Alexandre de Moraes, juge puissant et clivant chargé du procès Bolsonaro


Libé
Mardi 2 Septembre 2025

Alexandre de Moraes, juge puissant et clivant chargé du procès Bolsonaro
Défenseur de la démocratie ou "dictateur"? Alexandre de Moraes, magistrat brésilien chargé du procès contre l'ex-président Jair Bolsonaro, est un personnage clivant, jusqu'aux Etats-Unis: Elon Musk le honnit, et l'administration Trump le sanctionne.
Si la droite brésilienne rêve de le destituer, Alexandre de Moraes, marié et père de trois enfants, peut pour l'heure siéger jusqu'à ses 75 ans
Crâne lisse, sourcils épais, regard sévère: le physique du juge le plus en vue de la Cour suprême, âgé de 56 ans, contribue à sa réputation de fermeté, même si on lui prête un solide sens de l'humour.
"Si un juge ne supporte pas la pression, qu'il change de métier", disait-il récemment lors d'une conférence à Rio de Janeiro.
 
Dans son cas, la pression est venue dernièrement des Etats-Unis.
L'administration du président Donald Trump l'accuse de mener une "chasse aux sorcières" contre son allié d'extrême droite Jair Bolsonaro, dont le procès pour tentative de coup d'Etat devait entrer mardi dans sa phase finale.

Le 30 juillet, après avoir révoqué son visa, Washington a infligé au magistrat des sanctions économiques via la loi Magnitsky, qui permet de cibler des personnes accusées de violation des droits humains.
"Une robe de juge ne peut pas vous protéger", a tonné le secrétaire d'Etat américain Marco Rubio.
Si un juge ne supporte pas la pression, qu'il change de métier, dixit Alexandre de Moraes  
Mais l'intéressé a juré d'"ignorer les sanctions" et de "continuer à travailler".
Né le 13 décembre 1968 à Sao Paulo, ce spécialiste de droit constitutionnel a été nommé à la Cour suprême en 2017 par l'ex-président de centre-droit Michel Temer (2016-2018), dont il fut ministre de la Justice.

Comme secrétaire à la Sécurité de l'Etat de Sao Paulo, entre 2015 et 2016, il avait été critiqué par la gauche, qui l'accusait de réprimer les mouvements sociaux.
Une partie de l'opinion, en particulier à gauche, voit aujourd'hui en ce pratiquant assidu de muay-thaï (un art martial) un défenseur intraitable de la jeune démocratie brésilienne.

Au cours du mandat présidentiel de Jair Bolsonaro (2019-2022), le magistrat avait été en première ligne dans la défense des institutions pour contrer les attaques répétées de ce nostalgique de la dictature militaire (1964-1985).

C'est aussi sous sa conduite que la justice électorale a condamné en 2023 l'ancien chef d'Etat à une peine d'inéligibilité de huit ans, pour désinformation avant le scrutin de 2022, qu'il avait perdu.

Pour le chef du courant conservateur, le juge Moraes est une "canaille" et un "dictateur".
Pour sa part, le milliardaire Elon Musk le compare à Voldemort, le méchant (également chauve) de la saga Harry Potter.

Le juge et le propriétaire du réseau X se sont livré l'an dernier un bras de fer qui a culminé avec la suspension pendant 40 jours de la plateforme, pour avoir ignoré des décisions judiciaires liées à la lutte contre la désinformation.
"La liberté d'expression n'est pas une liberté d'agression", martèle le juge Moraes face à ceux qui l'accusent de censure.
Avec le procès Bolsonaro, l'enjeu est encore plus élevé.

La Cour suprême va décider de condamner ou non l'ex-président, accusé d'avoir mené en 2022 un complot pour empêcher l'investiture du président de gauche Luiz Inacio Lula da Silva. Il risque jusqu'à 43 ans de prison.
Selon l'accusation, ce plan prévoyait notamment l'assassinat du juge Moraes - ce qui fait dire aux détracteurs du magistrat, et à d'autres, qu'il est juge et partie.

D'autres critiques ont fusé ces dernières semaines lorsqu'il a imposé des mesures drastiques à M. Bolsonaro, allant jusqu'à l'assigner à résidence pour des soupçons d'entrave à son procès.

Des rumeurs de dissensions au sein de la Cour suprême ont même couru.
Gilmar Mendes, doyen du tribunal, affirme cependant qu'il n'est nullement "isolé".
"Toute attaque contre l'un d'entre nous est une attaque contre la Cour", dit-il à l'AFP, saluant le rôle "historique" joué par son collègue.

Si la droite brésilienne rêve de le destituer, Alexandre de Moraes, marié et père de trois enfants, peut pour l'heure siéger jusqu'à ses 75 ans.


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