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Rencontre internationale à l’Université Ibn Tofail : La question du genre occupe les devants de la scène à Kénitra


Montassir Sakhi et Justine Peullemeulle
Mardi 15 Décembre 2009

Un colloque international sur la question du « genre, pouvoir et société : Promotion de la gouvernance et défis de la question du genre » s’est tenu les jeudi 10 et vendredi 11 décembre à la Faculté des lettres et des sciences humaines de Kénitra avec la participation de plusieurs spécialistes de la question provenant du Maroc et d’autres pays. Cette activité organisée par le laboratoire des études pluridisciplinaires a traité de la question du genre à partir des fondements d’une société, à savoir la politique, la religion, la littérature, l’art et la langue.
Trois des interventions faites à ce propos sont revenues sur des expériences et recherches engagées pour ressortir des éléments d’analyse de l’impact du genre sur les comportements humains, reflétant des réalités.
Professeur de littérature française, membre du groupe de recherche sur la littérature populaire française à l’Université de Leida en Espagne,  Angels Santa nous a offert une analyse de la vie de George Sand, à travers ses écrits et les liens étroits entre sa vie privée et ses choix politiques.
De fait, George Sand s’est positionnée contre les  lois sociales de l’époque qui empêchaient l’expression libre des droits  des femmes. Face à l’injustice des lois, elle s’est engagée dans un plaidoyer pour le droit des femmes à choisir leur vie, en dénonçant, notamment, les règles du mariage en vigueur.
L’intervenante a également souligné que George Sand a mené une réflexion sur la condition féminine, principalement, autour du mariage et de la famille.  En s’inspirant de la vie de ses proches, elle a proposé un  portrait idéalisé du mariage. Mais ce portrait idéalisé a rendu compte des contradictions tout au long de la vie et de l’œuvre de George Sand. En effet, elle traite parallèlement de liberté amoureuse, notamment de l’homosexualité.
Pour Angels Santa, cette femme écrivain a participé à la révolution de février 1848, en prônant les valeurs de la République et du communisme, en épousant toutes les causes politiques, et en prêchant pour la liberté privée. Elle a une approche de la politique en tant qu’enseignement de masse. Elle destinait son travail au peuple. Son travail politique se centre sur le souci d’égalité, d’éducation pour que le pouvoir soit tenu par le peuple.  «Le peuple est le meilleur de mes amis». Elle croit que l’homme peut devenir meilleur par l’éducation et la loi. Toute la contradiction se porte en George Sand, même si elle épouse toutes formes de causes politiques, elle ne se sent ni communiste, ni saint-simonienne.
Une réflexion sur l’affinité entre genre et engagement politique.
Par ailleurs, George Sand croyait que la condition de la femme se transformera si la société se transforme en profondeur. Elle croyait en l’égalité civile dans le mariage, la famille afin d’être l’égale du mari. Par cette position, elle tissait le lien entre les mœurs et le pouvoir partant de la justification de la dépendance de la femme vis-à-vis de l’homme de par sa position au sein de l’institution du mariage.
Néanmoins, il y a un retournement de position. A l’arrivée de Napoléon III au pouvoir, elle lui demande l’amnistie pour ses amis et ses collaborateurs. Et ne s’investit plus comme auparavant notamment lors de la Commune.
Quant à Sophie Rétif, doctorante en sciences politiques-Université de Rennes et du Portugal, membre du Centre de recherche européen sur le pouvoir politique, elle a proposé une réflexion sur l’affinité entre genre et engagement politique. Elle a traité de cette problématique en deux temps : tout d’abord, la spécificité du mode d’action des femmes, puis ses conséquences sur leur représentation dans le champ politique.
Son travail de recherche repose sur une étude effectuée auprès de trois associations françaises et trois associations portugaises. Ces associations ont toutes un point commun, ce sont des associations politiques et militantes. L’enquête repose sur 87 entretiens, soit 42 hommes et 45 femmes, sur leurs pratiques militantes.
Le premier résultat de la recherche est que les associations sont des espaces d’engagement privilégié pour les femmes. L’oratrice le justifie par le fait que l’association constituerait un engagement entre la sphère privée et la sphère publique. Alors que les femmes sont sous-représentées dans les partis politiques et les syndicats.
Pour autant, on peut retrouver des similitudes entre les hommes et les femmes. D’une part, la plupart des militants sont diplômés (médecins, professeurs, etc.). D’autre part, l’engagement associatif contribue à la socialisation politique.
