Réinventer le Maghreb : De la souveraineté consolidée à l’unité à reconstruite


Mohamed Assouali
Mercredi 5 Novembre 2025

Réinventer le Maghreb : De la souveraineté consolidée à l’unité à reconstruite
Trente-cinq ans après la signature du Traité de Marrakech, le rêve maghrébin semble figé dans le temps, suspendu entre nostalgie et désillusion.
Mais la décision historique du Conseil de sécurité du 31 octobre 2025, reconnaissant la pleine souveraineté du Maroc sur son Sahara et la crédibilité du plan d’autonomie pour la résolution d'un conflit qui n'a que trop duré, ouvre une nouvelle page.
Elle rappelle une vérité simple : le Maroc a tenu parole, et c’est désormais à la région tout entière de répondre à l’appel de l’histoire.
Dans un monde structuré en blocs régionaux puissants, le Maghreb n’a plus le droit d’être une idée en exil. C’est un projet politique, économique et civilisationnel à reconstruire — avec lucidité, courage et ambition collective.
 
1. Du sommet de Marrakech à la désunion maghrébine : histoire d’un projet suspendu

En février 1989, à Marrakech, cinq dirigeants — le Roi Hassan II, Chadli Bendjedid, Zine El Abidine Ben Ali, Mouammar Kadhafi et Maaouiya Ould Taya — signaient l’acte fondateur de l’Union du Maghreb arabe. Ce jour-là, SM. Hassan II déclara : « Nous ne créons pas un symbole, mais un instrument pour l’avenir de nos peuples. »
L’émotion était sincère, la promesse immense. Mais très vite, les vents de la rivalité ont soufflé plus fort que ceux de la fraternité.

Les visions nationales se sont affrontées, les leaderships se sont concurrencés, et le conflit artificiel autour du Sahara marocain est devenu le prétexte idéal à la paralysie.
Depuis la fermeture des frontières entre le Maroc et l’Algérie en 1994, le rêve d’un Maghreb uni s’est transformé en une succession de rendez-vous manqués.
Pourtant, l’esprit de Marrakech n’a pas disparu. Il sommeille.
Et la décision du Conseil de sécurité, en consacrant la souveraineté du Maroc et en reconnaissant son plan d’autonomie comme la seule base réaliste et crédible, redonne à cet esprit la légitimité d’une renaissance politique.
 
II. Le tournant de la décision du Conseil de sécurité : de l'isolationnisme à la possible émergence d'un espace géographique fort et ouvert
 
La résolution 2797 a marqué un point de bascule. Elle a scellé un consensus mondial sur la souveraineté marocaine et refermé le long chapitre de l’ambiguïté.
Ce tournant ne concerne pas seulement le Maroc : il rétablit une cohérence régionale et libère le Maghreb d’une tutelle idéologique héritée de la guerre froide.

Après des décennies d’inertie, la question n’est plus “qui a raison”, mais “que pouvons-nous faire ensemble ?”. Car l’isolement coûte cher : plus de 10 milliards de dollars perdus chaque année, selon la Banque mondiale, du fait du manque d’échanges, de coordination et d’investissements conjoints entre les pays du Maghreb.
L’histoire offre une chance rare : transformer une victoire diplomatique nationale en plateforme collective de stabilité.
Il ne s’agit plus d’attendre la conjoncture idéale — mais de créer les conditions politiques du possible. 
 
III. Un espace économique à bâtir : des ressources dispersées à un marché commun possible
 
La stabilité politique ne vaut rien sans la prospérité économique.
Le Maghreb, c’est 5,7 millions de km², 108 millions d’habitants, et une mosaïque de richesses naturelles. Pourtant, les échanges intra-maghrébins ne dépassent pas 3% du total commercial de la région — un chiffre dérisoire à l’échelle mondiale.

L’Algérie et la Libye détiennent plus de 40% des réserves gazières et pétrolières africaines, le Maroc 70% des réserves mondiales de phosphate, la Tunisie un capital industriel et technologique reconnu, et la Mauritanie d’immenses ressources minières et halieutiques.
Ces atouts, additionnés plutôt qu’opposés, représenteraient un marché intégré de plus de 530 milliards de dollars, susceptible de doubler en une décennie. Mais au-delà des chiffres, une évidence s’impose : Produire ensemble, c’est exister ensemble.
Dans un monde où les blocs façonnent l’avenir, l’union économique du Maghreb n’est pas un luxe : c’est le dernier rempart de la souveraineté collective.
 
