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Quel impact pourrait avoir la nouvelle évaluation environnementale ?

Si ce n’est pas plus qu’un changement de vocable


Hassan Bentaleb
Vendredi 17 Janvier 2020

Le projet de loi n° 49.17 relatif à l'évaluation environnementale a été enfin adopté par la Commission des infrastructures et de l’énergie qui était censée le faire le 4 novembre dernier en vue de son adoption en séance plénière, puis de son transfert à la deuxième Chambre.
Ledit projet qui se veut une révision de la loi n°12.03 sur les études d'impact sur l’environnement, entend introduire l’obligation d’évaluer l’impact des projets réalisés sur l’environnement dans les politiques publiques, programmes, plans et schémas du développement sectoriel ou régional. Le nouveau dispositif compte également actualiser et compléter la liste des projets soumis à l'évaluation environnementale par voie réglementaire et la simplification de l'évaluation environnementale des petits projets à faible impact sur l'environnement en obligeant leurs propriétaires à présenter une simple notice plutôt que l’étude d'impact sur l'environnement.
En outre, ledit projet de loi renforce le contrôle des projets soumis à l’évaluation environnementale ainsi que les sanctions applicables aux infractions aux dispositions de cette loi. A rappeler que le Maroc s’est engagé au niveau international à utiliser l’étude d’impact sur l’environnement en adoptant, lors de la Conférence de Rio, la Déclaration de Rio et l’Agenda 21 des Nations unies, la Convention sur la biodiversité,  la Convention sur la lutte contre la désertification et la Convention -adre sur les changements climatiques.
Pourtant, Mohamed Benjelloun, expert international en environnement et développement, estime que le nouveau texte ne fera, en réalité, que réviser certains vocables sans s‘attaquer au fond, c’est-à-dire aux questions qui posent problème. Parmi ces questions, il pointe du doigt les Comités régionaux des études d’impact sur l’environnement (CREIE) créés dans chaque région du Royaume et qui sont chargés d’examiner les EIE relatives aux projets dont le seuil d’investissement est inférieur ou égal à 200.000.000 de DH et de donner leurs avis sur l’acceptabilité environnementale des projets qui leur sont soumis.
Pour notre source, la composition de ce comité est problématique. Selon elle, chaque CREIE est présidé par le wali de la région devant abriter le projet et des représentants régionaux des administrations concernées par la problématique de la protection de l’environnement, mais manque souvent d’experts qualifiés.  « J’ai assisté à de nombreux travaux de ces comités, et on se trouve toujours confrontés au même problème, à savoir l’absence au sein du CREIE d’individus expérimentés et bien formés dans le secteur en discussion », nous a-t-elle témoigné. Et de poursuivre : « On manque cruellement d’experts notamment dans l’ingénierie industrielle. Je me souviens d’un CREIE dont j’étais membre aux côtés du wali de la région de Berrechid, des représentants des ministres de l’Environnement, de l’Agriculture, de l’Habitat et autres pour examiner l’impact environnemental d’un projet en industrie métallique, où il n’y avait aucun spécialiste en relation avec ce secteur ou formé dans les procédures de fabrication industrielle».  
Mohammed Benjelloun critique aussi le conflit d’intérêts au sein de ces comités ainsi que les pratiques de clientélisme et de favoritisme qui rendent le travail des CREIE caduc. Un rapport de la Banque mondiale daté de 2007 a souligné, de son côté, l’absence de structures compétentes au niveau local, et a décrit des comités régionaux sous pression des acteurs qui les président et qui apparaissent comme juges et partie (les walis ou les centres régionaux de l’investissement) et relèguent bien souvent la question environnementale au second plan, au nom de la compétitivité de leur territoire.
Autre question et non des moindres, ce projet de loi réussira-t-il là où son prédécesseur a échoué, à savoir l’assujettissement des politiques publiques, programmes, plans et schémas du développement sectoriel ou régional à l'évaluation stratégique environnementale ? En effet, ledit rapport a indiqué à ce propos que la portée et la traduction de la loi 12.03 dans les faits sont restées très théoriques. Le nombre des EIE soumises à procédure est bien inférieur au nombre des projets censés y être assujettis. D’autre part, les grands projets qui échappent à cette procédure ont été nombreux et considérés comme stratégiques pour le développement du pays (villes nouvelles, parcs industriels, complexes hôteliers, grandes infrastructures de transport). Plus surprenant encore, précise le rapport, la maîtrise d’ouvrage d’un nombre important de projets recensés était  directement mise sous la tutelle de l’Etat. C’est le cas notamment d’un certain nombre de vastes projets urbains des grandes villes du Royaume, qui sont également dérogatoires aux documents d’urbanisme mais autorisés par les commissions de dérogation.
En outre, l’analyse de la liste des projets assujettis aux EIE tend à démontrer que celles-ci n’incluent pas une certaine catégorie de projets éventuellement porteurs de nuisances environnementales, tels que les projets de pipelines d’hydrocarbures ou de gaz. Au total, c’est donc près de 40 % des projets nécessitant une EIE qui ne sont pas soumis au comité national ou qui ne lui sont soumis qu’a posteriori. Le rapport a prouvé que 30 % des éléments « obligatoires » à fournir pour le dossier d’instruction d’une EIE manquaient ou étaient traités de manière convenue et superficielle, en dépit des normes qu’impose la loi. Le non-respect de la loi et des procédures en général est aussi imputable au nombre élevé de dossiers d’études d’impact à traiter par le service instructeur de l’administration centrale (entre 8 et 10 projets à examiner par jour), au manque d’expertise sur des questions pointues ou à la faible compétence des bureaux d’études chargés de réaliser les études en amont.


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