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Une histoire belge absolument pas drôle Récurrente et surtout humiliante

Un professeur chercheur marocain arbitrairement détenu à l’aéroport de Charleroi


Hassan Bentaleb
Lundi 4 Décembre 2017

Les aéroports belges sont-ils devenus risqués pour les voyageurs marocains ? Oui, à en croire le nombre d’arrestations arbitraires effectuées à leur encontre dans ces lieux et qui se sont multipliées ces dernières années. Dernière arrestation en date est celle d’Abdelkader Hakkou, professeur et vice-président de l'Université Mohammed 1er qui a été interpellé à l'aéroport de Charleroi avant d’être mis sous l'effet d'une procédure de refoulement.
Selon des sources proches du dossier, le professeur a été arrêté vendredi dernier à l'aéroport de Charleroi et placé au Centre Caricole,  centre fermé relié au no man’s land de l’aéroport, en vue d’un « refoulement » vers son pays de départ. Motif : il n’a pas présenté de preuves patentes de ses «moyens de subsistance». 
Les autorités belges exigent de disposer individuellement d’au moins 95 €/jour en cas de  séjour à l’hôtel et de 45 €/jour en cas d’hébergement chez un particulier. Montant que le professeur  arrêté n'avait pas sur lui.
En fait, Abdelkader Hakkou est entré en Belgique avec un visa Schengen type « tourisme-visite familiale" obtenu à l'ambassade de France et il a déclaré à l'aéroport de Charleroi qu'il venait en mission professionnelle. 
Pour l'Office des étrangers, le professeur n’était pas en ordre au niveau de ses papiers. "Les conditions pour pouvoir rentrer sur le sol belge ne sont pas remplies", explique Dominique Ernould, porte-parole dudit office.
« Une absurdité », selon  un membre de la famille d’Abdelkader Hakkou, installé en Belgique. Et de poursuivre : « Il a déjà effectué plusieurs missions en Belgique et à plusieurs reprises dans le cadre d'un projet de coopération ARES CUD à l'invitation de la Faculté des sciences. Ceci d’autant plus qu’il a une réservation d’hôtel, une  lettre d'invitation de la part de l'Université libre de Bruxelles et une déclaration pour la réception de Per Diem ».
Des proches du professeur ont souligné que ce dernier a été mal traité puisqu’il a été contraint de se déshabiller et a  fait l’objet d’une fouille approfondie.
Pourtant, le cas de ce professeur n’est pas le premier et ne sera probablement pas le dernier. Ahmed, un citoyen marocain, a été également arrêté le 14 mars dernier à l’aéroport de Charleroi Sud en raison d’un dépassement de séjour et il a été conduit au centre fermé où il est   resté enfermé 36h et a été malmené par les policiers. « A vrai dire ils prennent les gens pour des criminels. Cela m’a fait monter la tension artérielle jusqu’à 15,5, jusqu’à 16,5 le 2ème jour et 18 le 3ème jour », raconte-t-il sur le site de « Getting the Voice Out ».
Un couple de retraités marocains invités au baptême de leur petite-fille en Belgique a connu  le même sort en février 2016. Il a été jeté plusieurs jours durant dans un centre fermé de l’aéroport de Charleroi avant d’être expulsé vers le Royaume. Motif : il n’a pas présenté lui aussi de preuves patentes de ses «moyens de subsistance».
C’est le cas également de cette maman et de ses deux enfants de 4 et 9 ans installés en toute légalité en Belgique depuis septembre 2014 et qui ont été expulsés après l’arrestation de ladite femme  à son retour d’un voyage au Maroc en novembre 2014. La raison : l’officier de service et l’Office des étrangers ont estimé que «ses intentions en venant en Belgique n’étaient pas claires ». La maman a été emprisonnée durant 15 jours et séparée de ses filles. Pire, elle a été expulsée ainsi que ses enfants, en guise de cadeau,  des passeports estampillés : « Interdit de l’espace Schengen pour une période de 5 ans par l’Office des étrangers », un site belge qui collecte les témoignages des personnes détenues dans les centres fermés. 
« Ces arrestations arbitraires sont devenues régulières. En fait, toute personne étrangère voulant entrer en Belgique est suspecte et il suffit qu’il lui manque un bout de papier pour qu’elle soit renvoyée », nous a déclaré Eveline Dal, qui officie au sein de « Getting the Voice Out ». Et d’ajouter : « Tous les arguments (antécédents «judiciaires», suspicion de «mariage blanc», suspicion de travail au noir, suspicion de terrorisme, etc.) sont bons pour refouler les étrangers vers leurs pays ou les  pays par lesquels ils sont passés. Le pire, c’est que ces pratiques sont en hausse». 
Le site cite également le cas de plusieurs voyageurs subsahariens ou maghrébins venus passer leurs vacances auprès de leurs familles installées en Europe et qui ont été arrêtés par la police aéroportuaire pour des prétextes fantaisistes. Ces personnes sont souvent enfermées dans des centres fermés parfois avec leurs enfants en vue de leur “refoulement”. 
La majorité d’entre elles préfèrent alors abandonner leur projet de visiter leurs proches installés en Europe et décident de se laisser refouler vers leur pays plutôt que de passer leurs “vacances” en centre fermé, surtout après avoir compris les difficultés administratives pour obtenir une libération éventuelle. 
Eveline Dal n’y va pas par quatre chemins. Pour elle et ses collègues au sein de «Getting the Voice Out», il s’agit bien de pratiques racistes de la part de l’Office des étrangers et des autorités aéroportuaires belges. Pour eux, les mises en détention administrative de tous ces voyageurs et leurs expulsions  sont l’expression d’un racisme pur et dur à l’encontre de toutes les personnes “de couleur” et n’ont rien à voir avec les contrôles migratoires annoncés. « Pourquoi arrêter et enfermer des voyageurs en possession d’un droit de séjour dans un pays Schengen depuis des années ou en route pour venir visiter la famille installée en Europe sinon pour les décourager, intimider, exclure, emmerder et faire du chiffre sur les arrestations et expulsions/refoulements, pour renforcer l’image des “étrangers fraudeurs ” et appliquer les méthodes prônées par l’extrême droite », constatent-ils sur leur site. Et de conclure : « Tout cela se passe sous un silence assourdissant: ni les partis politiques, ni les associations, et encore moins les médias ne font mention de ces agissements ignobles aux frontières ».
Il conviendrait d’ajouter en guise de conclusion à ce trop fâcheux incident, et à l’heure où nous mettions sous presse, une dépêche laconique a annoncé la libération d’Abdelkader Hakkou. Mais contacté par Libé, l’un des proches de ce dernier nous a affirmé que cette libération  se faisait encore attendre, dimanche après-midi.














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