Takfirisme, jets de pierres, agressions physiques et verbales

La violence contre le personnel politique inquiète les démocrates


Narjis Rerhaye
Mercredi 22 Janvier 2014

Takfirisme, jets de pierres, agressions physiques et verbales
Dans le landernau politique, l’émoi est grand. L’incompréhension, elle, atteint des sommets. La violence exercée contre les hommes politiques n’en finit plus d’inquiéter ceux et celles qui sont dans l’engagement.
Ce week-end, le leader du PPS et ministre de l’Habitat a été visé par des jets de pierres alors qu’il s’apprêtait à tenir un meeting dans une maison de jeunes à Assa Zag. Des points de suture, des arrestations, un communiqué d’indignation et des interrogations en cascade : comment en est-on arrivé là ? Pourquoi des symboles de l’Etat sont-ils pris violemment à partie ? Est-ce là une marque de défiance dont ferait l’objet les hommes politiques ? « La condamnation morale de ces agissements violents est importante, nécessaire, cruciale. Mais elle n’est pas suffisante. Une telle violence exercée contre les acteurs politiques et les représentants de l’Etat sont un déni de la démocratie. Et en démocratie justement, le désaccord ne s’exprime pas par un acte de violence. Les méthodes de protestation sont connues et il y a toujours un seuil à ne pas franchir. L’Etat de droit, c’est aussi cela », souligne ce responsable politique de gauche. 
L’agression de Nabil Benabdallah est très probablement l’agression de trop. Elle intervient quelques jours seulement après celle dont a fait l’objet une autre personnalité du PPS, El Houssaine Louardi, le ministre de la Santé. On s’en souvient, le 8 janvier courant, six pharmaciens menés par le président du Conseil régional des pharmaciens du Sud, Abderrazak Manfalouti, s’en sont en effet violemment pris au ministre PPS de la Santé. Les pharmaciens appartiennent aux conseils régionaux des pharmaciens du Nord et du Sud, deux instances dont les dernières élections ont été contestées par la profession et qui font aujourd’hui l’objet d’une dissolution légale. 
L’agression d’une rare violence verbale -et qui a failli se transformer en atteinte physique si ce n’était l’intervention des conseillers de M. Louardi- a eu lieu au sortir de la commission des secteurs sociaux devant laquelle ce responsable gouvernemental présentait justement le projet de loi relatif à la dissolution des deux conseils régionaux des pharmaciens en question en plus du texte concernant le don d’organes.
Insultes et menaces pleuvent.  L’agression physique est évitée de justesse, grâce à l’intervention de membres du cabinet ministériel. Les forces de sécurité, en fonction au Parlement, prendront le relais, maîtrisant les pharmaciens auteurs de l’agression. 
Du jamais vu, jamais entendu dans les murs de l’institution législative. «Comment un ministre en fonction peut-il faire l’objet d’une telle agression? Comment en est-on arrivé à pareil comportement? Le Parlement aurait-il à ce point perdu toute crédibilité et tout respect?». Sous la Coupole, les questions fusent. Et elles font mal. Mal à l’institution législative, mal à la pratique démocratique, mal à l’action politique. «Non, s’exclame ce député de l’Union socialiste des forces populaires, la démocratie n’est pas l’anarchie!»
L’agression du ministre de la Santé a eu lieu alors que les démocrates du pays étaient encore sous le choc de l’excommunication prononcée par  un extrémiste de la salafya jihadiya contre le Premier secrétaire de l’Union socialiste des forces populaires, Driss Lachguar. «Cette excommunication qui a visé cet homme politique ainsi que d’autres personnalités marocaines est une forme de violence majeure. Dans une société comme la nôtre, le takfir est véritablement un appel au meurtre», note ce député de l’opposition qui en appelle à l’adoption d’un cadre juridique sanctionnant la haine. «Pas question de connaître un scénario à la Tunisienne,  avec l’assassinat d’hommes politiques», poursuit-il.
Le leader socialiste avait refusé de porter plainte contre Abou Naïm et ses propos diffamatoires. «C’est à la justice d’assumer ses responsabilités», avait en substance estimé le Bureau politique du parti de la Rose.  L’apprenti takfiriste, amateur de Youtube, a été effectivement entendu par le parquet qui avait ordonné l’ouverture d’une enquête. 
«Seule l’application de la loi peut prémunir la société marocaine contre des dérives obscurantistes qui vont de l’excommunication à l’appel au meurtre. C’est le projet démocratique qui est menacé. Ce sont les acquis qui sont mis en danger.  Les droits des femmes sont au cœur des avancées ou du recul d’une société comme la nôtre. C’est bien  la construction d’une société démocratique moderne prônant les valeurs de l’égalité, la parité, la justice sociale et le mouvement d’émancipation progressif des femmes qui est visée», soutient cette activiste du mouvement féminin.
Et comme en réponse à cette dérive takfiriste, une proposition de loi vient d’être déposée par le Parti authenticité et modernité pour que soit criminalisée l’excommunication. 
Cette proposition de loi vise à combler un vide juridique en la matière en introduisant de nouvelles dispositions pour  que l’excommunication soit considérée comme un délit de diffamation passible de un à  trois ans de prison.
Agressions physiques et verbales, jets de pierres, excommunication : le rubicond est franchi. Et ils sont de plus en plus nombreux à le penser. « Ce ne sont pas les acteurs politiques qui sont visés. Il ne faut surtout pas perdre de vue que  le projet démocratique porté par le Maroc  est  dans la ligne de mire. Des apprentis sorciers et autres illuminés veulent discréditer les institutions et favoriser le chaos », conclut cette militante. 


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