Abdelaziz Oussaih : Le Festival Iminig a démontré que la passion, lorsqu’elle s’accompagne de conviction, peut transformer les difficultés en opportunités et les obstacles en passerelles vers l’innovation


Hassan Bentaleb
Mardi 23 Septembre 2025

Abdelaziz Oussaih : Le Festival Iminig a démontré que la passion, lorsqu’elle s’accompagne de conviction, peut transformer les difficultés en opportunités et les obstacles en passerelles vers l’innovation
A la tête du Festival Iminig, Abdelaziz Oussaih revient sur une troisième édition placée sous le signe de “la migration et les valeurs”. Dans cet entretien, il évoque les messages forts portés par l’événement, l’engouement exceptionnel du public, les moments artistiques marquants et les défis de l’organisation. Loin d’être un simple rendez-vous culturel, le festival s’affirme comme une plateforme de dialogue entre mémoire, identité et diaspora, où l’art devient vecteur de vivre-ensemble et de reconnaissance.

Libé : Quels sont les principaux messages que vous retenez de cette troisième édition du Festival Iminig, notamment sur le thème «Migration et valeurs» ?

Abdelaziz Oussaih : La troisième édition du Festival Iminig a porté des messages humains profonds, dont le plus important est que la migration n’est pas seulement un déplacement géographique, mais une expérience existentielle riche en valeurs telles que la résilience, le vivre-ensemble et l’appartenance. Le festival a montré comment l’art peut être un moyen d’exprimer les souffrances des migrants, en particulier dans la région du Souss-Massa, tout en constituant une plateforme pour célébrer leurs contributions aux nouvelles sociétés. Il a également incarné l’idée que la migration enrichit l’identité culturelle marocaine amazighe.

Comment évaluez-vous la fréquentation et la participation du public cette année par rapport aux éditions précédentes ?

Cette édition a connu une affluence exceptionnelle, dépassant les dix mille spectateurs, d’autant plus que les activités du festival se sont déroulées sur deux scènes, un chiffre record inédit par rapport aux éditions précédentes. Cet engouement reflète l’intérêt croissant du public local et national, ainsi que des Marocains du monde, pour le festival, en raison de la diversité de ses volets artistiques et intellectuels et de son ouverture sur les questions migratoires qui touchent la sensibilité de beaucoup de gens et recréent des passerelles entre mémoire et identité.

Nous ne saurions manquer d’exprimer notre profonde gratitude aux autorités locales et à la sûreté nationale, qui ont joué un rôle central dans la réussite du festival, grâce à leur soutien constant et leur dévouement dans l’organisation et la sécurisation, contribuant ainsi à créer une atmosphère à la fois raffinée et sûre pour le public et les participants.

Quels ont été les moments forts ou les prestations artistiques qui vous ont le plus marqué durant ce festival ?

Parmi les moments marquants du festival figurait la mise en lumière de l’histoire des acrobates de la tribu Oulad Sidi Hamed Ou Moussa, qui avaient migré au XIXe siècle vers l’Europe et l’Amérique. Cette histoire rare a redonné toute sa place à l’histoire de la migration marocaine sous un angle inédit, où créativité et lutte se sont entremêlées, formant un modèle unique d’interaction entre identité et monde.

Le festival a également été ponctué de conférences et de séminaires, ainsi que d’ateliers de formation et d’enseignement, tels que l’apprentissage de la langue amazighe (Tifinagh) et la pratique des instruments de musique traditionnels, au bénéfice des enfants de la diaspora marocaine. Quant aux soirées artistiques, animées par de grands artistes venus du Maroc et de la diaspora, elles ont constitué des moments intenses et émouvants, incarnant la profondeur de l’appartenance et la beauté de l’expression culturelle partagée.

Le festival met en avant la diversité des origines et des expressions artistiques. En quoi, selon vous, cette pluralité enrichit-elle la scène culturelle marocaine ?

Cette diversité culturelle n’est pas seulement une différence de formes et d’expressions, mais une richesse vivante qui bat au cœur de la scène marocaine et lui confère un horizon plus large et une vision plus vaste. Elle ouvre de multiples fenêtres sur des expériences humaines variées et donne à l’art une capacité accrue à toucher les questions sociétales sous des angles inhabituels, où l’individu rencontre la mémoire collective et où la création devient le miroir d’une identité en transformation.

La pluralité artistique et culturelle n’est pas seulement une manifestation de richesse, mais une pierre angulaire dans la construction d’une société plus ouverte et tolérante, une société convaincue que l’identité marocaine n’est pas un moule figé, mais un tissu en constante évolution où les voix et les langues s’entrelacent, où les racines embrassent les horizons.

