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Craignant une propagation rapide de ce variant et pour éviter une nouvelle vague de la pandémie qui pourrait plonger nos hôpitaux dans de longues et difficiles semaines, le Maroc a décidé de suspendre, à partir du 23 décembre, le dispositif mis en place pour permettre aux Marocains bloqués à l'étranger de regagner leur pays.
«Cette décision a été prise en raison de la propagation fulgurante du variant Omicron au niveau planétaire et sa progression préoccupante dans le voisinage européen du Maroc», explique le comité interministériel de suivi du Covid, bien que nombre d'épidémiologistes doutent de l'efficacité de la fermeture totale des frontières face à l'essor de Omicron.
Si le Royaume a aussitôt annoncé une telle mesure, il ne devrait toutefois pas aller jusqu'à instaurer des restrictions sévères. Pas de confinement ou de couvre-feu au programme, que ce soit pour les non-vaccinés ou l'ensemble de la population, même si le gouvernement se garde de promettre de ne plus jamais revenir à de telles mesures.
La vaccination importante mais n’offre pas de solution miracle
Contacté par Libé, le Dr Abdelilah.K, médecin anesthésiste au CHU Ibn Rochd de Casablanca, nous explique que «le manque d’informations sur le variant Omicron complique la tâche des responsables en vue de prendre des décisions éclairées pour combattre sa propagation».
Selon ce spécialiste, le Maroc était en bonne posture durant les dernières semaines, mais l’arrivée d’Omicron pourrait tout faire basculer. «Avec le Delta, on avait un certain contrôle et l'on contenait le nombre de cas, mais la capacité d’Omicron de se propager à une vitesse très rapide suscite de profondes inquiétudes», souligne-t-il.
«Il est très probable que le nouveau variant provoque des hospitalisations et des décès en plus de ceux déjà prévus par les précédentes prévisions centrées sur le variant Delta, jusqu'ici dominant», a-t-il précisé, tout en insistant sur l’importance de la vaccination qui, selon lui, a certainement évité le pire, en restant puissante contre les formes graves malgré une rapide perte d'efficacité sur les contaminations. «Si nous ne disposions pas d'une vaccination massive de la population, nous aurions déjà débordé nos hôpitaux depuis plusieurs semaines», a estimé ce spécialiste.
«Il est vrai que plus de 22 millions de Marocains ont déjà été entièrement vaccinés (deux doses), mais nous pouvons faire beaucoup mieux», a-t-il ajouté. «Et puis, les troisièmes doses devraient être notre brise-lame», a plaidé Dr Abdelilah.K qui s’est tout de même montré légèrement sceptique. Il a d’ailleurs tenu à avertir que «dans la situation actuelle, la vaccination est indispensable mais à elle seule, elle ne suffirait pas à contrer la pandémie poussée par le variant Omicron». Pour lui, «utiliser les masques, télétravailler, éviter la promiscuité dans les lieux et les transports publics, rester chez soi quand on est malade, ventiler et maintenir un haut niveau d'hygiène restent une priorité».
Même son de cloche de la part de Khalid Aït Taleb qui a relevé qu'une recrudescence de la pandémie est possible à tout moment, d'où la nécessité, selon lui, de préserver les acquis en se faisant vacciner et en respectant les gestes barrières.
«La majorité des patients admis en réanimation ne sont pas vaccinés», a-t-il fait remarquer, ajoutant que la maladie est six fois plus grave chez les patients non vaccinés. Le responsable gouvernemental a également mis en garde contre la contagiosité fulgurante du variant Omicron, et a fait savoir que «le seul moyen de lutter efficacement contre sa propagation étant le strict respect des mesures sanitaires, notamment le port correct du masque de protection».
Pour sa part, Dr Rania.O, médecin biologiste au CHU Ibn Rochd, nous explique que «les vaccins actuels ont été conçus pour protéger contre l’infection par la Covid-19, c’est-à-dire pour prévenir l’hospitalisation et la mort. Cependant, ils offrent plus, puisqu’ils permettent une réduction des infections allant jusqu’à 80% (pour les vaccins à ARNm) et freinent la transmission». Même si, selon elle, «les données sont actuellement insuffisantes pour tirer une conclusion sur la protection qu’offre l’immunité vaccinale contre Omicron».
