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Anasse Kazib vu par une militante


Par Adam Boubel
Mercredi 19 Janvier 2022

Petit-fils de tirailleur marocain, fils d’ ouvrier marocain, et surtout candidat révolutionnaire à la présidentielle française 2022

Anasse Kazib vu par une militante
Divisés en trois groupes de deux la journée et réunis le soir pour dîner et pour nous reposer des longues heures passées à faire la tournée des communes du Jura, aux frontières de la France et de la Suisse, les militantes de Révolution Permanente et moi-même avons cherché à avoir des parrainages de maires de petites communes dans le but de donner une chance à Anasse Kazib de se présenter à l’élection présidentielle de 2022. En effet, pour pouvoir se présenter aux élections présidentielles, un candidat doit réunir au minimum 500 parrainages d’élus, notamment des maires. Cet exercice s’avère de surcroît difficile pour les petits candidats qui n’ont pas de présence médiatique continue sur les chaînes de télévision du service public mais également des grands groupes médiatiques détenus par des capitalistes qui préfèrent donner plus de visibilité à des personnages d’extrême droite, le cas emblématique étant celui d’Eric Zemmour avec la chaîne Cnews, détenue par Vincent Bolloré, 14ème fortune de France. En plus de ce handicap, le gouvernement Valls avait décidé de rendre publique la liste des parrainages, ce qui a causé énormément de problèmes à des maires de petites communes avec leurs concitoyens, mais également avec les conseils départementaux et régionaux, soucre de leurs subventions et financements qui permettent l’entretien des infrastructures de la collectivité territoriale.
Entre des maires qu’on pensait à la messe mais qui étaient à la chasse, des maires qui n’ont pas dénié nous recevoir et qui se sont contentés de crier de leurs bureaux « on ne parraine pas ! », des maires pensant qu’une nouvelle candidature marxiste ne ferait qu’empêcher la providentielle Union de la gauche, des maires qui avaient peur de parrainer bien que la candidature du jeune militant ouvrier leur paraissait intéressante, des maires absents de la commune, des maires qu’on a dû chercher directement chez eux, dont un à 21h un dimanche et qui fut le seul à accorder sa confiance à la candidature d’Anasse durant toute cette tournée, on se demande alors dans quel but de jeunes étudiantes de l’université Paris 8 ont passé le début de leurs vacances de fin d’année à sillonner la France profonde, à leurs frais, sous un froid glacial, roulant sur des routes de campagne souvent verglacées ou enneigées.
Pour répondre à cette question, j’ai décidé de réaliser un entretien avec Irène, 19 ans, militante à Révolution Permanente aux côtés d’Anasse Kazib, dans le but de connaître le candidat d’extrême gauche à travers les yeux de ses soutiens les plus engagés.
Impliquée politiquement depuis la campagne présidentielle de 2017 de Philippe Poutou (NPA) et engagée activement depuis qu’elle a intégré l’université en 2019, Irène a directement rejoint les rangs du CCR, «c’est-à-dire le Courant Communiste Révolutionnaire, qu’on appelle aujourd’hui Révolution Permanente», courant qui a été poussé à quitter le NPA en juin 2021 par la direction qui a usé de «méthodes bureaucratiques pour [les] empêcher de participer à la conférence nationale du NPA en [les] excluant des Assemblées générales électives », mais la raison officielle de leur exclusion du Nouveau Parti Anticapitaliste est leur annonce de la précandidature de Anasse Kazib, militant ouvrier et racisé, à la présidentielle de 2022, chose que la majorité qui soutient Philippe Poutou n’a pas acceptée. Pour Irène, et par extrapolation pour tous les membres de Révolution Permanente, Anasse Kazib était le militant qui pouvait porter leurs luttes, notamment du fait qu’il a été à l’avant-garde des combats de ces dernières années.
Sans être exhaustive, mon interlocutrice me parle des grèves contre la réforme du rail en 2018 qui portait sur la privatisation de la SNCF et lors desquelles « les centrales syndicales avaient adopté une stratégie perdante qui était celle de la grève perlée qui consistait à alterner entre jours de travail et jours de grève, une sorte de grève intermittente » motivant leur choix par le fait de ne pas faire perdre entièrement les salaires des cheminots et pour ne pas épuiser la grève. Résultat du compte, la grève perlée a abouti à l’essoufflement du mouvement et à un déséquilibre de forces entre le gouvernement et les syndicats qui n’exerçaient pas de réelle pression sur l’Exécutif. La SNCF a donc été privatisée. Lors de ce mouvement, Anasse, cheminot de profession, s’est démarqué par ses prises de «positions antibureaucratiques des grandes centrales syndicales» et a pris de l’ampleur médiatique en passant dans plusieurs émissions notamment dans les «Grandes Gueules».
