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Théocratie populiste L’alternance, une transition démocratique?


Mustapha Hogga
Lundi 8 Septembre 2014

Théocratie populiste L’alternance, une transition démocratique?
Dans un entretien accordé au Journal Hebdomadaire (30-6 au 6-7 2001), il souligne que : « Les problèmes socio-économiques que connaît le Maroc ne sont pas d’ordre technique, ils sont d’ordre politique », et souhaite que la monarchie soit le moteur de la démocratisation : « Il ne s’agit pas de reproduire un schéma de despotisme éclairé comme semble le souhaiter une certaine élite, mais plutôt que le Roi s’implique activement dans la démocratisation du pays et que la monarchie ait un rôle d’avant-garde ». 
Dans la démarche de ce prince peu commun, il y a un volontarisme qui ne tient pas compte de l’immense conservatisme de la classe politique et qui sous-estime en fait le puissant réseau clientéliste que le Makhzen a établi. Le phénomène Moulay Hicham est sans doute une réaction, au sein même de la famille Royale, à l’absolutisme du Roi Hassan II; c’est sans doute l’indice d’une crise morale ressentie au plus proche du Souverain défunt, puisque la terreur était partout au Maroc et cela, pendant des décennies. Étaient-ils nombreux les membres de la famille Royale qui la réprouvaient ? 
On ne peut le savoir puisqu’un seul contesta cette obligation de réserve imposée à eux tous. Le pacte monarchique de Moulay Hicham réveilla les craintes de division du territoire national et agit comme un révélateur d’une autre réalité : les Marocains gardent un mauvais souvenir des querelles de succession et des amputations territoriales et appréhendent plus que tout une fragmentation. En fait, ce pacte monarchique est inséparable d’une démocratisation effective de sorte que la crainte de l’atomisation du pouvoir soit peu fondée, la souveraineté populaire devenant une réalité essentielle : « Décrire et analyser différents pactes de familles possibles ou existants, formalisés ou non, n’entraîne pas nécessairement de dérive vers un partage des pouvoirs sur la base du lien familial, d’autant que ma réflexion sur cet aspect s’accompagne de propositions sur le renouvellement démocratique de la structure et du rôle de la monarchie d’une part et, d’autre part, sur la refonte et la consolidation des institutions qui expriment et représentent la souveraineté populaire. » 
Désireux d’accompagner la transition démocratique, partisan d’une « accentuation de la séparation des pouvoirs », il formula des propositions qui étonnèrent par leur courage. Le Prince observa que le durcissement du régime fut causé par la publication de la liste de l’AMDH mais insista néanmoins sur la nécessité des poursuites : « Le passage à un nouvel ordre peut difficilement se faire sans que des tenants de l’ancien régime, coupables de crimes, ne soient jugés. » 
Dans une interview à l’hebdomadaire Tel Quel, le Prince désirait une rupture plus radicale avec le régime de Hassan II : « On devrait juger tous les symboles du passé, pas seulement Basri». Qu’un prince soit contre l’impunité alors que la plupart des Marocains ne s’en offusquent guère, voilà qui est atypique ! Il s’engagea en outre à être « actif pour l’édification de l’État de droit». Sa proposition d’une Conférence nationale sur les problèmes du Maroc ne fut approuvée que par quelques organisations. Il est vrai qu’il formula des critiques explicites vis-à-vis des partis nationalistes ou autres, «organisations partisanes vieillies, [et] peu démocratiques», notant que de nombreux Marocains sont exclus de la participation politique par manque de crédibilité des institutions. Au total, cette proposition qui embarrassait le régime ne fut sans doute pas appréciée.  
Postface La haine des intellectuels 
