L’autonomie marocaine

Etude académique à la lumière de la résolution 2797 et des défis de l’équilibre régional


Abdelaziz Sidki
Mercredi 5 Novembre 2025

Cette étude examine les dimensions constitutionnelles, politiques et institutionnelles de l’initiative marocaine d’autonomie à la lumière de la résolution 2797 du Conseil de sécurité (31 octobre 2025), laquelle réaffirme la crédibilité et le sérieux de la proposition marocaine comme solution politique réaliste, pratique et durable à la question du Sahara marocain.

La recherche souligne que cette résolution constitue un tournant majeur dans le processus onusien de règlement, en écartant définitivement l’option du référendum et en consacrant une approche politique fondée sur le consensus dans le cadre de la souveraineté marocaine.

L’étude met également en exergue les fondements d’une autonomie effective permettant d’assurer un équilibre régional au sein du Royaume et de renforcer le modèle marocain de gestion de la diversité territoriale, tout en s’inspirant des expériences internationales comparées en matière d’autonomie et de décentralisation politique.

La résolution 2797 apparaît ainsi comme l’aboutissement d’un parcours diplomatique marocain équilibré, fondé sur une logique de   « souveraineté dans l’ouverture », redéfinissant le concept d’autonomie comme un mécanisme politique de règlement des différends territoriaux sans porter atteinte à l’unité de l’État.

Enfin, cette résolution illustre la prise de conscience de la communauté internationale quant à la pertinence et à l’efficacité de l’initiative marocaine, dans un contexte régional instable marqué par les défis du terrorisme et de la migration irrégulière.

L’objectif de cette recherche est de proposer une vision académique détaillée de l’autonomie réalisable par le Maroc, de manière à préserver les équilibres régionaux et à renforcer l’intégration institutionnelle nationale.
 
Les fondements constitutionnels et politiques de l’autonomie marocaine.
 
1- La référence constitutionnelle
Le modèle marocain s’appuie sur la Constitution de 2011, qui a consacré le principe de la régionalisation avancée, en mettant l’accent sur la décentralisation et la déconcentration comme mécanismes d’organisation des relations entre l’État et les régions.
L’autonomie dans les provinces du Sud peut être considérée comme l’aboutissement de ce processus constitutionnel, dans la mesure où elle s’exerce dans le cadre de la souveraineté pleine et entière du Royaume, tout en respectant les prérogatives de l’État central dans les domaines régaliens tels que la défense, la sécurité et les relations extérieures.
 
2- La référence politique

L’initiative marocaine repose sur le concept d’« autonomie élargie », qui vise à étendre les compétences de la gestion locale sans pour autant créer une entité parallèle ou concurrente à l’État.

3- L’autonomie comme forme d’exercice du droit à l’autodétermination

Du point de vue du droit international public, l’autonomie est l’une des formes juridiques de l’exercice du droit à l’autodétermination interne, permettant aux peuples de gérer librement leurs affaires dans le cadre de la souveraineté de l’État mère. Les résolutions de l’Assemblée générale des Nations Unies, notamment les résolutions 1514 (XV) et 1541 (XV), ont affirmé que l’autodétermination ne signifie pas nécessairement la sécession, mais peut s’accomplir à travers des arrangements politiques internes garantissant la participation et la représentation autonomes.

Dans ce contexte, la proposition marocaine d’autonomie constitue une forme avancée de l’exercice du droit à l’autodétermination interne, conforme aux normes internationales contemporaines. Le Maroc ne rejette pas le principe, mais lui confère un contenu démocratique et institutionnel, préservant l’unité nationale tout en favorisant le développement local.

Quant à la prétention formulée par le ministre algérien des Affaires étrangères, Ahmed Attaf, dans son entretien avec la chaîne « Algérie Internationale », selon laquelle le Conseil de sécurité aurait distingué entre autonomie et autodétermination, il s’agit d’une affirmation inexacte, sans aucun fondement dans les textes onusiens. En effet, ni la résolution 2797 ni les précédentes du Conseil de sécurité ne séparent ces deux notions.