En plus de la réforme du rail, Anasse a également été activement engagé lors du mouvement de grève contre la réforme des retraites en 2019. Décidée en septembre 2019, un grand mouvement de grève s’annonçait pour le mois de décembre de la même année dans les rangs des machinistes de la RATP et des cheminots de la SNCF. Pendant les trois premières semaines de décembre, toute la région parisienne a été entièrement bloquée suite à ce mouvement. A la veille des vacances de noël, «il y a eu une opération médiatique de décrédibilisation des grévistes, une sorte de gréviste bashing», faisant croire aux français que «les grévistes allaient [les] prendre en otage en [les] empêchant de rentrer voir [leurs] familles pour noël». Les centrales syndicales, pour leur majorité, ont donc proposé une trêve de noël et appelé à l’arrêt de la grève, ce qui «signifiait abandonner [les grévistes]». Les rencontres RATP-SNCF, créées lors de la période de préparation de la grève, sont donc devenues La coordination RATP-SNCF, prenant ainsi de l’ampleur et organisant une alternative aux «chefs traîtres de la classe ouvrière», comme les considérait Lénine. Anasse, qui était un des dirigeants de cette coordination en région parisienne, a donc contribué avec ses camarades à rythmer le mouvement de grève en pleine trêve de noël. De cette coordination, Irène tire le bilan que «c’était un cadre d’auto-organisation des travailleurs à la base» où les «ouvriers décidaient à la base de la suite de leur mouvement et non pas par en haut par les directions syndicales». Finalement, la jeune militante évoque l’immense mouvement populaire des Gilets jaunes lors duquel le CCR considérait qu’il fallait qu’il y ait convergence des luttes et utilisation de l’outil de la grève, élément indispensable pour faire aboutir les revendications. Pour cette raison fut créé Le pôle Saint Lazare, en référence à la gare du même nom d’où partaient les manifestations, qui était un cadre de convergence des luttes entre le mouvement des Gilets jaunes, le mouvement ouvrier et le comité Adama, qui «était là pour faire la liaison entre le mouvement des gilets jaunes et les quartiers populaires, notamment sur la question des violences policières». Le «On est là !», principal slogan des Gilets jaunes, avait d’ailleurs été chanté pour la première fois par Anasse Kazib, sur proposition d’un cheminot.
L’organisation Révolution Permanente se veut à l’image de ses luttes, c’est d’ailleurs pour cela que l’on retrouve plus de lutteuses que de lutteurs de classes dans ses rangs. Dotée d’un collectif féministe (Du Pain et des Roses) qui lutte contre les violences sexistes et sexuelles contre les femmes, cela se comprend parfaitement. Mais cette lutte féministe ne signifie pas lutter avec toutes les femmes, mais plutôt pour toutes les femmes. Irène résume parfaitement cette idée en disant que «le genre [les] unit, mais que la classe [les] divise». En effet, la candidature de femmes à l’élection présidentielle ou leur accès à de hauts postes, notamment pour Valérie Pécresse ou Marlène Schiappa, ne contribue aucunement à l’avancée de la lutte contre le patriarcat et le capitalisme car elles sont ellesmêmes la représentation de ce système et ses défenseures. Elles sont toutes les deux «de l’autre côté de la barricade», contrairement à un militant comme Anasse Kazib «qui subit l’exploitation et le racisme au quotidien». En fidèles militants marxistes, les membres de RP axent toutes leurs thématiques sur la lutte de classe. C’est le cas pour le féminisme comme ce qu’on a vu précédemment, mais c’est également le cas pour le racisme car «le racisme et le patriarcat sont des systèmes de domination utilisés par les capitalistes pour exploiter toujours plus la classe ouvrière et les classes populaires. Le sexisme est un outil utilisé pour moins payer les femmes, pour les mettre en concurrence avec les hommes. Le racisme est pour sa part utilisé pour diviser la classe ouvrière, entre les ouvriers blancs et les ouvriers racisés». A la lutte contre le patriarcat et le racisme, s’ajoute le sujet de la crise climatique. A l’inverse de ce que véhiculent constamment les médias et les politiques dominants, notamment «que la crise climatique va se résoudre par des petits gestes : ne pas faire pipi sous la douche, moins prendre sa voiture, fermer l’eau du robinet quand on se brosse les dents, acheter bio etc… », RP considère qu’il y a 100 entreprises qui émettent 70% des gaz à effet de serre, et que c’est là la source du problème. Avançant le slogan «fin du mois, fin du monde, même combat», ces militants considèrent que la lutte doit se faire contre les grandes entreprises, dont la société Total qui fait partie des 10 sociétés les plus polluantes au monde, en taxant leurs profits mais surtout en remettant « la production aux mains des ouvriers et [en] réfléchi[ssant] à une transition écologique par eux-mêmes, par les ouvriers qui connaissent leurs outils de travail», comme ce que proposaient les 600 ouvriers de la raffinerie de Grandpuits qui se sont vu licenciés pour des questions écologiques par Total alors qu’au même moment, ce groupe détruisait la flore et la faune ougandaises en construisant un pipeline. 
Pour ces élections présidentielles, le programme de RP est surtout un programme face à la crise qui a commencé en 2008 et qui a connu son apogée avec la crise du Covid. Ce programme économique d’urgence consiste principalement en «l’augmentation de tous les bas salaires de 300 euros, l’augmentation du SMIC à 1800 euros et son indexation à l’inflation, la revalorisation de tous les minimas sociaux, l’interdiction des licenciements, le partage du temps de travail pour résoudre la question du chômage [et] la retraite à 62 ans et à 60 ans pour les emplois les plus pénibles». Mais leur véritable programme n’est pas électoral mais plutôt un programme d’action, un programme à long terme qui, comme le définissait Mehdi Ben Barka, «n'est pas en l'occurrence l'ensemble des mesures que le parti s'engage à prendre, au cas où il arriverait au pouvoir, mais bel et bien la ligne directrice qui, en expliquant les luttes et les vicissitudes du passé, esquisse le profil de l'avenir». Pour tout cela, «il faut un rapport de force face au gouvernement, face aux grands patrons. Et en définitive, notre but reste le renversement de la société capitaliste», a conclu la jeune étudiante de l’Université Paris 8. 


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