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Quatre milliards de personnes sans protection sociale

Les politiques de privatisation des systèmes de retraite n’ont pas donné les résultats escomptés, selon l’OIT

Jeudi 7 Décembre 2017

 Le droit humain à la sécurité sociale n’est pas encore une réalité pour une majorité de la population mondiale, a indiqué l’Organisation internationale du travail (OIT) dans un nouveau rapport rendu public dernièrement.
Malgré d’énormes progrès dans l’extension de la protection sociale dans beaucoup de régions du monde, seuls 45% de la population bénéficient effectivement d’au moins une prestation sociale, tandis que les 55% restants – 4 milliards de personnes – sont laissés sans protection, a constaté l’OIT.
Dans ce document phare, intitulé «Rapport mondial sur la protection sociale 2017-2019: Protection sociale universelle pour atteindre les Objectifs de développement durable », l’organisation a estimé que de grands efforts restent ainsi nécessaires pour garantir que le droit à la sécurité sociale devienne une réalité pour tous.
Il faut dire qu’en dépit du fait que la tendance ait connu une légère hausse par rapport aux 27% de 2014-15, l’OIT a rappelé que 29% seulement de la population mondiale disposent d’un accès à une sécurité sociale globale,  tandis que les 71% autres (5,2 milliards de personnes) ne sont pas, ou sont partiellement, protégées.
Evoquant le cas des enfants, le rapport a relevé que seuls 35% d’entre eux jouissent d’un réel accès à la protection sociale. Près des deux tiers des enfants du monde (1,3 milliard d’enfants) ne sont pas couverts, la plupart d’entre eux vivant en Afrique et en Asie.
A en croire les auteurs du rapport, en moyenne, seulement 1,1% du PIB est consacré aux prestations familiales pour les enfants âgés de 0 à 14 ans, soulignant un énorme sous-investissement en faveur des enfants.
L’autre enseignement de ce rapport, c’est que « les transferts en espèces en faveur des enfants se sont amplifiés dans les pays à bas revenu et à revenu intermédiaire au cours des dernières décennies».
Cependant, a poursuivi le rapport, « les niveaux de couverture et de prestation demeurent souvent insuffisants. Plusieurs pays ont même réduit la protection sociale des enfants du fait des politiques d’assainissement budgétaire».
A propos des femmes et des hommes en âge de travailler, le rapport a noté que la couverture de protection sociale dont ils sont censés bénéficier reste limitée, soulignant que seuls 41,1% des mères de nouveau-nés perçoivent une allocation maternité et 83 millions de nouvelles mères ne sont pas couvertes.
Poursuivant dans ce domaine, le rapport a fait observer aussi que «seuls 21,8% des travailleurs au chômage sont couverts par des allocations chômage, tandis que 152 millions de travailleurs sans emploi ne sont toujours pas couverts».
Ce n’est pas tout. L’analyse des nouvelles données de l’OIT a fait ressortir que seuls 27,8% des personnes lourdement handicapées dans le monde touchent une prestation d’invalidité.
Examinant le cas des femmes et hommes âgés, le rapport a également révélé qu’«à l’échelle mondiale, 68% des personnes ayant dépassé l’âge de la retraite touchent une pension de vieillesse, un résultat lié à l’expansion parallèle des pensions contributives et non contributives dans les pays à faible revenu et à revenu intermédiaire».
Poursuivant son analyse, l’OIT a constaté, par ailleurs, que si les dépenses consacrées aux retraites et autres prestations pour les personnes âgées représentent 6,9% du PIB en moyenne avec de fortes variations régionales, «les niveaux de prestation sont souvent faibles et insuffisants pour sortir les personnes âgées de la pauvreté. Cette tendance est souvent alimentée par les mesures d’austérité».
La situation est telle que l’organisation a noté que certains Etats sont en train de revenir sur la privatisation de leur système de retraite parce que les politiques de privatisation n’ont pas porté les résultats escomptés.
C’est le cas notamment de l’Argentine, de la Bolivie, de la Hongrie, du Kazakhstan et de la Pologne qui ont choisi de revenir vers «des systèmes publics basés sur la solidarité».
Pour Guy Ryder, directeur général de l’OIT, la situation ne doit pas laisser indifférente la communauté mondiale dans la mesure où l’absence de protection sociale place ces personnes en situation de vulnérabilité vis-à-vis de la maladie, de la pauvreté, des inégalités et de l’exclusion sociale tout au long de leur vie.
Le patron de l’organisation a estimé que «dénier ce droit humain à 4 milliards de personnes à l’échelle mondiale constitue un obstacle considérable au développement social et économique. Si de nombreux pays ont parcouru un long chemin pour renforcer leur système de protection sociale, des efforts majeurs sont encore nécessaires pour garantir que le droit à la protection sociale devienne une réalité pour tous».
Face à cette situation et dans le but d’assurer au moins un socle de protection sociale minimal pour tous, l’OIT a recommandé un certain nombre de mesures dont l’augmentation des dépenses publiques en matière de protection sociale pour étendre la couverture de la protection sociale, en particulier en Afrique, en Asie et dans les Etats arabes.
Tout en soulignant la contribution de la protection sociale universelle à l’éradication de la pauvreté, à la réduction des inégalités, à la promotion de la croissance économique et de la justice sociale, ainsi qu’à la réalisation des Objectifs de développement durable  (ODD), le rapport a insisté sur «la nécessité d’étendre la protection sociale aux personnes travaillant dans l’économie informelle comme moyen de formaliser leur emploi et d’améliorer leurs conditions de travail», peut-on lire sur le site officiel de l’OIT.
Si des efforts doivent être déployés afin que le droit à la sécurité sociale devienne une réalité, force est de constater que «les politiques d’austérité à court terme continuent de saper les efforts de développement à long terme», a déploré Isabel Ortiz, directrice du département de la protection sociale de l’OIT.
Selon elle, «les ajustements d’assainissement budgétaire ont des impacts sociaux négatifs considérables et compromettent la réalisation des ODD».

Alain Bouithy

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