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Samedi 9 Août 2014
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On veut donc que ce qui arriva entre 1960 et 1994 soit refoulé, qu’on en parle d’une façon biaisée, partielle, irréelle : ne pas nommer le responsable de ses malheurs, c’est rendre ceux-ci sans auteur, et la victime peut se demander si ce dont elle se plaint possède une matérialité quelconque. L’impunité est une invitation à l’oubli et à la récidive ; elle légitime toutes les transgressions et cela ne révolte que peu de gens et c’est encore plus inquiétant. Avec de telles attitudes, nul ne peut se sentir en sécurité y compris l’Etat, il faut le souligner. Certains encadrants de cette expérience avaient le sentiment que ces victimes attiraient la honte sur leur pays et l’Etat; qu’elles étaient responsables de ce qui leur arriva, qu’il fallait les isoler soigneusement et dissuader dans toute la mesure du possible ceux qui voudraient se solidariser avec elles. Cette attitude compromet le développement d’une culture des droits de l’Homme. Que faut-il faire? Se dépêcher de tourner la page dans la honte et l’embarras ou s’efforcer de comprendre, d’analyser les causes de ces transgressions et faire des propositions pour qu’elles ne se reproduisent plus? La première option perpétue le malaise et le pessimisme, la seconde est porteuse d’espoir. A moins qu’une analyse fondamentale de ces événements ne soit effectuée, ils sont susceptibles de se répéter. Durant trois pleines décennies, il y eut une haine particulièrement féroce vis-à-vis des jeunes. L’oubli sans analyse ni abréaction, sans reconnaissance par autrui, sans reconstruction de l’identité de la victime, cet oubli-là est un second châtiment, celui-là perpétuel. L’oubli est aussi normalisateur : ce qui fait problème, la violence d’Etat, devient légal ou admis. On ne peut pas faire le deuil du passé tant que ceux qui l’incarnèrent n’ont pas rendu compte et tant que des substituts de leur modèle continuent, ici ou là, à agir, et tant qu’on ne voit pas la corrélation entre les deux faits. Ceux qui encouragent l’oubli, même s’ils furent des bourreaux, ne savent pas ce qu’ils font, parce que leurs enfants et petits-enfants s’exposeront sous un régime ou un autre à subir ce qu’ils avaient perpétré. Ceci dit, il ne s’agit pas de faire fond sur le sentiment de culpabilité des transgresseurs. C’est une absurdité dans le contexte marocain car toutes les dispositions juridiques et politiques visent à leur épargner tout sentiment de faute. En effet, la faute est définie par la loi et non par la décision de s’auto-accuser de ceci ou de cela. Or, la loi interdit de désigner les coupables. Quelle importance que les années de plomb se reproduisent dans 5 ou 50 ans, l’essentiel est le caractère nécessaire et inévitable de leur retour s’il y a impunité ou s’il n’y a pas de séparation des pouvoirs. Bien imprudent celui qui dit : jamais je ne serai victime de l’arbitraire dans un pays, une société et un Etat qui en sont pétris. Vous pouvez aussi dire: rien ne m’arrivera parce que j’ai renoncé à tous mes droits puis vous rencontrez un psychopathe, un Tabet qui fait des heures supplémentaires pour l’amour de l’art. Quant au Marocain moyen qui phantasme sur la puissance au volant ou parce qu’il fait peur à sa femme, je lui dis ceci : si tu assistes indifférent à la violation du droit d’autrui, ne va pas imaginer que tu fais partie des puissants, ton droit aussi sera menacé. Si ta dignité t’importe, celle des autres ne peut te laisser froid. On n’a pas fait les choses comme il se doit : affirmation de la responsabilité de l’Etat d’abord : L’Etat doit reconnaître sa responsabilité et sa culpabilité d’autant plus qu’il y a une continuité de cet Etat; il doit restaurer la confiance inlassablement. L’Etat doit demander pardon; tous ceux impliqués dans les violations, victimes et tortionnaires, doivent s’exprimer. Si personne ne répond plus de rien, tout est permis. L’Etat prend en charge le