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S.M le Roi, Mohammed VI, a éludé d’adopter un ton triomphaliste ou excessivement victorieux dans son Discours au peuple marocain, prononcé à l’occasion de la résolution du Conseil de sécurité consacrant l’autonomie sous souveraineté marocaine comme solution réalisable. Bien que cette décision représentât l’horizon d’attente de tous les Marocains, au moins depuis 2007, année où le Royaume avait présenté son Initiative d’autonomie pour mettre fin à un demi-siècle de différend autour de ses provinces sahariennes, le Souverain a choisi un langage mesuré, loin d’une joie pourtant légitime en de telles circonstances. Ses mots furent pesés, et son Discours s’est articulé autour de trois axes essentiels.
Le premier fut d’éviter de qualifier la résolution du Conseil de sécurité, malgré sa portée déterminante dans le basculement de l’équilibre du dossier en faveur du Maroc, de « victoire » susceptible d’attiser les tensions et de nourrir de nouveaux ressentiments.
Il déclara à ce propos : « Le Maroc ne brandit pas ces changements comme un trophée et ne souhaite nullement attiser les antagonismes ou accentuer les divisions ». Tout au long de son allocution, prononcée après le vote du Conseil de sécurité, un moment jugé décisif dans l’histoire du différend, le ton du Souverain demeura calme et sage, privilégiant l’ouverture et le dialogue à l’euphorie de la victoire, qui pourrait être mal interprétée par le voisin algérien.
Le deuxième axe du Discours royal consistait à rappeler un principe constant dans la position marocaine : celui d’un règlement sans vainqueur ni vaincu, qui préserve la dignité de toutes les parties. Le souverain l’a formulé ainsi : « Le Maroc demeure attaché à la nécessité de parvenir à une solution qui sauve la face de toutes les parties, sans vainqueur, ni vaincu ».
Cette position, déjà exprimée dans le Discours du Trône du 29 juillet dernier, fut réaffirmée après la résolution onusienne, dans une continuité de ton et d’intention. Le Souverain avait souligné que le Maroc évite la logique du vainqueur et du vaincu dans l'évaluation de l'issue finale du conflit. Il avait conclut cette approche tripartite en renouvelant son appel à un dialogue direct avec la présidence algérienne : « J’invite Mon Frère, Son Excellence le Président Abdelmadjid Tebboune à un dialogue fraternel sincère entre le Maroc et l’Algérie afin que, nos différends dépassés, nous jetions les bases de relations nouvelles fondées sur la confiance, la fraternité et le bon voisinage ». Cette invitation, rappelons-le, précédait de près de trois mois le vote du Conseil de sécurité, preuve que la position marocaine demeure constante : « tendre la main à nos frères algériens » et manifester « la disponibilité du Maroc à un dialogue franc et responsable sur toutes les questions en suspens entre les deux pays ».
Depuis son accession au trône en 1999, S.M le Roi Mohammed VI a toujours fait ce choix de l’apaisement, que ce soit sous la présidence du défunt Abdelaziz Bouteflika ou celle d’Abdelmadjid Tebboune. Le Souverain estime que tous deux, comme lui-même, ont hérité d’un passif de décisions anciennes, même si la « responsabilité morale » des deux derniers dirigeants est présente dans le discours politique. Ces appels à la « main tendue », comme les qualifie désormais la presse, ont été réitérés au moins dix fois en 26 ans de règne de S.M le Roi. L’un des plus marquants fut celui de 2018, lorsque le Souverain proposa la création d’un mécanisme politique conjoint de dialogue et de concertation, défini d’un commun accord sur sa composition, sa forme et sa nature, ouvert à toute initiative algérienne, afin de surmonter la stagnation, examiner l’ensemble des questions pendantes en toute franchise et bonne foi, et renforcer la coopération bilatérale face aux défis régionaux et internationaux.
Malheureusement pour la région maghrébine, cette main tendue est restée sans réponse. Pis encore, la région a connu des périodes de tension extrême, où les discours et les perceptions ont fait craindre le pire entre les deux pays.
