
Réalisé par Aamir Khan en 2007, où il a joué l’acteur principal, le second rôle étant tenu par Darsheel Safary, ce film invite à une réflexion sérieuse sur la manière de s’exercer à l’enseignement.
Le personnage est particulier, c’est un petit gamin de huit ans. Dès la première séquence, au premier plan, on le voit clairement différent des autres, ne souciant point des affaires de ses camarades, toute sa concentration est fixée sur une bouteille d’eau, contenant des crevettes, qu’il a tirées d’un petit bassin d’eau.
Rentrant chez lui, il est très content de retrouver ses chiens qu’il admirait tant, avec qui il communiquait parfaitement bien. On le comprend désormais, le début du film suffit pour s’apercevoir de quel type d’enfant il est, plus sensible aux animaux, à ce qui ne parle pas, aux objets, au calme. Désobéissant, troublant, sa maman le sait, et elle en souffre. Il ne parle pas, même, parfois, avec sa maman, il n’aime pas qu’on lui dise, il préfère par conséquent répondre avec des gestes et des mimes. Espiègle, il est le grand amour de sa maman, la seule à le comprendre, quant à son père, il ne le comprend pas, lui, non plus, un père, c’est fait pour le travail ! Rêveur, souvent, il voit dans sa tête des objets, surtout, des animaux. On l’oblige à se réveiller tôt, pour aller à l’école, qu’il n’aime pas, très actif qu’il était à la maison, on dirait qu’il était mort à l’école. Il n’y bouge pas. Alors qu’il assistait à un cours de son institutrice, il regardait par la fenêtre un petit trou rempli d’eau. Pour le punir, elle lui demanda sur le champ de lire, il n’y arrive pas, elle le contraint devant ses camarades, il se moquera d’elle, elle finira par le jeter dehors. Cependant, il ne trouve d’écoute qu’auprès des animaux, et son langage, le préféré, est de les imiter. Il devient l’objet de l’humiliation totale devant les gosses de l’école. Il est seul, mais on le voit, il assume sa solitude, voire mieux, comme disait Rilke, il s’amuse dans sa solitude et il va de l’avant. Vaut mieux être seul que d’être mal accompagné !
Rentrant à pied à la maison, il est fasciné par ce qui l’entoure, les marchandises, les bâtiments, etc., et, à cet instant-là, la scène est géniale, en jetant un coup d’œil sur la hauteur d’un bâtiment, une tache de chaux lui tomba sur le visage, un clin d’œil, une prolepse, par rapport à son destin, voué à la peinture. Il aime voir, tout, marcher et voir, il apprend à voir. Et c’est en enfant qu’il marche !
Il se retrouve enfin, dans la peinture. Il la prend au sérieux, après qu’elle l’a choisi, et cela va de soi, car il préfère le silence à la parole, le visible au dicible. Tout est transformé sous son regard, à la Lavoisier, “rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme”, même les chiffres, ceux-ci deviennent des boules de tennis, des avions, des animaux, etc.
Après voyage, son père reçoit une lettre, de l’école, indiquant probablement que son fils n’est pas discipliné, que ses notes sont catastrophiques. Son père est fou furieux contre lui, le gosse est humilié, il a peur, son père le gifla. Durant l’entretien avec la famille, la maîtresse dit en avoir par-dessus la tête, qu’Ishan est loin de la raison, et il se peut qu’il soit renvoyé bien loin de l’école. Sa maman en pleura. Que faire pour son bébé, quel avenir lui promet-on ?
La décision est prise, sa place méritée est dans un internat, tel fut l’ordre de son père. Une étape dure pour lui, cela le rendait d’autant plus malheureux. Enfin laissé seul, son seul ami désormais, c’est la solitude, mais il y était préparé, sa maman en est frustrée.
Il est tout seul, tout est noir, tout s’arrête pour lui, la vie, c’est la mort. Triste, malheureux, il ne parle à personne, mais son silence devient parole intérieure et interne, voire une conversation profonde avec soi-même.
Plus stricte encore, la pension est de plus en plus insupportable, plus qu’avant, mais cette fois-ci, il trouve un ami, avec qui il peut parler de temps à autre. Pendant un autre cours, de la fenêtre, une fois de plus, il contemplait des oiseaux, humilié, battu, il reçoit un dernier avertissement.
