Mohamed Kotiba, l’éloquence du cubisme

Vendredi 4 Juillet 2025

Mohamed Kotiba, l’éloquence du cubisme
Toute en subtilité de couleurs et de formes, l’œuvre du plasticien maro cain Mohamed Kotiba (1953-2016), maître incontesté du cubisme, dévoile une imagination foisonnante. L’essentiel fluide et chromatique mène vers un cubisme lyrique ment chaleureux. D’où sa peinture, peu à peu transcendée et alchimisée par une expression volontaire faite de décision, de liberté et d’émotions, dans des compositions bien re cherchées, qui permettent à l’artiste de s’af franchir du réel classique, au profit d’une réalité moderne, dynamique et attachante par sa singularité.

Pendant qu’ils mûrissent, pendant qu’ils atteignent leur autonomie cubiste, les tableaux de Kotiba clament, exigent, refusent. Ils émettent et demandent une énergie. C’est ce qui explique aussi les tailles polychromes de l’œuvre. Organiques et parfois surréalistes, ces tailles permettent d’entrevoir ce qui est en peinture sa dernière métamorphose. Son œuvre se caractérise alors par des volumes en veloppants et enveloppés, par des formes contournés par la faculté de transmettre la sensation d’un lent mouvement giratoire. Ombre et lumière se répartissent les saillis et le creux les incitions rayonnantes, les inci dences curvilignes et même complètement circulaires.

Néanmoins, souvent polychrome, cette taille porte le sceau de notre peintre. La tex ture lisse, consistance, mate ou brillante convienne autant à la forme qu’au volume, le rendant plus somptueux et sensuel. Cela se convertit en symbole de l’onirisme par excel lence, dans la création de Kotiba pour nous identifier pleinement avec cette étape de syn chronisme. Un symbole qui fusionne icono graphiquement des impressions intérieures et extérieures, volontaires et intuitives, éveillées et endormies.

Généralement, les thèmes qu’aborde Ko tiba sont divers et variés mais hautement poé tiques : le patrimoine marocain dans ses splendeurs, la femme, la fantasia, le folklore… .Ses œuvres sont à l’image de son génie intui tif et sa verve créative. Le tout dans un rendu cubiste et abstrait lyrique, capable de parler à tout le monde et de transpercer toutes les âmes. Sa recherche va vers une liberté plus grande et plus inventive dans le geste et évo lue vers une cohérence chromatique. Abou tissement: une peinture alléchante, riche en saveurs. Où que l’on se tourne, des formes se bousculent, en cascades, en diagonales, pour passer outre le bord des toiles et venir plus près de nous encore accaparer nos yeux. Parfois, l’animation se calme : ces arrêts sur image s’offrent alors comme de très gros plans. Dans ces répits laissés au regard, sou dain un éclair de conscience nous éblouit. Pour le reste, la suggestion l’emporte sur la certitude. Au regardeur de s’y retrouver.

Chez Kotiba, le cubisme s’exprime sur tout par une composition qui génère du sens sans se référer directement au concret tout d’abord. Ensuite, par une idéalisation des formes et des traits qui permettent la repré sentation d’un tel ou tel sujet. Par cela, le sujet n’est plus un simple prétexte visuel, y compris la silhouette, mais une allégorie, un discours pictural implicite. La couleur vient mettre en valeur le relief naturel et guide son travail pour que ses œu vres dialoguent entre elles, se font écho, sont en résonance, en connivence.

Un travail de réflexion sur la matière et, particulièrement, sur les couleurs et les formes. Il nous invite à faire un «voyage intérieur» et nous incite à «apprivoiser l’invisible». On sait d’ores et déjà que notre plasticien a utilisé la couleur d’une façon subtile et a assemblé des formes géo métriques d’une façon particulière afin que les visiteurs partent à la recherche de cet in visible…Ses tableaux vont dialoguer, faire suite et se nourrir mutuellement. Et nos cœurs, nos yeux, nos émotions avec. Avec cette technique intuitive de la peinture qui allie spontanéité, explosivité et relief en même temps, la répétition de motifs laisse une trace modelée sur le support et offre un résultat tout simplement déroutant où couleur et forme sont en parfaite harmonie, et du mou vement de cette succession de motifs naît une émotion.

C’est dire que la peinture est pour lui un langage au sens strict, qui ne se contente pas de chercher la trace du monde tel qu’il s’offre à nos yeux candides. Le temps intérieur ou l’émotion créatrice, et le temps extérieur ou la matérialisation de cette émotion dans son œuvre sont rendus simultanés par sa matière fluide, légère et transparente. Il faut dire aussi que son œuvre, cubisme figuratif ou cubisme abstrait, figure en bonne place dans le patri moine pictural marocain, aux niveaux natio nal et international.

La quête de notre plasticien chevronné est inlassable, loin de se contenter de l’impact de l’image, il s’emporte pour le mouvement, pour la poésie chroma tique et pour la musique du tableau en tant que surface organisée, esthétiquement indé pendante. La peinture pour lui prend ainsi la tournure d’une aventure.

Ayoub Akil

Bio express

Kotiba, né à Casablanca le 22 février 1953, est l'un des maîtres incontestés du cubisme au Maroc. Sa passion pour l'art s'est révélée dès son plus jeune âge, ce qui l'a conduit à poursuivre des études en arts appliqués dans sa ville natale de 1970 à 1973. Après sa for mation au centre pédagogique de dessin à Rabat, Kotiba est devenu professeur d’éducation plastique, un poste qu'il a occupé jusqu'en 1995, partageant ainsi son amour et sa connais sance de l'art avec de nombreuses générations d'élèves.

Sa carrière artistique débute dans les années 70. Sa première exposition collective remonte à 1972 à Casablanca. Il a rapide ment gagné en reconnaissance et a participé à deux autres expositions importantes à Rabat, dont l'une à la prestigieuse galerie nationale Bab Rouah en 1976. En 1983, Kotiba a pris part à une exposition collective majeure à la galerie Le Savouroux à Casablanca, où il a ex posé aux côtés de figures emblématiques de l'art marocain comme Mohamed Melehi et Farid Belkahia. Cette période a marqué une phase prolifique de sa carrière, avec quatre participations successives au Salon du Printemps de Casablanca entre 1984 et 1987.
Parmi ses expositions individuelles les plus notables, on peut citer son exposition en 1980 à la Galerie 88 à Casablanca, suivie par celles à l'hôtel Sofitel à Marrakech en 1981 et à l'hôtel N'fis en 1985 et à la Villa Mandarine en 2006. Sa dernière exposition individuelle a eu lieu à D’art Louane à Rabat en 2011, démontrant la constance et l'évo lution de son art au fil des décennies. Kotiba est décédé le 7 juillet 2016, laissant derrière lui un héritage artistique significatif. Sa contribution à l'art cubiste et à l'éducation ar tistique continue d'inspirer et de marquer les esprits.

Ayoub Akil

Lu 323 fois

Cinema | Livre | Musique | Exposition | Théâtre



Inscription à la newsletter