Depuis 2007, le Conseil de sécurité a consacré l’approche marocaine comme la voie réaliste et pragmatique de mise en œuvre du principe d’autodétermination, à travers la participation libre des populations à la gestion de leurs affaires dans le cadre de la souveraineté marocaine.

Ainsi, le Maroc incarne l’esprit du droit à l’autodétermination, non pas par la sécession, mais par l’émancipation politique et le développement local au sein d’un État unifié, une orientation conforme à la position des Nations Unies dans des conflits territoriaux similaires à travers le monde.

Enfin, l’initiative marocaine répond pleinement aux standards internationaux modernes en matière de gestion des différends territoriaux, privilégiant des solutions politiques réalistes et durables plutôt que des mécanismes séparatistes.

Les axes du projet d’autonomie proposé
 Les compétences propres
 
Accorder aux provinces du Sud des prérogatives économiques, culturelles et administratives étendues dans les domaines du développement, de la culture, de l’agriculture, de l’environnement et de l’aménagement du territoire.
Elaborer des lois organiques précisant de manière détaillée les champs d’intervention de la région ainsi que les mécanismes de coordination avec l’État central.

Permettre aux conseils régionaux d’élaborer des programmes d’investissement, de conclure des partenariats avec le secteur privé et les institutions internationales, tout en demeurant sous la supervision du gouvernement central.
 
2- Les autorités régionales élues

Le Parlement régional : organe législatif local, élu au suffrage universel direct, habilité à adopter des lois régionales dans les domaines non régaliens.
Le Conseil exécutif: présidé par un chef élu issu de la majorité, chargé de mettre en œuvre les décisions et les politiques publiques régionales.

Le mécanisme de contrôle : les décisions de la région sont soumises au contrôle de la juridiction administrative et de la Cour des Comptes, garantissant ainsi la cohérence et l’unité du système juridique national.
 
3-  La référence électorale et constitutionnelle

Etant donné que l’autonomie s’exerce dans le cadre de la souveraineté pleine et entière du Royaume du Maroc, les premières élections dans les provinces du Sud doivent être organisées sur la base des dispositions de la Constitution marocaine et des lois électorales nationales.

Le corps électoral est déterminé conformément aux listes électorales officielles approuvées par le ministère de l’Intérieur, avec la possibilité d’adapter certaines procédures administratives afin de tenir compte des spécificités régionales, sans pour autant porter atteinte au fondement juridique national.

Le processus électoral est placé sous la supervision des institutions constitutionnelles nationales, garantissant ainsi la transparence, l’égalité des chances et la consolidation de l’appartenance institutionnelle des provinces du Sud au cadre souverain du Royaume.
 
4- La protection de l’identité culturelle

Intégrer la culture hassanie au sein de l’identité nationale unifiée, et l’ancrer dans les programmes éducatifs ainsi que dans les médias publics.
Créer des institutions régionales dédiées à la protection du patrimoine hassani et à la promotion de la créativité locale, conformément aux dispositions de l’article 5 de la Constitution.
 
5- L’équilibre des compétences entre le centre et les régions

Créer un Conseil supérieur de la régionalisation, présidé par Sa Majesté le Roi, s’attelant à coordonner les politiques régionales et de garantir l’équité territoriale.
Mettre en place un Fonds de solidarité régionale destiné au financement des régions les moins développées.

Consacrer le principe de «discrimination positive» dans la répartition des ressources nationales, sur la base d’indicateurs de développement humain et d’infrastructures territoriales.
 
6- Les garanties constitutionnelles et institutionnelles

Constitutionnaliser le régime d’autonomie au sein du Titre IX relatif à la régionalisation avancée.
Mettre en place un mécanisme national de suivi, composé de représentants du Parlement, des conseils régionaux et de la société civile, chargé d’évaluer la mise en œuvre du modèle d’autonomie et de veiller à sa cohérence institutionnelle.

Prévoir une supervision consultative onusienne limitée durant la phase transitoire, afin de renforcer la confiance et la crédibilité internationale du processus d’autonomie dans le cadre de la souveraineté du Royaume.