En réalité, les appels royaux au dialogue ont été multiplié dans les Discours du Trône. Le plus curieux c’est que les discours du Souverain et son attachement à l’unité maghrébine et la résolution des différends avec l’Algérie sont souvent contrasté avec le climat interne de ce pays. Ainsi, lors du discours du Trône de 2021, beaucoup s’attendaient à ton virulent, compte tenu de la montée des tensions politiques et médiatiques, de la course à l’armement et des querelles diplomatiques autour « de la guerre des séparatistes du Rif et de la Kabylie » et autres.
A cette époque, le ministre marocain des Affaires étrangères avait déclaré devant le Parlement que « l’Algérie planifie une confrontation militaire avec le Maroc ». Cette déclaration faisait écho à des propos tenus auparavant par le président algérien lui-même, Abdelmadjid Tebboune, qui affirmait dans Le Figaro (30 décembre 2022) que « la rupture des relations avec le Maroc a été une alternative à la guerre et la médiation est impossible entre nous », justifiant ainsi la décision de rompre les relations avec le Maroc en août 2021.
L’historien marocain Abdallah Laroui notait d’ailleurs dans Les Cahiers du Covid : « Pour l’Algérie, la guerre est déjà en cours. Croire que sa politique actuelle relève de l’irrationalité ou de l’incompétence serait une dangereuse illusion ». Dans ce contexte, la tonalité conciliante du Souverain, apaisant même les élans de joie nationale après la résolution du Conseil de sécurité, visait clairement à éviter toute mauvaise interprétation chez le voisin de l’Est.
Il serait donc réducteur de relier la nouvelle invitation du Souverain au seul mouvement diplomatique américain, bien que celui-ci ait récemment gagné en intensité. Le médiateur américain Steve Witkoff, proche de l’ancien président Donald Trump, avait évoqué une possible médiation entre Rabat et Alger dans un délai de 60 jours pour parvenir à un « accord de paix ». Cette déclaration fut confirmée par un autre proche conseiller de Trump, Massad Boulos, qui souligna que des efforts étaient en cours pour instaurer un climat de coopération parallèlement aux résolutions onusiennes sur le Sahara. Certes, parler « d’accord de paix pour une guerre qui n’a jamais eu lieu » prêta à controverse, mais cela rouvrit le débat sur la médiation internationale, notamment arabe, que l’Algérie refuse toujours, tandis que le Maroc, par la voix de son Roi, privilégie un dialogue bilatéral direct.
C’est ce qu’a réaffirmé le ministre marocain des Affaires étrangères, Nasser Bourita, après l’adoption de la résolution du Conseil de sécurité : « Les relations entre le Maroc et l’Algérie n’ont pas besoin d’une médiation extérieure. Le dialogue direct est la voie la plus juste. Nul ne comprend mieux l’Algérie que le Maroc, et nul ne connaît mieux le Maroc que son voisin frère ».
On peut dire que la mission des Américains vise à créer un climat favorable plutôt qu’à établir un ordre du jour pour les consultations bilatérales ou à en définir les perspectives finales. C’est d’ailleurs ce que laisse entendre Massad Boulos lorsqu’il déclare avoir tenu « une excellente rencontre avec Son Excellence le président Abdelmadjid Tebboune… Ils veulent une solution décisive et définitive, et ils sont ouverts à l’amélioration des relations avec leurs voisins, avec le Maroc, peuple, Roi et gouvernement… Nous sommes aujourd’hui plus optimistes que jamais quant à la possibilité de trouver, si Dieu le veut, une issue positive et durable à ce dossier ».
Le premier fut d’éviter de qualifier la résolution du Conseil de sécurité, malgré sa portée déterminante dans le basculement de l’équilibre du dossier en faveur du Maroc, de « victoire » susceptible d’attiser les tensions et de nourrir de nouveaux ressentiments.
