Vulnérabilité climatique, dépendance technologique, politique agricole inappropriée, injustice sociale....

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Des chiffres alarmants, révélateurs d’une vulnérabilité structurelle
En 2024, indique ledit rapport, la valeur ajoutée du secteur agricole a chuté de 4,8%, contre une croissance modeste de 1,5% en 2023. Ce recul n’est pas isolé : il s’inscrit dans une tendance générale de fragilisation du secteur primaire, dont la valeur ajoutée globale a reculé de 4,5%, malgré une légère hausse de 2,6% de l’activité de la pêche.
La filière de l’élevage, qui constitue un pilier économique pour des milliers de petits exploitants, connaît une décapitalisation inquiétante: les troupeaux s’amenuisent dangereusement, avec des baisses drastiques des effectifs animaux (bovins : -16,6%, caprins : -19%, ovins : -9,3%). Cette contraction se traduit mécaniquement, explique le rapport, par une baisse de la production de la viande rouge (-9,6%) et une dépendance accrue aux importations de bétail et de viande, remettant en cause l’un des objectifs phares du Maroc : renforcer sa souveraineté alimentaire.
Pour les experts du secteur, loin d’être une simple correction conjoncturelle, cette dynamique reflète une incapacité structurelle à gérer les ressources hydriques, à stabiliser les circuits de production, et à protéger les éleveurs contre les chocs climatiques.
Une sécheresse historique qui met à nu les failles du système
Par ailleurs, le document de Bank Al-Maghrib rappelle que la campagne 2023/2024 a démarré sous de mauvais auspices, avec un retard significatif des précipitations et des variations brutales de température. Résultat : les semis ont été profondément perturbés, notamment pour les céréales, culture centrale du modèle agroalimentaire marocain. La superficie emblavée est tombée à un niveau historiquement bas de 2,5 millions d’hectares, pour un rendement moyen catastrophique de 12,6 quintaux/hectare. La production nationale de céréales chutant ainsi à 31 millions de quintaux, contre 55 millions un an auparavant — une baisse de près de 44%.
Cette situation a des répercussions en cascade, à savoir une pression immédiate sur les prix des denrées de base; une hausse des importations, notamment de blé, accentuant la dépendance extérieure; une précarisation accrue des agriculteurs, notamment des petits exploitants, et une tension sociale dans les campagnes, où les revenus agricoles sont déjà très volatils.
Cultures de diversification : un sursaut insuffisant
Les cultures alternatives, censées amortir les chocs sur les céréales, ne suffisent pas à redresser la balance. Certaines filières reculent lourdement : -20,5% pour les plantes sucrières, -19,6% pour les cultures fourragères — ce qui fragilise encore plus l’élevage. Seuls les légumes frais (+8,4%), les olives (+3,8%) et les agrumes (+1,8%) tirent leur épingle du jeu. Mais leur progression reste marginale à l’échelle nationale, surtout quand ces cultures sont orientées vers l’exportation, au détriment du marché intérieur.
La pêche : des résultats en trompe-l'œil
Le secteur halieutique semble mieux résister, mais il n’échappe pas aux paradoxes. Certes, en 2024, la production de la pêche côtière et artisanale a légèrement reculé en volume (-1%), mais elle a progressé en valeur (+5,7%, à 10,5 milliards de dirhams). Toutefois, ce gain financier masque des tensions croissantes (l’épuisement des stocks halieutiques; l’irrégularité des captures, notamment pour les poissons pélagiques; la faiblesse des infrastructures portuaires dans certaines régions et la précarité des conditions de travail des pêcheurs).
Quels dangers face à la persistance de cette crise ?
La crise actuelle dépasse le seul cadre agricole. Elle menace l’ensemble de l’édifice socioéconomique du Maroc rural. Parmi les risques majeurs, il y a l’explosion de la précarité rurale : perte de revenus, endettement des agriculteurs, abandon des terres, exode rural accéléré. Ainsi que des tensions sociales et politiques. La hausse des prix agricoles, la rareté de certains produits, et la dépendance accrue à l’importation peuvent générer un climat de défiance.
Il y a aussi l’aggravation des inégalités. Les grandes exploitations mieux irriguées résistent mieux, tandis que les petits agriculteurs sombrent. Ainsi que des menaces sur la sécurité alimentaire. Le pays dépend de plus en plus de l’étranger pour nourrir sa population, dans un contexte mondial instable, sans parler de l’érosion écologique. Les sols s’appauvrissent, la biodiversité recule, et les ressources en eau atteignent des seuils critiques.
A ce propos, les experts soutiennent que le Maroc doit engager une refonte complète de son modèle agricole. Les plans successifs — Plan Maroc Vert, Génération Green — ont eu des effets, mais n’ont pas su répondre à la vulnérabilité climatique ni réduire les inégalités dans les campagnes.
Hassan Bentaleb