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Un acte unique dans son genre
Ce fait divers insolite s'est produit vendredi à 19h00 lorsque l'avion reliant Casablanca à Istanbul a dû se poser en raison du malaise supposé d'un passager, rapportent certains médias. Selon le site Euronews relatant la police espagnole, le passager à l'origine de l'incident "semblait avoir sombré dans un coma diabétique et a été transporté dans une ambulance à l'hôpital avec un compagnon". Mais à son arrivée dans cet établissement, il a été déclaré en parfaite santé.
L'homme a été arrêté pour "aide à l'immigration illégale et infraction à la loi sur l'immigration", a ajouté la police, relevant que la personne qui l'accompagnait avait pris la fuite dès son arrivée à l'hôpital. La même source a indiqué que les éléments de la police ont interpellé 12 personnes et sont à la recherche de 12 autres qui se sont sauvées.
Coup monté ou pas ?
D’après le quotidien «El Pais», les enquêteurs travaillent sur l’hypothèse d’un coup monté par des candidats à l’immigration, en vue d’entrer illégalement en Espagne.
A noter que suite à cet incident, 13 avions à destination de Palma ont été déroutés vers d’autres aéroports, et 16 vols au départ ont subi d’importants retards, selon les autorités aéroportuaires.
Selon Aina Calvo, la représentante du gouvernement espagnol dans les îles Baléares, «pour le moment, nous ne pouvons pas dire avec certitude pourquoi ces personnes ont décidé de se précipiter sur la piste» d'atterrissage, a-t-elle noté puisque l'avion est resté sur le tarmac «pendant un certain temps» avant que les passagers ne décident de s'enfuir de l'appareil. Les personnes qui ont déguerpi seront poursuivies pour non-respect des règles de sécurité aériennes et entrée illégale sur le territoire espagnol et expulsées vers leur pays d'origine, a déclaré la responsable. Aucune entre elles n'a déposé une demande d'asile politique, a-t-elle affirmé.
Selon une source marocaine qui a sollicité l’anonymat, les faits de ce samedi ne doivent rien au hasard puisque le scénario de l’atterrissage forcé a été conçu en juillet dernier. «Sur Facebook, il y avait un post datant de juillet dernier expliquant en détail le déroulement de l’opération. Ce plan a été imaginé par un membre d’un groupe Facebook appelé Brooklyn connu pour ses sorties extravagantes sur les réseaux sociaux», nous a-t-elle précisé. Et de se demander «S’agit-il vraiment d’une tentative irrégulière de franchissement de l’espace Schengen ou bel et bien de l’un de leurs canulars ? Personne ne le sait».
L’art de résistance
De son côté, Omar Naji, militant des droits de l’Homme et spécialiste des questions migratoires, estime que ce fait divers est unique dans son genre de par une véritable organisation et planification. Pour lui, cet incident prouve une seule chose : que la fermeture et le contrôle des frontières ne servent pas à grand-chose et que les jeunes sont prêts à tout pour quitter leurs pays vers l’Europe, peu importe le moyen et le résultat. Selon lui, l’acte de migrer a toujours été pensé et organisé.
«Prenez le cas des migrants irréguliers subsahariens cherchant à franchir les barrières séparant le Maroc de ses présides occupés. Ces tentatives sont souvent durement réfléchies et orchestrées. Les préparations concernent le point de départ, la date, les moyens pour y parvenir, les personnes participantes et autres et rien n’est laissé au hasard », nous a-t-il expliqué.
Daniel Veron, doctorant en sociologie, Université Paris-Ouest Nanterre, laboratoire IDHE, soutient, pour sa part, dans son article : «Cartographie de la frontière et topographie clandestine», que les migrants sans-papiers «échafaudent des tactiques de contournement de la frontière et de ses avatars que sont les centres de rétention, les procédures de demande d’asile, etc».
Selon lui, ces candidats à l’immigration «tentent de mettre à profit le moindre interstice, la moindre brèche face aux murs que représentent les déploiements législatifs et symboliques de la frontière. Leurs parcours s’inscrivent de ce fait dans une topographie clandestine qu’ils contribuent à dessiner».
Daniel Veron évoque un monde de résistances, d’ajustements, de ruses, de dérobades, autrement dit «un univers tactique» face à ce qu’il appelle «l’institution frontière» à la géographie complexe et mouvante, qui semble aujourd'hui, selon lui, «connaître dans les pays occidentaux une diffusion et une crispation sans précédent». Et du coup, l’enjeu de cette relation consiste à : bricoler des lieux pour habiter le monde, construire des espaces d'autonomie et affiner les “arts de la résistance”.
Hassan Bentale