu transparents. Il en résulte que la politique vue sous l’angle classique, moral et traditionnel, connait une véritable crise. Cela nous permet de dire que l’avenir de la politique au Maroc serait beaucoup plus confus. Ce qui nécessite des réformes constitutionnelles. Pour l’avenir proche, je pense qu’on est devant l’urgence d’une réforme pour que le gouvernement assume ses responsabilités. Cette réforme nous permet de discuter des alliances possibles dans les conditions actuelles. La première issue possible est que l’alliance actuelle reste, et qu’on attribue de nouveaux ministères à des partis, notamment le MP. La deuxième possibilité est la sortie de l’USFP pour rejoindre l’opposition et l’entrée du PAM au gouvernement. Ce scénario est difficile, car il y aura une forte opposition composée d’une part des partis ayant pratiqué l’opposition plus de 40 ans et d’autre part, d’une opposition reposant sur le discours moraliste, tel que le PJD. La troisième alliance possible, est la sortie du MP et l’entrée du PJD. Ce scénario est possible car il y a aujourd’hui une volonté chez les frères de Benkirane de participer partiellement au gouvernement. Deuxième indicateur sur lequel il faut reposer est le rapprochement entre l’USFP et le PJD. Dans ce cas, nous serons devant la volonté d’El Himma de créer un courant libéral. Et je pense que les deux prochains mois seront décisifs suite à la tenue des deux conseils nationaux respectifs de l’USFP et du RNI.

En tant que partisan du PSU, vous avez suivi de près les débats sur l’unification de la gauche marocaine. Quelles conclusions en tirez-vous?

Après les élections de 2007, plusieurs initiatives et débats ont eu lieu sur cette question, même si ce débat a toujours existé. Mais aujourd’hui, il est devenu fort présent dans la scène politique, à cause des résultats confirmant le recul de la gauche lors des dernières échéances législatives et communales. Cette gauche a perdu beaucoup de ses sympathisants et électeurs. Devant ce recul flagrant, la gauche doit tout d’abord se poser des questions : ce recul est-il dû à l’expérience de l’alternance qui a été, selon plusieurs observateurs, limitée et peu fructueuse ? ou est-ce bien à cause de l’échec de la gauche pour rénover ses outils de mobilisation et sa méthodologie de travail dans la société ?
Ce qui est sûr aujourd’hui, c’est que les conditions actuelles favorisent l’Union ou au moins le rapprochement et les alliances entre les partis de gauche, notamment après que le dernier congrès de l’USFP a insisté sur la monarchie parlementaire et la décision du Conseil national du PSU qui a appelé à la création d’une Fédération de la gauche marocaine. Je pense également que la volonté des Jeunesses de ces partis pourrait jouer un rôle important dans cette union, surtout l’Appel pour le peuple de la gauche, et les espaces de dialogue de la gauche.

Peut-on déduire qu’il y a une désaffection des jeunes dans la participation politique ?

On ne peut pas juger la participation des jeunes aux échéances communales et législatives précédentes, car personne ne dispose d’informations fiables à ce sujet. C’est le ministère de l’Intérieur qui détient tous les chiffres et les taux de participation. Personnellement, je pense que les jeunes participent aujourd’hui de différentes façons dans la politique. Certes il ne s’agit pas d’une participation traditionnelle, basée sur le vote et la présence dans les partis politiques, mais de nouveaux espaces qui encadrent ces jeunes tels que les festivals de musique urbaine…Ils sont aussi présents dans les activités de la société civile, les manifestations culturelles et la défense des droits humains.
Si on constate aujourd’hui un recul, cela est dû au discours des partis et à la vie politique. Ce discours doit changer et apporter un changement radical. Il faut également que les élites et les structures partisanes s’ouvrent davantage sur les jeunes.


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