IV. Le capital humain : transformer la jeunesse en puissance régionale
 
Derrière chaque frontière fermée, il y a un rêve de jeunesse étouffé.
Plus de 60% des Maghrébins ont moins de 35 ans. C’est une chance, mais aussi une urgence. Le chômage, la migration forcée et la fuite des compétences minent le potentiel humain d’une région qui devrait, au contraire, être le cœur battant de l’Afrique du Nord.
Un espace maghrébin de formation et d’emploi pourrait changer la donne : reconnaissance mutuelle des diplômes, mobilité professionnelle, partenariats technologiques, incubateurs régionaux.

Plutôt que de voir partir ses talents, le Maghreb doit apprendre à les retenir, les fidéliser, les responsabiliser.
Car l’avenir du Maghreb ne se joue pas seulement dans les chancelleries : il se joue dans les universités, les laboratoires, les usines, les ports et les start-up. Ce n’est pas la jeunesse qui manque, c’est le projet collectif capable d'unir cet espace qui fait défaut.
 
V. Le positionnement géostratégique : du carrefour oublié au centre du monde
 
Le Maghreb est au cœur des routes du XXIe siècle.
Entre l’Europe prospère et l’Afrique en essor, entre l’Atlantique et la Méditerranée, il constitue un corridor naturel du commerce et de l’énergie.

Ses 5.000 km de côtes, ses ports modernes — Tanger Med, Rades, Misrata, Nouadhibou — et ses projets transcontinentaux en font une plateforme logistique mondiale en devenir.
Le gazoduc Nigeria–Maroc illustre cette vision d’un espace connecté et coopératif. Le réseau électrique maghrébin, s’il renaissait, pourrait devenir la première grille énergétique intégrée du continent.

Mais l’intégration ne sera complète qu’en s’incarnant dans une infrastructure unificatrice : le Train à Grande Vitesse Maghreb–Méditerranée, reliant Tanger au Caire via Alger, Tunis et Tripoli, prolongé vers Nouakchott par un second axe.
Ce projet n’est pas un rêve technocratique : c’est la colonne vertébrale physique de l’unité politique. Un rail pour relier les peuples, un réseau pour relancer la confiance.
 
VI. Le défi mondial : le Maghreb face aux blocs du XXIe siècle
 
Le monde ne reconnaît plus les solitudes nationales. L’Union européenne, avec 450 millions d’habitants et un PIB de 17.000 milliards de dollars, incarne la réussite de l’interdépendance.
L’Afrique, avec la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf), avance vers une intégration historique. L’Amérique du Sud et l’Asie multiplient les alliances régionales. Et le Maghreb ? Il reste à la marge, riche en discours, pauvre en coordination et en projets structurants.
Cette absence n’est plus neutre : elle affaiblit nos économies, fragilise nos diplomaties et réduit notre poids sur la scène mondiale.

Rétablir l’Union du Maghreb arabe, ce n’est pas un retour en arrière, c’est un devoir de survie collective. Un Maghreb uni deviendrait la sixième puissance du monde arabe et la quatrième d’Afrique, capable de négocier d’égal à égal avec l’Union européenne et les puissances émergentes.
 
VII. La diplomatie partisane : quand les idées franchissent les frontières
 
L’union ne se décrète pas : elle se prépare, patiemment, par le dialogue et la confiance. C’est là que les partis politiques progressistes retrouvent leur rôle historique : relier ce que la politique officielle sépare.

A cet égard, l’Union socialiste des forces populaires (USFP) se distingue comme l’un des rares acteurs à mener une diplomatie partisane maghrébine cohérente. Ses rencontres, ses échanges avec les partis frères d’Algérie, de Tunisie, de Libye et de Mauritanie traduisent une conviction simple : la main tendue du Maroc est celle du dialogue, non de la domination.

En expliquant que l’autonomie n’est pas la fin d’un conflit mais le début d’une solution, l’USFP contribue à changer le regard maghrébin sur le Maroc. Cette diplomatie parallèle ne remplace pas la diplomatie d’Etat — elle la complète, elle l’humanise, elle la rend durable.

Mohamed Assouali
Mohamed Assouali
De Marrakech à Rabat, le retour du possible
 
De Marrakech, berceau du rêve maghrébin, à Rabat, capitale de la souveraineté retrouvée, s’étend un fil d’histoire, de mémoire et d’espérance. Trente ans ont passé, et le temps a tranché : les murs n’assurent pas la sécurité — ils isolent. L’union n’est plus un choix idéologique, c’est une nécessité historique.

L’histoire ne pardonnera pas l’hésitation. Le temps des discours est révolu ; celui des actes commence. Voilà le sens de l’Appel de Rabat aux cinq capitales du Maghreb : Ouvrez les frontières. Relancez le dialogue. Réveillez l’Union. De Marrakech à Rabat, d’Oran à Tunis, de Tripoli à Nouakchott, une même voix s’élèvera bientôt : Assez de divisions — le Maghreb nouveau doit renaître.

Par Mohamed Assouali
Secrétaire provincial de l’USFP - Tétouan


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