Il déclara à ce propos : « Le Maroc ne brandit pas ces changements comme un trophée et ne souhaite nullement attiser les antagonismes ou accentuer les divisions ». Tout au long de son allocution, prononcée après le vote du Conseil de sécurité, un moment jugé décisif dans l’histoire du différend, le ton du Souverain demeura calme et sage, privilégiant l’ouverture et le dialogue à l’euphorie de la victoire, qui pourrait être mal interprétée par le voisin algérien.
Le deuxième axe du Discours royal consistait à rappeler un principe constant dans la position marocaine : celui d’un règlement sans vainqueur ni vaincu, qui préserve la dignité de toutes les parties. Le souverain l’a formulé ainsi : « Le Maroc demeure attaché à la nécessité de parvenir à une solution qui sauve la face de toutes les parties, sans vainqueur, ni vaincu ».
Cette position, déjà exprimée dans le Discours du Trône du 29 juillet dernier, fut réaffirmée après la résolution onusienne, dans une continuité de ton et d’intention. Le Souverain avait souligné que le Maroc évite la logique du vainqueur et du vaincu dans l'évaluation de l'issue finale du conflit. Il avait conclut cette approche tripartite en renouvelant son appel à un dialogue direct avec la présidence algérienne : « J’invite Mon Frère, Son Excellence le Président Abdelmadjid Tebboune à un dialogue fraternel sincère entre le Maroc et l’Algérie afin que, nos différends dépassés, nous jetions les bases de relations nouvelles fondées sur la confiance, la fraternité et le bon voisinage ». Cette invitation, rappelons-le, précédait de près de trois mois le vote du Conseil de sécurité, preuve que la position marocaine demeure constante : « tendre la main à nos frères algériens » et manifester « la disponibilité du Maroc à un dialogue franc et responsable sur toutes les questions en suspens entre les deux pays ».
Depuis son accession au trône en 1999, S.M le Roi Mohammed VI a toujours fait ce choix de l’apaisement, que ce soit sous la présidence du défunt Abdelaziz Bouteflika ou celle d’Abdelmadjid Tebboune. Le Souverain estime que tous deux, comme lui-même, ont hérité d’un passif de décisions anciennes, même si la « responsabilité morale » des deux derniers dirigeants est présente dans le discours politique. Ces appels à la « main tendue », comme les qualifie désormais la presse, ont été réitérés au moins dix fois en 26 ans de règne de S.M le Roi. L’un des plus marquants fut celui de 2018, lorsque le Souverain proposa la création d’un mécanisme politique conjoint de dialogue et de concertation, défini d’un commun accord sur sa composition, sa forme et sa nature, ouvert à toute initiative algérienne, afin de surmonter la stagnation, examiner l’ensemble des questions pendantes en toute franchise et bonne foi, et renforcer la coopération bilatérale face aux défis régionaux et internationaux.
Malheureusement pour la région maghrébine, cette main tendue est restée sans réponse. Pis encore, la région a connu des périodes de tension extrême, où les discours et les perceptions ont fait craindre le pire entre les deux pays.
En réalité, les appels royaux au dialogue ont été multiplié dans les Discours du Trône. Le plus curieux c’est que les discours du Souverain et son attachement à l’unité maghrébine et la résolution des différends avec l’Algérie sont souvent contrasté avec le climat interne de ce pays. Ainsi, lors du discours du Trône de 2021, beaucoup s’attendaient à ton virulent, compte tenu de la montée des tensions politiques et médiatiques, de la course à l’armement et des querelles diplomatiques autour « de la guerre des séparatistes du Rif et de la Kabylie » et autres.
A cette époque, le ministre marocain des Affaires étrangères avait déclaré devant le Parlement que « l’Algérie planifie une confrontation militaire avec le Maroc ». Cette déclaration faisait écho à des propos tenus auparavant par le président algérien lui-même, Abdelmadjid Tebboune, qui affirmait dans Le Figaro (30 décembre 2022) que « la rupture des relations avec le Maroc a été une alternative à la guerre et la médiation est impossible entre nous », justifiant ainsi la décision de rompre les relations avec le Maroc en août 2021.