Les lettres, elles sont écrites à l’inverse, il voit tout en vrac, les maîtres d’école n’y comprennent absolument rien. Qu’est-ce qui se passe dans la tête du gosse ? Il est puni, battu, humilié, mais sans résoudre quoi que ce soit, tout en vain.
Sa douleur, c’est dans le dessin qu’il l’exprime. Les mots, les moqueries de ses camarades le martyrisent, l’agacent. De retour à la maison, sa souffrance augmente, il déteste sa famille dorénavant, il sort de sa chambre, il va courir, pour se libérer si peu que ce soit. La famille passe des moments difficiles, incapables, comme ses professeurs, à résoudre le problème.
Coup de chance ! Le nouveau professeur arrive, un professeur de peinture. Son premier cours est révélateur de son talent, il l’entame avec une surprise, on entendit une musique délicieuse, des sons vibrants et sonores comme ceux de l'harmonica, à la suite de quoi, il ouvre le bal en clown musicien, en mime comique, en danseur et en chanteur. Un artiste ou quoi !
Entamée la deuxième séance, le nouveau maître réalise qu’il y a quelque chose qui ne va pas chez le gosse dyslexique, il constate qu’il ne veut rien faire, pourtant, de manière sage, il ne lui reproche rien, il l’observe, attentivement ; il osa lui dire quelques mots, toutefois, il ne reçoit presque pas de réponse de lui.
Il va chercher dans ses cahiers, des années précédentes, et il fait un constat frappant, c’est qu’il écrit en peintre, et, donc, les chiffres passent pour lui pour des symboles. D’ailleurs, le film ne manque pas de mettre en évidence l’intérêt que le nouveau prof porte pour les enfants anormaux.
A partir de là, il le suit de loin, en l’observant, en psychologue. La question de la psychologie en dit déjà très long sur notre système éducatif, qui n’accorde aucune importance à ce domaine, en ce sens qu’on ne doit pas permettre à ce qu’on devienne instituteur sans une formation suffisante en psychologie, comme cela se fait dans certains pays accordant de la primauté à l’enseignement.
Il ira même rendre visite à ses parents, on lui montrera sa chambre, et il en a été stupéfié, car il réalise que le gosse est peintre. Il a inventé son propre langage, tout à l’inverse, en vrac, symbolique, il y découvre aussi de l’architecture, de petites maisons fabriquées par lui, et des toiles magnifiques. Les parents ne s’en sont pas aperçus. Preuve en est qu’à la fin de l’année il remportera le premer prix du concours de la peinture organisé par l’école où il est inscrit .
Deux conclusions majeures nous sont transmises par ce film. Un problème et une solution. L’école, avec trop de discipline, est difficile à supporter, c’est là le problème. Il y a de quoi chercher un moyen plus efficace pour la rendre moins pénible.
La solution : elle est possible par l’art, il peut même transformer l’école, en faire un espace plus supportable, plus amusant.
En effet, écrire sur ce film nous interpelle dans ce sens exactement. L’art nous semble la véritable échappatoire. Le film montre que l’art parle à tout le monde, y compris aux plus solitaires, à ceux qui n’ont pas de voix. Et pour ce, il faut un maître. Une vraie école dépend de lui, et donc, il faut qu’il soit mieux formé à l’art, à la psychologie, pour le moins. Il faut intégrer dans la formation des instituteurs au moins ces deux domaines, on imaginerait mal un enseignant de maths, par exemple, qui ne dispose pas d’une bonne connaissance en matière de psychologie. Les maths n’en sont qu’un exemple, car il en est de même d’autres domaines.
Autre point. Nous détruisons les enfants tant que nous ne faisons pas l’effort de changer notre système éducatif qui s’établit sur l’ordre et l’obligation. D’où l’importance d’instaurer une éthique véritable qui sera la base de notre engagement envers l’école publique marocaine, et il faut qu’on passe tout de suite à l’action, et que ce ne soit pas de simples paroles.
Ce film est d’actualité, et il invite quiconque soucieux de notre destin à prendre au sérieux la question et faire son possible pour aider à être utile aux autres.
Par Najib Allioui