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Refaire du neuf avec du vieux

Du déjà-vu, le programme de Yatim visant l’appui à l’intégration économique des jeunes


Hassan Bentaleb
Mardi 5 Mars 2019

Un nouveau programme d’appui à l’intégration économique des jeunes sera prochainement lancé par le gouvernement. Ce dernier est en train d’y apporter les retouches nécessaires en coopération avec la Banque mondiale, les départements concernés et les autorités et acteurs locaux, a indiqué Mohamed Yatim, ministre de l'Emploi et de l'Insertion professionnelle, vendredi dernier lors de la rencontre régionale de Marrakech-Safi sur l’emploi et la formation.
D’après lui, ce programme s’appuie sur trois axes principaux. Le premier est relatif à la mise en place d’un système destiné à améliorer l’accès des demandeurs d’emploi au marché et de soutenir leur intégration économique à la faveur de la création des espaces d’embauche au niveau des préfectures et des provinces relevant de la région.
S’agissant du deuxième axe, il concerne la mise en place de plusieurs centres de soutien à la création des entreprises et au développement local, chargés d’assurer le pré et post-accompagnement des porteurs de projets et d’appuyer la promotion des chaînes de valeur à haut potentiel en matière de création des postes d’emploi. S’y ajoute le suivi du parcours d’un certain nombre d’entreprises et de coopératives déjà en place afin de les développer.
Le troisième axe concerne notamment le renforcement des capacités des secteurs et des acteurs impliqués dans le suivi du projet aux niveaux national, régional et local.
Pour le ministre, l’objectif prioritaire demeure l’adaptation des stratégies concernant  l'employabilité des jeunes  aux besoins locaux et aux atouts dont regorge chaque région en insistant sur la nécessité d’étudier les moyens de promotion des politiques actives du marché du travail et de présenter des recommandations et des propositions aux parties prenantes afin de contribuer à l’amélioration de l’intégration des jeunes au marché du travail et au maintien des postes d’emploi actuels.
Pour Hicham Attouch, professeur d'économie à l'Université Mohammed V à Rabat, le nouveau programme d’appui à l’intégration économique des jeunes n’a rien de révolutionnaire et s’inscrit parfaitement dans le sillage des programmes déjà lancés. « L’Exécutif fait du neuf avec du vieux puisque les trois axes du projet gouvernemental en préparation ont déjà été testés durant les 20 dernières années avec l’appui de la Banque mondiale (BM) sans avoir abouti au moindre résultat tangible. D’ailleurs, même la BM a déjà mis en lumière, dans une étude datée de 2008, l’inadéquation entre le système d’enseignement national et le marché du travail. Elle a également mis en exergue, il y a près de trois années, l’incapacité de la croissance de notre économie à créer de l’emploi», nous a-t-il expliqué. Et de poursuivre : «Idem pour les centres de soutien qui existent au Maroc depuis les années 90, c’est-à-dire, bien avant la création même de l’ANAPEC et qui n’ont rien donné de concret. On est train de réinventer la roue ».
A ce propos, notre source a rappelé le programme de formation dans plusieurs disciplines au profit de 10.000 licenciés et de formation supplémentaire au profit de 25.000 licenciés à la recherche d’emploi lancé en 2016 par Abdelilah Benkirane, ancien chef du gouvernement et  qui a été mis en sourdine une année après son  lancement alors qu’il était censé ne prendre fin qu’en 2018.
D’autres analystes s’interrogent, de leur côté, sur la place que le nouveau programme d’appui à l’intégration économique des jeunes occupera au sein d’une architecture institutionnelle qui s’articule autour de la Stratégie nationale de l’emploi 2025 (qui vise notamment à promouvoir l’emploi productif, la valorisation du capital humain, l’amélioration de la gouvernance du marché de l’emploi, la consolidation des politiques actives d’emploi et d’intérim) et du Plan de développement de l’ANAPEC pour la période 2016-2020 (qui vise la formation de plus d’un demi-million de demandeurs d’emploi afin d’améliorer leur employabilité, l’intégration de 445.000 chercheurs d’emplois, l’accompagnement de 20.000 bénéficiaires des programmes d’auto-emploi, la création de 10.000 unités de très petites entreprises (TPE) et de coopératives ainsi que des activités génératrices de revenus avec pour objectif de créer 30.000 postes d’emploi, dont ceux des promoteurs) .
D’après Hicham Attouch, il s’agit en règle générale, d’initiatives prises en dehors de toute  stratégie véritable ou vision globale et, loin de tout débat de société sur la nature de l’emploi que nous voulons et sur celle de la formation qu’on doit dispenser.  «Qualifier des techniciens ou des ingénieurs n’est pas la solution.  La véritable solution, c’est une vision qui doit prendre en considération les emplois futurs et les besoins du marché tout en mettant en place une formation de base au diapason de la situation du marché du travail », nous a-t-il déclaré.
 Une réflexion qui s’impose dans un monde marqué par la prééminence du secteur tertiaire et de l’intelligence artificielle. « On propose des initiatives pour une problématique qui est au fond structurelle qui va certainement prendre de l’ampleur non seulement au Maroc mais aussi dans le monde entier. En fait, l’intelligence artificielle va tout changer et beaucoup de métiers vont disparaître », a-t-il précisé. Et d’ajouter : « Nous sommes en train de raisonner avec des outils d’analyse de l’économie industrielle des années 70 alors que nous ne sommes plus dans la même économie. Nous sommes plutôt dans la logique du pompier de service et cela fait plus de 30 ans qu’on ne fait que cela et le rapport du CESE sur l’emploi des jeunes en atteste ».  
Notre source estime que le problème de l’emploi des jeunes perdurera aussi longtemps que cette problématique ne sera pas  un sujet de débat national. « Les grandes questions de  société sont occultées.  Il n’y a pas d’assises de l’emploi ou de la retraite par exemple. La politique dans ces secteurs consiste à compiler des actions en l’absence de toute vision basée sur un diagnostic stratégique interrogeant l’avenir du monde, nos besoins et attentes ainsi que notre positionnement.  Nous mettons l’accent sur l’aspect dispositionnel et on oublie le stratégique », a conclu Hicham Attouch.  


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