1. Clientélisme et désir d’indépendance Pourquoi suis-je personnellement intéressé par la séparation des pouvoirs ? Si elle avait existé, mes droits auraient été préservés : j’aurais eu une carrière universitaire normale ; je n’aurais pas été exclu deux fois de l’Université de Marrakech ; je n’aurais pas été privé de mon droit à la retraite ; je n’aurais pas perdu mon titre de professeur de l’enseignement supérieur; je n’aurais pas été surveillé par la police politique pendant une dizaine d’années; je n’aurais pas été menacé de mort si mes écrits passaient dans la presse ; s’il y avait la séparation des pouvoirs, je n’aurais pas été obligé d’écrire une centaine de lettres pour être entendu et pour demander que l’on m’aide dans une situation où aucun recours n’était possible. Si on m’avait entendu, je n’aurais pas été obligé de citer mon cas en exemple. 
Mes ennuis ne sont pas dus à la méchanceté des hommes qui n’est parfois pas contestable, mais à l’absence de séparation des pouvoirs effective ; ceux qui se débattent comme moi dans des problèmes aux racines anciennes ou récemment provoqués peuvent parvenir à la même conclusion : c’est l’abus de pouvoir par manque de contrepoids, de possibilité réelle de recours qui fait la vulnérabilité du plus grand nombre au Maroc. 
Il est temps d’en prendre conscience. Pourquoi mettre toujours en avant la vertu ? Ceux qui se trouvent en situation de confusion des pouvoirs sans en profiter sont des anges ou n’existent pas. J’étais sans le savoir une victime idéale parce que sans clan, sans soutien d’un parti politique ou d’un syndicat, et n’appartenant à aucun réseau de clientèle, au moment où l’accès au droit dépendait d’un support. 
Cette expérience eut lieu à la Faculté des lettres de Marrakech où j’enseignais la philosophie de 1982 à 1994 ; y officiait un doyen autoritaire, colérique et sans scrupules. Il s’en prit au syndicat des professeurs et insulta publiquement les enseignants ; une Assemblée générale décida une grève de protestation mais l’intimidation vint à bout du mouvement (1984). 
Le doyen continua ses fonctions, sa répression. Voyant que je ne voulais pas appartenir à sa clientèle, il fit tout pour me démoraliser. Il refusa de me laisser partir vers d’autres facultés comme j’en avais le droit, bien que j’eusse l’accord de leurs doyens, mais le permit à de nombreux collègues qui en avaient fait la demande des années après moi ; il voulait me persuader qu’il y avait deux catégories de Marocains, ses copains, les privilégiés, et les autres, les sans droits. Il avait aussi des plans pour moi : il me demanda de servir de nègre à un de ses amis– avocat de son état– qui voulait écrire une autobiographie ! 
Il me demanda d’enseigner la littérature maghrébine à des étudiants de DEA ; autant me proposer de faire un cours de trigonométrie ; à noter qu’il y avait une demi-douzaine de spécialistes de littérature maghrébine à la faculté qu’il ne sollicita pas. Il fit pression sur moi pour modifier des notes d’examen et intercéda pour un candidat auquel je devais passer l’oral ; à chaque demande absurde, j’opposai mon refus. Dès qu’il rencontrait quelqu’un de ma connaissance, il s’empressait de lui dire à mon sujet : «Méfiez-vous de lui, il est dangereux. » 
Lorsque je fus nommé au Conseil scientifique de la faculté, j’étais plutôt inquiet ; bientôt il lui assigna des tâches spéciales : créer toutes sortes de difficultés aux thésards. Je demandai immédiatement à m’en retirer. Parfait bouc-émissaire parce que sans alliés politiques, je n’en menais pas large ; ma modération fut perçue comme une faiblesse et mon refus de militer dans un parti comme un isolement ; je ne souhaite à personne d’être la tête de turc d’un individu en proie à sa subjectivité et qui peut utiliser impunément la puissance de l’Etat. 
On peut s’en donner à coeur joie à l’abri du pouvoir, nuire aux autres et s’en délecter. On trouvait normal, banal, que l’instance souveraine ou ceux qui la représentaient pussent s’en prendre à un individu isolé ; on trouvait normal que votre adversaire alignât huit cavaliers en face de vos trois pions ; c’était çà l’égalité des chances.  


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