dédommagement de toutes les victimes ou de leurs ayants droit; réhabilitation et suivi médical et psychothérapeutique des survivants. L’amnistie peut intervenir dans un deuxième temps. Abderrahim Berrada montra clairement que le jugement des criminels d’État, si on peut les appeler ainsi, puisqu’ils avaient des fonctions déterminées dans des services dépendant du ministère de l’Intérieur ou du pouvoir, était un moment nécessaire, tout en envisageant qu’ils fussent graciés: «les auteurs de crime doivent être jugés, à quelque niveau qu’ils aient appartenu et quelle que soit l’affaire. C’est cela un Etat de droit. Une fois jugés normalement, c’est à- dire dans un procès équitable, ils peuvent être graciés, bénéficier de la clémence de la justice pour avoir coopéré avec elle en disant la vérité ; mais on ne doit pas pratiquer le chantage en disant : si vous voulez connaître la vérité, il faut vous engager à ne pas juger les criminels. C’est une insulte au droit et à la justice; c’est la porte ouverte à la répétition des crimes; et c’est enfin, un mépris pour les victimes». L’avocat militant s’appuie sur le principe de la continuité de l’Etat : «Le Roi en tant que premier responsable de l’Etat constitutionnellement, responsable de ses institutions, et garant des droits des individus, des communautés, et des libertés fondamentales, doit présenter les excuses de l’Etat marocain aux victimes. Evidemment le Roi Mohammed VI n’est pas responsable des crimes commis… ». Il semblerait qu’il y ait parmi les adversaires de l’impunité un consensus au sujet de l’amnistie des coupables de crimes d’Etat, le différend réside dans ses préalables. Voici le programme à ce sujet de l’AMDH, tel que l’exprime Fouad Abdelmoumni : «Personnellement, je comprendrais parfaitement que l’Etat puisse, une fois la vérité établie et les actions judiciaires enclenchées, soumettre à la souveraineté populaire une décision politique visant à tourner la page sans léser les victimes, ni insulter leur mémoire, ni surtout laisser la porte ouverte au renouvellement des exactions massives. Mais l’Etat ne serait crédible à cet égard que s’il laissait d’abord la vérité éclater pleinement, s’il assumait sa responsabilité et demandait publiquement les excuses, s’il montrait concrètement qu’il a résolument rompu avec la répression illégitime comme modalité principale d’exercice du pouvoir, et s’il sommait les responsables d’exactions de se déclarer, de demander pardon. Nous sommes hélas loin de ce cas de figure; il ne m’appartient donc pas aujourd’hui de me prononcer favorablement pour une amnistie qui ne structurerait pas favorablement notre devenir». Même attitude chez Bichr Bennani: «Le plus inacceptable est certainement le maintien de l’impunité. Seul l’arrêt de l’impunité peut nous prémunir de tous les abus vécus pendant les années de plomb. Il ne s’agit pas là d’un appel à la vengeance. Toutes les victimes qui se sont exprimées l’ont déclaré, elles sont prêtes à pardonner, encore faut-il que le pardon soit demandé. Pour cela, il faut identifier les responsables de ces crimes». Parmi les victimes, il en est qui disent pardonner spontanément sans que leurs tortionnaires ne leur en fassent la demande; ceux-là font peur aux autres victimes et à tous ceux qui peuvent se sentir visés pour leurs idées ou leurs opinions. Ceux qui renoncent à leurs droits mettent tous les autres en mauvaise posture; ils érigent en modèle de comportement une attitude qui renvoie l’avènement de l’Etat de droit aux calendes grecques. Si ces victimes veulent se dispenser du pardon que pourraient exprimer leurs tortionnaires, elles le peuvent et cela clôt apparemment toute l’affaire pour elles, quoique le préjudice occasionné aux autres victimes soit considérable, d’autant plus qu’il n’y a personne, ni institution, ni groupe, ni Etat pour se constituer partie civile; l’Etat ne réclamera rien et ne poursuivra personne parce qu’il est le coupable.(A suivre)
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