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“La France confisquée” de Habib Mazini

Le pays des droits de l’Homme vacille entre la fidélité à ses traditions humanistes et des tentations nauséabondes

Mardi 29 Avril 2025

“La France confisquée” de Habib Mazini
La France, longtemps terre d’accueil et des droits de l’Homme, vacille entre la fidélité à ses traditions humanistes et des tentations nauséabondes…

La France Confisquée, le nouveau roman de Habib Mazini, s’annonce comme un polar politique haletant et plein de rebondissements. Le titre est éloquent, c’est bel et bien la fin d’une époque synonyme de valeurs et de débats. La politique y est à l’honneur, pas celle de la recherche de la concorde. Celle abordée dans le livre fait référence aux écrits sentant l’exclusion : les Fleuves du sang (E. Powel), l’Abécédaire de l’innocence (R. Camus), le camp des Saints (J. Raspail), des titres à la gloire de la pureté identitaire ou dénonciateurs d’une invasion. Leurs auteurs nommés les Historiens du futur prophétisent la fin de l’identité française, voire occidentale. Le Grand remplacement, un thème cher à l’extrême droite depuis le siècle dernier, inspire les politiques et les intellectuels. Les Juifs et les Arméniens étant autrefois ses cibles, aujourd’hui les noirs, les musulmans et les progressistes.

L’actualité en a fourni quelques tristes exemples les décennies précédentes, comme d’Utoya ou Oklahoma. La tentation xénophobe grandissante en France se nourrit des difficultés économiques, et du prosélytisme d’individus inféodés à des confréries nostalgiques d’époques lointaines. Pour traiter ce sujet grave, le mérite de H. Mazini réside dans le choix du polar, un choix qui s’avère pédagogique et palpitant. Le roman s’énorgueillit de références culturelles ayant prévalu dans les décennies précédentes.

Un vieux couple de professeurs auréolé d’une culture soixante-huitarde décide de contrer le déclin économique et démocratique du pays. Ce déclin, Christian et Nathalie Loubataires l’attribuent à la faiblesse de la classe politique, corrompue et sans imagination.  L’homme, Christian Loubataires, nostalgique d’une époque de débats et de lutte de classes, a pour repère la gauche latino-américaine et ses actions politiques. Il se convainc de la stérilité du militantisme traditionnel et de l’autisme des acteurs politiques, portés uniquement sur le sociétal, l’environnemental et l’identitaire. Un sursaut s’impose et son Manifeste publié dans la presse en est le fondement. Pour cela, il échafaude un scénario dans lequel sont assassinés des Français musulmans (femmes voilées et hommes barbus) et des nationalistes (militants d’extrême droite), à tour de rôle des cadavres tombent dans les villes à forte diversité culturelle. Ces morts ensemencent la France d’un climat de haine que d’aucuns saluent comme l’augure d’un nouveau Saint-Barthélemy. Est-ce le début d’une guerre civile ? Heureusement, les inspecteurs de police traitent les crimes comme de vulgaires faits divers et mènent leur enquête. Le roman est aussi une galerie de portraits, sources de tensions positives, longtemps le moteur d’une France dynamique. Du Français raciste au Maghrébin sectaire, du chroniqueur pyromane à l’associatif témoin de la réalité quotidienne, l’auteur ausculte la société française avec l’intérêt du chercheur traquant le détail à fécond.

Le roman s’arrête aussi sur la panne intellectuelle de la France, appauvrie et vidée de sa vitalité. Plus d’intellectuels dignes de Camus, de Barthes ou de Bourdieu, ni de journalistes et d’hommes politiques à la hauteur des enjeux. La culture, cette fée bienfaitrice et intégratrice, produit d’exportation français majeur, se meurt ou se marginalise par manque de moyens.

Par Hamza Brini

Hamza Brini

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