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Se cacher derrière la Caisse de compensation, c’est reconnaître son incompétence


Hassan Bentaleb
Mercredi 2 Mars 2022

Lutte contre la spéculation, révision des dépenses fiscales, régulation du marché des carburants, suspension des droits d’importation de blé … entre autres solutions que feint d’ignorer le gouvernement

Se cacher derrière la Caisse de compensation, c’est reconnaître son incompétence
“Subvention’’ semble aujourd’hui le mot le plus usité par l’Exécutif. En effet, il ne se passe pas une conférence de presse ou un passage sur les chaînes nationales sans que le chef du gouvernement ou un membre de son équipe ne nous parle des efforts, soi-disant «importants» pour préserver le pouvoir d’achat des citoyens, en subventionnant nombre de biens et services de base. Ainsi, le gouvernement répète en boucle et à qui veut l’entendre qu’il alloue 17 milliards de dirhams annuellement pour le gaz butane, 14 milliards de dirhams pour l’électricité, 600 millions de dirhams par mois pour subventionner la farine de blé et 3 milliards de dirhams par an pour le sucre.
Mais est-ce vrai que les subventions sont le véritable remède pour faire face à la cherté de la vie et à la dégradation du pouvoir d’achat ? «Les subventions ne sont pas la solution», nous a répondu Hicham Attouch, professeur d’économie à l’Université Mohammed V de Rabat. Et d’expliquer : « En optant pour ce choix, le gouvernement semble s’attaquer aux symptômes de la cherté de la vie et non pas à ses causes profondes. A rappeler que les précédents gouvernements ont réagi aux conjonctures de crise via de multiples fonds créés pour affronter les catastrophes naturelles et la sécheresse ».
Pour notre interlocuteur, avant de parler subvention, le gouvernement a déjà plusieurs pistes pour agir et a les moyens pour ce faire. Ainsi, concernant les carburants (et pas uniquement le gaz), il estime que l’Exécutif peut intervenir à deux niveaux. D’abord par la régulation du marché en agissant non pas sur l’offre et la demande mais plutôt sur la concurrence. Ensuite, il peut opérer via les marges commerciales des entreprises chargées de distribution des carburants. Précisément via la taxe intérieure de consommation (TIC) sur les produits énergétiques et la TVA. « Cela va permettre de modérer les prix à la pompe et du coup, alléger les charges du transport des marchandises », a-t-il précisé.
S’agissant du blé, Hicham Attouch soutient que le gouvernement doit continuer à suspendre les droits à l’importation et peut augmenter les subventions directes. Il souligne, en outre, que le gouvernement peut agir en s’attaquant aux spéculateurs qui constituent un vrai problème pour les producteurs comme pour les consommateurs. « En effet, l’intermédiation de ces spéculateurs allonge la chaîne logistique et augmente les prix », a-t-il noté.
Hicham Attouch avance également comme piste possible les dépenses fiscales en tant que mécanisme de soutien indirect. « Cela aura sûrement un impact sur le déficit budgétaire mais permettra de dépasser cette crise conjoncturelle », a-t-il souligné.
Pour lui, il faut agir et vite. « Ce n’est plus le temps de la réflexion mais celui de l’action même avec les risques qui se profilent sur les équilibres macroéconomiques », a-t-il martelé. Et d’ajouter : « En fait, l’impact sur les équilibres macroéconomiques ne sera palpable qu’à partir de juin ou juillet prochains et l’on doit s’attendre à une déstabilisation desdits équilibres». D’autant plus que le conflit entre la Russie et l’Ukraine risque d’envenimer davantage les choses. « Les échanges entre le Maroc et ces deux pays se chiffrent à des millions de dollars et concernent des produits essentiels (blé et pétrole). Même l’arrêt de cette guerre n’arrangera pas les choses puisqu’il faut encore du temps pour que l’économie de ces deux pays reprenne. Sachant qu’il faut s’attendre aussi aux conséquences de ladite guerre sur notre partenaire UE et ses effets indirects sur notre économie », nous a-t-il affirmé.
Toutefois, notre interlocuteur reste sceptique quant à une résolution de la situation actuelle. Selon lui, toutes les solutions ne vont pas résoudre l’essence du problème en l’absence d’une stratégie intégrée. « Même l’élaboration de plans ne va pas servir à grand-chose. Idem pour l’injection de millions de DH, conclut-il. Prenez à titre d’exemple le dossier de l’eau. Il faut rappeler que cette question ne concerne pas uniquement l’agriculture mais aussi l’industrie et le tourisme, et en l’absence d’une stratégie intégrant l’ensemble de ces secteurs, il n’y aura pas d’issue possible à ce problème ».

La Caisse de compensation

Depuis la décompensation des carburants en 2015, la charge de la subvention s’est considérablement allégée en s’établissant entre 13,5 et 17,1 milliards de dirhams durant les 5 dernières années, alors qu’elle se situait entre 29 et 56 milliards de dirhams entre 2009 et 2014. Cette donne a permis de soulager considérablement les finances publiques d’une dépense socialement inefficace et d’offrir les moyens nécessaires à l’expansion d’une politique sociale mieux ciblée. En se limitant à la prise en charge du gaz butane, du sucre et d’un contingent de farine de blé tendre, le système de compensation a permis de maintenir les prix de ces produits à leurs niveaux historiques en assumant leurs dépassements et les fluctuations de leurs cours sur le marché international. En 2018, avec un cours mondial moyen du butane à 522 $/T, et des niveaux de prix globalement réguliers pour le sucre brut et le blé tendre, la compensation de ces trois produits s’est soldée à 17,1 milliards de dirhams, en hausse de 10% par rapport à 2017, principalement sous l’effet du prix mondial du gaz et de l’accroissement constant de la consommation nationale. L’année 2019 s’est présentée quant à elle de manière relativement favorable avec une baisse du cours du butane à 408 $/T au titre de la période janvier-septembre contre 534 $/T pour la même période de l’année précédente et un cours moyen du sucre brut globalement similaire entre les deux périodes. En attendant l’opérationnalisation du Registre social unique qui permettra de coordonner et de restructurer l’ensemble des aides sociales, les prix du gaz butane, du sucre et de la farine nationale ont continué à être subventionnés en 2020, à hauteur d’une enveloppe totale de 13.640 MDH programmée dans le cadre du projet de loi de Finances de l’année 2020. La charge prévisionnelle de compensation au titre de l’année 2021 a enregistré des hausses respectivement au-delà de 43% et 28% par rapport aux années 2020 et 2019.
Source : Rapport sur la compensation


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