Ce fut au temps du muguet triomphant et des beaux idéaux d’une gauche dont tout le monde espérait récolter les bienfaits sans, pour autant, s’engager dans le nécessaire combat que celle-ci menait à son corps défendant pour que le monde devienne meilleur que ce qu’il était.
Beaucoup d’eau a coulé sous les ponts depuis. Nombre de luttes épiques, de belles réussites mais aussi de lancinantes déceptions ont marqué ces temps jadis où la fraîcheur de notre jeunesse nous empêchait d’entrevoir un futur qui avançait vers nous drapé d’une burqa au noir dessein qui, à petits pas, nous a menés droit vers une idéologie qui a fait de la violence son fonds de commerce et de la haine des femmes son sacerdoce.
Une régression grave et fortement dommageable si l’on tient compte du fait qu’en pleine période du Protectorat et à un jour du discours historique que Feu S.M Mohammed V a prononcé à Tanger en 1947, S.A.R la Princesse Lalla Aicha est apparue au public, à visage découvert, et fait une allocution au cours de laquelle elle a plaidé pour la scolarisation et l’émancipation de nos concitoyennes. « Notre Sultan, que Dieu le glorifie, attend de toutes les femmes marocaines qu’elles persévèrent sur la voie de l’enseignement. Elles sont le baromètre de notre renaissance », avait-elle déclaré en substance.
Le cap a été certes maintenu depuis lors, mais certaines conditions objectives, notamment à caractère culturel et sociétal, ont non seulement ralenti la marche vers le progrès, mais elles l’ont même aiguillée vers des horizons que personne ne souhaitait.
La lutte pour la parité et l’égalité à tous les niveaux, y compris salarial, n’en est devenue que plus âpre avec, néanmoins, un bémol. Aucune femme ne fait plus sienne la phrase de Louis Aragon. Désormais, c’est: «La femme est un homme comme les autres» qui a droit de cité.
Le côté humoristique de la formule ne doit, néanmoins pas occulter l’inégalité implicite qui s’y cache : cette formule n’est ni réciproque ni réversible. L’étalon de mesure est, en effet, l’homme, auquel la femme est référée. Son ambiguïté joue également sur la polysémie du mot «homme » qui désigne à la fois l’être humain et l’être sexué (masculin), ce qui trahit la domination historique du genre masculin, puisque ce mot sert à définir à lui seul l’humanité entière !
En ce jour de fête, mieux vaut oublier tout cela et offrir à toutes les femmes, en guise de rose, cette citation de René Barjavel selon laquelle «les hommes rêvent, se fabriquent des mondes idéaux et des dieux. Les femmes assurent la solidité et la continuité du réel ». Sans elles, nous ne serions point.