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Trop furax nos keepers !

Et ce sont les défenseurs qui en font les frais







Ailleurs, les choses se
passent tout
autrement

Vendredi 29 Novembre 2019

Le poste de gardien de but n’est vraiment pas un poste comme les autres. Ce doux euphémisme on le doit non seulement au fait qu’il soit le seul des onze joueurs sur le terrain à pouvoir toucher le ballon de la main sans être sanctionné, mais aussi à sa capacité à être décisif dans un sens comme dans l’autre. A lui seul, il peut, par un arrêt, aider son escouade à conserver un résultat, lui faire gagner des points en la transcendant ou, au contraire, la plomber par une bourde.
Son importance est donc capitale et plus les années passent plus le poste de gardien évolue de manière fulgurante sur les plans technique et tactique, notamment depuis l’adoption de la règle sur l’interdiction de se saisir du ballon sur une passe en retrait. Désormais, un portier moderne doit être habile de ses pieds pour participer au jeu, mais pas que. Il doit l’être aussi en termes de communication. Interagir en permanence avec ses défenseurs n’est pas négociable pour un gardien de but. Manquer à ce devoir, c’est l’assurance de se retrouver dans la panacée. C’est d’ailleurs le manque de communication entre les Madrilènes Courtois et Varane qui a permis au PSG de se remettre sur selle, mardi soir en Ligue des champions.
Toujours face au jeu, il a un angle de vision privilégié dont il doit se servir pour orienter, placer et replacer. Des informations ultra capitales. Et la manière de les transmettre l’est tout autant. Pour Afifi Zouhair, entraîneur des gardiens du quart de finaliste de la Coupe arabe des clubs champions, l’Olympique de Safi, et dont le dernier rempart, Majid Mokhtar, a fini premier en termes d’arrêts la saison précédente en Botola, les émotions exprimées par le gardien de but, lesquelles jaillissent quand il s’adresse à ses coéquipiers, dépeignent forcément sur le rendement de l’équipe :«Au-delà de ses qualités intrinsèques, plus le gardien est calme et serein, plus ses coéquipiers le sont aussi et lui font confiance. Du coup, ils suivent ses directives quelle que soit la situation, sur les ballons aériens, dans le dos en profondeur ou encore sur les couvertures».
Sauf que voilà, les choses ne sont pas toujours aussi simples que cela. A fortiori dans notre Botola. Plus qu’une tendance, on s’approche d’un Mainstream. Quasiment à chaque occasion concédée, ceux qui tentent de garder les cages de leur équipe inviolées ont la fâcheuse habitude de s’emporter. Virulents, ils peuvent à de nombreuses occasions, en arriver à invectiver violemment leurs coéquipiers, diffusant de ce fait une nervosité destructrice et donnant lieu à des scènes aussi mémorables que pitoyables comme en atteste celle du derby de l’année dernière, entre les Rajaouis Zniti et Hadraf. « Evidemment, le gardien doit imposer sa personnalité. Cependant, il doit aussi être positif. Il n’y a pas de mal à corriger et conseiller son défenseur, c’est même une obligation, en revanche, l’insulter ou l’invectiver ne sert à rien. D’autant plus que tout le monde peut faire des erreurs. Et contrairement aux autres, celles des gardiens sont généralement irrattrapables et lourdes de conséquences», nous explique Zouhair Afifi. Et d’ajouter : « L’encouragement demeure donc l’attitude idoine surtout en plein match. Après, rien n’empêche deux coéquipiers d’avoir une discussion plus franche dans les vestiaires», confie-t-il, tout en regrettant que notre championnat soit, à quelques exceptions près, un creuset de gardiens qui manquent singulièrement de tact au moment de s’adresser à leurs défenseurs, contrairement à ce qui se passe en Europe « où Kepa (Chelsea), Ter Stegen (FC Barcelone), De Gea (Man Utd) et Oblak (ATL Madrid) font office d’exemple à suivre », conclut-il.
Ce n’est pas parce que notre championnat regorge de gardiens de talent, mais qui pèchent dans la communication, qu’il faut se résigner et ne pas tenter d’améliorer cet aspect. Cela passe forcément par en identifier les origines. Avec beaucoup d’humilité, Zouhair Afifi avoue : « En vérité, les entraîneurs de gardiens ont tendance à ne pas trop aborder le thème du comportement avec leurs protégés. Ce ne sont pas des exercices proprement dit, mais plutôt une supervision lors des matchs d’entraînement, où il faut se mettre aux côtés du keeper et le conseiller sur quels messages passer à ses défenseurs et surtout comment les transmettre pour ne pas perdre de l’influx, de l’énergie et de la concentration en criant à gorge déployée, mais aussi pour éviter d’énerver ses coéquipiers ».
Formateur à l’Etoile jeunesse sportive de Casablanca, Khalid Dehmani combat cette nervosité accrue des gardiens de but. A l’instar d’Afifi, Khalid ne croit pas en la thèse prétendant que le gardien finit par se calmer avec le temps et l’expérience. Il n’y  a d’autres voies possibles que de le conditionner dès le plus jeune âge, quitte à l’empêcher de faire ce qu’il aime le plus. «L’année dernière, mon gardien titulaire s’énervait contre ses défenseurs à chaque occasion concédée. A tel point qu’il avait fini par s’embrouiller avec l’ensemble de sa ligne défensive», se remémore-t-il : « J’ai essayé de le raisonner mais ça n’a pas eu d’effet, alors j’ai pris la décision de le mettre sur le banc pour un temps indéterminé. Par chance, son remplaçant a eu la parfaite attitude en termes de communication et a gagné la confiance des défenseurs. Il lui a montré la voie à suivre et ça a eu un effet positif sur lui par la suite», assure-t-il.
Ainsi, le gardien de but se retrouve en première ligne quand il s’agit de souffler le chaud ou le froid dans l’esprit de ses partenaires. Les mettre en confiance ou bien les démoraliser et les faire sortir de leur rencontre. Mais bien en amont, le rôle de l’entraîneur principal est tout aussi crucial. « Son discours doit être rassurant et apaisant. Il doit permettre à son gardien de rentrer sur la pelouse en étant serein pour diffuser cette émotion aux joueurs de champs », conclut Khalid.
En somme, la communication demeure l’un des derniers plafonds de verre auxquels se heurtent beaucoup de gardiens de la Botola, au moment d’aspirer à un nouveau palier dans des championnats plus huppés. Zouhair Afifi ne dit pas autre chose puisque, pour lui, « un gardien qui diffuse de la nervosité ne peut prétendre à jouer en Europe ».

 

Chady Chaabi

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