«Un rapport récent de Pfizer a montré que l’administration d’une troisième dose pourrait cependant modifier la trajectoire de transmission de Omicron», a-t-elle tenu à souligner. Et de préciser que « les responsables devraient bien réfléchir à l’approbation des vaccins pour les enfants âgés de cinq à onze ans, ce qui permettra sans aucun doute d’augmenter davantage la couverture vaccinale ».
Plusieurs pays d'Europe, dont l'Espagne, l'un des champions de la vaccination dans le Vieux Continent, ont déjà commencé à vacciner les enfants, puisque la vaccination des 5-11 ans, avec une version du vaccin Pfizer moins forte que celle destinée aux adultes, est possible dans l'Union européenne depuis son autorisation par le régulateur du médicament le 25 novembre. Selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS), les 5-14 ans sont actuellement les plus touchés par la pandémie, avec parfois des taux deux à trois fois plus élevés que chez le reste de la population.
Plus contagieux donc plus préoccupant
Si le variant Omicron inquiète les autorités sanitaires, c’est avant tout pour sa contagiosité élevée. Cela le rend-il plus dangereux ? Risque-t-il d'entraîner davantage de décès ? Selon Dr Abdelilah.K, «ce nouveau variant paraît moins dangereux car, dans les pays où il est dominant, il y a moins d’hospitalisations et moins de passages en soins intensifs».
Au micro de nos confrères de la BBC, Dr Angelique Coetzee, qui a été la première à alerter les autorités sud-africaines sur l'existence possible d'un nouveau variant du coronavirus, a été du même avis. Elle a notamment expliqué qu’il n’y a pas beaucoup de personnes hospitalisées en Afrique du Sud. «J'ai parlé à d'autres collègues et le tableau est le même», a-t-elle ajouté.
Revenant sur la découverte de ce variant, le médecin explique que «tout a commencé le 18 novembre, avec un patient d'une trentaine d'années qui disait se sentir fatigué et avoir des courbatures depuis plusieurs jours». «Il avait un peu mal à la tête, il n'avait pas vraiment mal à la gorge, il l'a décrit plutôt comme une démangeaison, pas de toux, pas de perte du goût ou de l'odorat», ajoute-t-elle.
Dr Coetzee a trouvé ces symptômes inhabituels et a décidé de faire un test rapide dans son cabinet. D'autres patients présentant des symptômes similaires se sont présentés tout au long de la journée et la spécialiste a décidé d'alerter les autorités.
C’est ainsi que le variant Omicron a été signalé à l'Organisation mondiale de la santé et déclaré variant préoccupant par l'organisme international deux jours plus tard.
Si Omicron est le premier variant de la Covid-19 à avoir été élevé au rang de variant préoccupant, c’est notamment à cause des premiers rapports qui semblaient montrer qu'il présente une transmissibilité et un risque de réinfection plus élevés que les autres variants connus du coronavirus en raison de son grand nombre de mutations. Mais les scientifiques précisent que des informations supplémentaires sont nécessaires pour parvenir à une conclusion définitive.
Dr Rania.O tient tout de même à nous expliquer l'inquiétude des autorités sanitaires par le fait de la propagation rapide de ce variant. «Un variant considéré comme mortel peut tuer chaque jour le même nombre de personnes, à la fin, le résultat fera état de beaucoup de morts, certes, mais la moyenne quotidienne en termes de décès sera similaire et restera plus ou moins stable», souligne-t-elle.
«En revanche, au niveau de la transmission, si un variant est peu mortel mais est plus contagieux, la propagation va se faire de manière exponentielle, le nombre de décès va augmenter chaque jour un peu plus, au bout de quelques jours, il sera démultiplié et le chiffre ne cessera d'augmenter. Il ne sera alors plus question de moyenne quotidienne, mais d’un nombre toujours grandissant de décès», précise cette spécialiste en biologie médicale. «La contagiosité est donc plus dangereuse que le caractère létal du virus sur une durée donnée», estime-t-elle. Et de conclure : «La question de savoir si un variant du virus est plus contagieux ou pas est donc primordiale».
Il est enfin à noter que ce variant apparu, pour la première fois, en Afrique du Sud nous rappelle, une fois de plus, à quel point il est essentiel d’aider les pays en développement dans leurs campagnes de vaccination. Parce que le virus continuera à compromettre les progrès réalisés par les pays riches grâce à la vaccination tant et aussi longtemps qu’il trouvera un terrain fertile pour évoluer quelque part dans le monde.
Mehdi Ouassat