L’historien marocain Abdallah Laroui notait d’ailleurs dans Les Cahiers du Covid : « Pour l’Algérie, la guerre est déjà en cours. Croire que sa politique actuelle relève de l’irrationalité ou de l’incompétence serait une dangereuse illusion ». Dans ce contexte, la tonalité conciliante du Souverain, apaisant même les élans de joie nationale après la résolution du Conseil de sécurité, visait clairement à éviter toute mauvaise interprétation chez le voisin de l’Est.
Il serait donc réducteur de relier la nouvelle invitation du Souverain au seul mouvement diplomatique américain, bien que celui-ci ait récemment gagné en intensité. Le médiateur américain Steve Witkoff, proche de l’ancien président Donald Trump, avait évoqué une possible médiation entre Rabat et Alger dans un délai de 60 jours pour parvenir à un « accord de paix ». Cette déclaration fut confirmée par un autre proche conseiller de Trump, Massad Boulos, qui souligna que des efforts étaient en cours pour instaurer un climat de coopération parallèlement aux résolutions onusiennes sur le Sahara. Certes, parler « d’accord de paix pour une guerre qui n’a jamais eu lieu » prêta à controverse, mais cela rouvrit le débat sur la médiation internationale, notamment arabe, que l’Algérie refuse toujours, tandis que le Maroc, par la voix de son Roi, privilégie un dialogue bilatéral direct.
C’est ce qu’a réaffirmé le ministre marocain des Affaires étrangères, Nasser Bourita, après l’adoption de la résolution du Conseil de sécurité : « Les relations entre le Maroc et l’Algérie n’ont pas besoin d’une médiation extérieure. Le dialogue direct est la voie la plus juste. Nul ne comprend mieux l’Algérie que le Maroc, et nul ne connaît mieux le Maroc que son voisin frère ».
On peut dire que la mission des Américains vise à créer un climat favorable plutôt qu’à établir un ordre du jour pour les consultations bilatérales ou à en définir les perspectives finales. C’est d’ailleurs ce que laisse entendre Massad Boulos lorsqu’il déclare avoir tenu « une excellente rencontre avec Son Excellence le président Abdelmadjid Tebboune… Ils veulent une solution décisive et définitive, et ils sont ouverts à l’amélioration des relations avec leurs voisins, avec le Maroc, peuple, Roi et gouvernement… Nous sommes aujourd’hui plus optimistes que jamais quant à la possibilité de trouver, si Dieu le veut, une issue positive et durable à ce dossier ».
Abdelhamid Jmahri
Ce propos trouve son écho dans la déclaration même de Nasser Bourita, selon laquelle « le rétablissement des relations avec l’Algérie et le règlement de la question du Sahara sont plus proches que jamais. Il ne manque que la volonté politique. »
En réalité, le choix de la formule « ni vainqueur ni vaincu » ne traduit pas seulement la volonté d’écarter les séquelles des guerres régulières ou irrégulières, avec leurs drames et leurs douleurs. Il repose également sur un principe moral et politique : éviter de pousser l’autre partie au désespoir face à l’avenir, et encourager une logique de réconciliation. Celle-ci a constitué l’un des piliers de la politique du nouveau Règne, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays... Nous attendons, et avec nous les peuples du Maghreb, le passage de la gestion de la crise à la construction de la paix.
Par Abdelhamid Jmahri
En réalité, le choix de la formule « ni vainqueur ni vaincu » ne traduit pas seulement la volonté d’écarter les séquelles des guerres régulières ou irrégulières, avec leurs drames et leurs douleurs. Il repose également sur un principe moral et politique : éviter de pousser l’autre partie au désespoir face à l’avenir, et encourager une logique de réconciliation. Celle-ci a constitué l’un des piliers de la politique du nouveau Règne, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays... Nous attendons, et avec nous les peuples du Maghreb, le passage de la gestion de la crise à la construction de la paix.
Par Abdelhamid Jmahri








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