Les équilibres régionaux au sein du Royaume

Assurer l’intégration du modèle d’autonomie dans le cadre de la régionalisation avancée, afin d’éviter toute hiérarchisation entre les régions.

Redistribuer les ressources financières et de développement selon une approche fondée sur la justice territoriale, garantissant l’équité entre toutes les régions du Royaume.
Renforcer la coordination interrégionale à travers la mise en œuvre de programmes nationaux conjoints, favorisant la complémentarité économique et institutionnelle.

Ancrer le principe de l’unité territoriale dans la pratique quotidienne de la gouvernance régionale, en veillant à ce que chaque politique publique exprime l’attachement à la souveraineté et à l’intégrité du territoire national.

Les effets économiques et politiques internes

Sur le plan économique: transformer les provinces du Sud en un pôle stratégique pour les énergies renouvelables, les ports atlantiques et les investissements africains, faisant de la région un levier majeur du développement national et continental.

Sur le plan politique: renforcer la confiance dans les institutions constitutionnelles et consolider l’unité nationale, à travers une gouvernance participative fondée sur la légitimité démocratique.

Sur le plan institutionnel: créer une dynamique régionale innovante contribuant directement à la mise en œuvre du nouveau modèle de développement du Maroc, en favorisant la complémentarité entre les territoires et la cohérence des politiques publiques.
La connexion régionale entre les pays du Sahel et l’océan Atlantique.

S’inscrivant dans la vision éclairée de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, que Dieu L’assiste, appelant à ouvrir de nouveaux horizons aux pays du Sahel afin de leur permettre un accès à l’océan Atlantique, le projet d’autonomie revêt une dimension géoéconomique qui dépasse le cadre des provinces du Sud pour s’étendre à un espace africain plus vaste.

Les provinces du Sud sont en effet appelées à devenir une plateforme stratégique reliant les pays sahéliens enclavés – tels que le Niger, le Mali, le Tchad et le Burkina Faso – à l’océan Atlantique, à travers des corridors commerciaux et logistiques modernes connectant ces États aux grands ports marocains.

Cette orientation constitue une traduction concrète du concept d’intégration africaine solidaire prôné par le Maroc dans sa politique étrangère. Elle fait du modèle d’autonomie non seulement une solution locale au différend régional, mais également un levier de développement continental partagé, fondé sur la coopération, la stabilité et la prospérité commune.
 
Les approches internationales comparées 
 
Les élections comme mécanisme de mise en œuvre démocratique de l’autonomie

L’organisation d’élections libres et transparentes, sous supervision marocaine, constitue l’entrée en vigueur effective du régime d’autonomie sur le terrain.

En s’appuyant sur la Constitution marocaine comme référence juridique et sur la supervision des institutions nationales indépendantes, le processus électoral garantit la légitimité constitutionnelle des organes issus du régime d’autonomie et leur intégration institutionnelle dans le système national.

Cette étape marque un tournant démocratique décisif, transformant l’initiative d’autonomie d’un projet politique en une réalité concrète de gouvernance locale, fondée sur la participation citoyenne et la légalité constitutionnelle.
 
Conclusion synthétique et prospective

L’évolution constitutionnelle et politique du Maroc démontre que l’autonomie ne constitue pas une rupture avec le pouvoir central, mais bien un prolongement naturel de la régionalisation avancée, orienté vers une meilleure répartition du pouvoir et de la richesse dans le cadre de l’unité de l’Etat.

La mise en œuvre du régime d’autonomie dans les provinces du Sud devrait marquer un tournant majeur dans la structure de l’Etat marocain moderne, tout en servant de source d’inspiration régionale en matière de décentralisation politique responsable et équilibrée.
L’organisation d’élections transparentes, fondées sur la Constitution marocaine et supervisées par des institutions nationales indépendantes, garantira la réussite de l’expérience et lui conférera la légitimité interne et internationale nécessaire pour en faire un modèle régional de conciliation entre souveraineté et unité, d’une part, et entre liberté locale et participation démocratique, d’autre part.

Par Abdelaziz Sidki
Président de l’Association nationale des experts judiciaires en opérations et techniques Bancaires
 
 
 

L’autonomie marocaine


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