75 % des femmes interrogées sont multi-positionnées. En d’autres termes, elles appartiennent à plusieurs mouvements ou entités. Généralement, au bout de quelques années (environ deux ans), les femmes s’engagent dans une autre association par le fait d’une interconnaissance avec d’autres militants. Pourtant, la plupart des femmes militantes dans le milieu associatif trouvent des difficultés à s’engager au sein des partis ou syndicats. Deux cas existent : celui des femmes qui entrent progressivement au sein de ces deux entités mais n’y restent pas car elles n’y trouvent pas leur place et celui des femmes qui réussissent dans d’autres espaces d’engagement.
Une mise en contexte de l’intégrisme radical
La trajectoire des hommes est inversée : leur engagement associatif est tardif, et se spécialise dans une thématique, droits de l’Homme, genre en parallèle d’un engagement partisan et/ou syndical. Un autre comportement est que l’engagement associatif de l’homme est un engagement de repli suite à un échec partisan.
Pourquoi cette distinction ?
Il n’existe pas de différence formelle, ni juridique entre associations et partis au Portugal et en France. Néanmoins, il existe une différence en termes de vision politique et de pratiques.
Les associations ne sont pas tributaires de la compétition électorale, autrement que lors de la campagne électorale, où elles ont un rôle à jouer, mais elles restent en marge de la politique institutionnelle. Elles ont un caractère sectoriel qui amène à articuler leurs revendications avec la cause circonscrite. En référence à Tocqueville, l’espace associatif est représenté comme une libre organisation de la société civile. L’engagement de la femme au sein du milieu associatif s’explique à travers le mythe de la représentation associative, à savoir l’amateurisme. En d’autres termes, les femmes affichent leur volonté de ne pas devenir professionnelles de la politique. Il y a une certaine auto-censure.  Cela mène à un point essentiel qui s’est répété dans l’étude, à savoir le « je ne suis pas capable». Ce sentiment d’incapacité personnelle entraîne une auto-déshabilitation, surtout chez les militantes d’origine populaire. Ainsi, chacun, homme et femme, s’auto-assigne une position. On comprend donc que les lois sont insuffisantes et que ces constats relèvent de justifications psychosociales.
Quant à Mourad Mkinsi, membre du laboratoire des études pluridisciplinaires et professeur à l’Université Ibn Tofail de Kénitra, il a entamé sa communication par une définition et une mise en contexte de l’intégrisme radical, soulignant que l’intégrisme radical fait face à des interprétations et extrapolations, sources de tension, de pression.
Il a défini l’intégrisme politique comme «tout mouvement ou toute idéologie qui s’appuie sur une lecture rigoriste du texte sacré et qui cautionne l’usage de la violence dans certaines circonstances provoquant des situations violentes pouvant être exploitées  à des fins politiques».  
La violence intégriste n’est pas l’apanage de l’islam mais des trois religions monothéistes, a-t-il affirmé en donnant des exemples d’actes «terroristes» qui datent d’avant 2001, d’intégristes chrétiens et juifs. Mais on constate, néanmoins une poussée de l’intégrisme radical en islam qui occupe l’esprit et les devants de la scène politique.
L’objet de cette intervention étant de mettre à contribution le concept de la masculinité dans le traitement de l’intégrisme radical.
L’intervenant s’est référé à Gramsci, qui lie la théorie marxiste à la psychanalyse, pour analyser le phénomène social et politique que représente l’intégrisme radical. Il a indiqué par ailleurs que l’idéologie a une résonance psychologique et psychosociale. «Elle oriente la représentation vers le symbole/le culturel», a-t-il signalé.
Réconcilier l’Université avec des sujets qui préoccupent la  société
Dans une déclaration à Libé, Mustapha Bencheikh, coordinateur de ce colloque international, nous a indiqué que pareilles assises visent à initier de nouvelles approches sur la question du genre social. Le fait de tenir ce colloque au sein de l’Université, «permettra une ouverture des intervenants sur les étudiants ainsi qu’un échange fructueux », a-t-il également affirmé, en précisant que ce colloque pourrait être une véritable occasion pour réconcilier l’Université avec des sujets qui préoccupent la  société en général et la société civile en particulier.
Rappelons que les interventions ont oscillé entre l’académisme et le politique. Ainsi, environ trente universitaires-chercheurs et féministes engagées ont décliné leurs expériences et approches vis-à-vis de la question traitée. Signalons enfin que les débats qui ont eu lieu lors de cette rencontre internationale seront rassemblés dans un ouvrage qui sera publié dans les mois prochains, selon Mustapha Bencheikh.


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