Comment le Festival Iminig s’inscrit-il dans la dynamique de valorisation de la diaspora marocaine?

Le Festival Iminig constitue une véritable plateforme de reconnaissance des contributions des Marocains du monde dans les domaines de l’art, de la pensée et de l’identité. En accueillant des artistes et chercheurs de la diaspora, il consacre cette reconnaissance par des hommages à des personnalités éminentes, telles que:

M. Hassan El Aakir qui: occupe plusieurs postes importants, notamment la direction de la coopération et de la recherche à la Fondation euro-arabe pour les études supérieures, et la coordination de la chaire internationale de culture amazighe.

L’artiste Abdellah Ourik: survivant du séisme d’Agadir en 1960 qui a étudié l’histoire de l’art à l’Université de Cambridge et la sociologie à l’Université d’Umeå en Suède. Il a également reçu une formation approfondie en beaux-arts à Berlin et à l’Académie des arts de Rome.

L’artiste Fattah Abou: professeur de musique d’Afrique du Nord avec plus de trente ans d’expérience, producteur culturel ayant présenté des spectacles éducatifs et artistiques aux Etats-Unis et à l’international au sein du groupe AZA.

L’artiste Mohamed Massir: artiste marocain de la diaspora, figure marquante du groupe artistique Lriash.
Ainsi, le Festival Iminig montre que la diaspora marocaine n’est pas simplement une communauté expatriée, mais un prolongement naturel de la culture nationale, un pont vivant reliant le pays à ses enfants à l’étranger, enrichissant la scène culturelle marocaine de leurs expériences variées.

Quelles ont été les difficultés rencontrées dans l’organisation d’un événement de cette envergure à Agadir et dans d’autres régions ?

Malgré l’éclat du succès, il ne faut pas ignorer les défis qui ont accompagné l’organisation de cette édition du Festival Iminig. Parmi les principaux obstacles rencontrés par l’équipe il y a: le manque de soutien institutionnel, les difficultés de coordination logistique, ainsi que les contraintes liées à la mobilisation des ressources humaines et artistiques, surtout dans un contexte de financement limité.

Cependant, ce qui a marqué cette expérience, c’est la détermination collective et l’esprit d’équipe convaincu de la mission culturelle du festival. Les défis se sont transformés en leviers de créativité, et les contraintes en espaces de liberté pour l’expression et la célébration de l’identité.
Le Festival Iminig a démontré que la passion, lorsqu’elle s’accompagne de conviction, peut transformer les difficultés en opportunités et les obstacles en passerelles vers l’innovation.

Avez-vous des initiatives ou des partenariats prévus pour prolonger les débats et les échanges après le festival?

Oui, il est prévu de lancer une série de rencontres culturelles et d’ateliers artistiques, en partenariat avec des associations locales et internationales, afin d’approfondir le débat sur les questions de migration, d’identité et de diversité culturelle.

Un travail est également en cours pour préparer des publications documentaires qui immortaliseront les travaux du festival et préserveront ses messages artistiques et humains, garantissant ainsi la continuité de son impact et l’élargissement de son influence à l’intérieur comme à l’extérieur du pays.

Quels messages souhaitez-vous adresser aux artistes, partenaires et participants après la clôture de cette édition ?

Nous adressons un profond message de gratitude à toutes les parties qui ont contribué à la réussite de cette édition, avec tous ses défis et ambitions.
Nous tenons à remercier particulièrement : le ministère de la Jeunesse, de la Culture et de la Communication – secteur de la culture –, le ministère de la Transition numérique et de la Réforme de l’administration, la Wilaya de la région Souss-Massa, la Préfecture d’Agadir Ida-Outanane, le Conseil régional de Souss-Massa, la commune d’Agadir Ida-Outanane, ainsi que le Groupe Belhassan, pour leur soutien effectif et leur accompagnement sincère.

Nous leur affirmons que le Festival Iminig  est leur espace et leur tribune, et que nous croyons que le véritable art ne se mesure pas seulement au nombre de spectateurs, mais à la profondeur de l’impact qu’il laisse dans les âmes et aux messages qu’il transmet de génération en génération.

Nous espérons que ce noble partenariat perdure et que nous continuerons ensemble à construire une scène culturelle amazighe marocaine digne de notre histoire et en phase avec nos aspirations vers un avenir plus lumineux et ancré dans l’identité.

Propos recueillis par Hassan Bentaleb


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