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Prisme tactique : Regrets éternels, pour une fois qu’elle s’est décidée à jouer en contre, l’équipe nationale a rendu sa meilleure copie.


Chady Chaabi
Mercredi 27 Juin 2018


Lors d’une récupération basse, Da Costa trouve Ziyech grâce à une passe verticale et rapide, éliminant 8 joueurs espagnols. Au même moment, deux Marocains attaquent la profondeur.
Lors d’une récupération basse, Da Costa trouve Ziyech grâce à une passe verticale et rapide, éliminant 8 joueurs espagnols. Au même moment, deux Marocains attaquent la profondeur.
Questionné dimanche en conférence d’avant-match, sur ce qu’il aurait changé s’il avait eu la capacité de remonter le temps, le sélectionneur national a affirmé qu’il aurait certainement refait tout à l’identique. On a un peu du mal à le croire, ou du moins à comprendre sa position, au lendemain du nul obtenu, ou de la victoire volée (c’est selon) face à l’armada espagnole.
Le Onze national a enfin réussi à mettre dans la partie le principal ingrédient qui lui a manqué depuis le début de la compétition, à savoir de la rapidité dans le jeu de transition et les enchaînements vers l’avant. Un composant rendu possible par une humilité retrouvée. Lors de ses deux première sorties, ponctuées par deux défaites, à trop vouloir s’appuyer sur un style tout en possession (dans l’ordre de 64% et 55%), sans en avoir les moyens en termes d’animation offensive et de maîtrise technique, il a buté face à des défenses parquées devant leur portier, sans pouvoir les contourner et un déséquilibre à la perte du ballon. Lundi soir, c’était une tout autre histoire.
Au sein du 4-3-3 déployé par les champions du monde 2010, certains auront reconnu le style espagnol, l’activité d’Isco, les éclairs par bribes d’Iniesta et les déboulés de Jordi Alba. Ceci dit, on a rarement vu une sélection espagnole autant bafouer son football, avec une absence flagrante de sérénité. Alors que la part du hasard est insignifiante dans le football, les difficultés éprouvées par les hommes de Fernando Hierro sont principalement le fruit du plan de jeu adopté par l’équipe nationale. Pour le coup, Hervé Renard a eu le nez fin en décidant de laisser le cuir aux Ibériques, puis de faire usage des contres au moment d’utiliser les 32% du temps où il en a eu la possession. Un choix pertinent, d’autant plus que la gestion de la perte du ballon a, de tout temps, été le talent d’Achille des Espagnols.
Dans l’évolution du jeu, il y a un domaine qui est devenu clé au plus haut niveau : les phases de transition, c’est-à-dire ces moments où une équipe passe en un instant de la position d’attaque à celle de défense, ou inversement. Lundi soir, cette phase a permis à l’équipe nationale de mettre en danger La Roja. Tout d’abord en défense, et grâce à un bloc disposé en 4-1-4-1, oscillant entre position basse et médiane, les Marocains ont cherché avant tout à couper les lignes de passes, tout en allant harceler le premier relanceur, souvent Busquets. Un travail dévolu à Boutaib notamment. Cela a bien fonctionné, sauf lorsque le premier rideau défensif fut transpercé par la passe. Trouvés entre les lignes, Iniesta et Isco ont été de véritables poisons, comme sur l’action du but égalisateur inscrit par ce dernier. Cette réalisation a cristallisé les difficultés défensives marocaines, auxquelles on pourrait aussi additionner, d’une part, une déconcentration sur coup de pied arrêté (3 buts sur les 4 encaissés au Mondial) et d’autre part, la paire Dirar-Boutaib, qui a longtemps eu des difficultés à gérer le half-space (espace entre le défenseur central et le latéral), avant de resserrer les boulons en seconde mi-temps. Mais au-delà de ces deux types d’action, les Espagnols (4 tirs cadrés) n’ont que très rarement pris à défaut l’organisation défensive marocaine.
Offensivement et de par la position haute du onze ibérique, il y avait des espaces à foison dans le dos de leur  défense. Ainsi, il a fallu une simple mésentente entre Ramos et Iniesta, amplifiée par un contrôle raté du génie barcelonais, pour que Boutaib se retrouve dans une situation jamais vécue par les Marocains jusqu’ici, à savoir un face-à-face qu’il conclura, repoussant de fait le premier arrêt dans la compétition du gardien mancunien, De Gea. Un arrêt reporté à quelques minutes plus tard, lors d’un duel quasi-similaire face à l’avant-centre marocain qui s’est fermé l’angle de tir à cause d’un contrôle en plus. A l’origine de cette occasion, une touche, mais pas que. La symbolique a résidé dans le jeu rapide en attaquant la profondeur derrière Piqué et Ramos. Dans la globalité, l’équipe nationale a vraiment eu une tout autre attitude qu’en mode possession. Exit quelques passes latérales stériles, pour une recherche instantanée de la verticalité. Evidemment, les Nationaux n’ont pas tout réussi (84% de passes réussies), n’ont pas trop mis en danger le gardien adverse (3 tirs cadrés), mais ce sont les risques à prendre dans cette configuration.
Certes, l’équipe nationale peut se sentir flouée et certainement rongée par un sentiment d’injustice. Mais d’un autre côté, elle ne peut s’en prendre qu’à elle-même. Alimentée par une stratégie plus en harmonie avec ses capacités, elle aura réussi l’exploit de tenir en échec un des favoris du tournoi. Dans un autre contexte, ce résultat aurait pu valoir une qualification, mais Hervé Renard a mis du temps à suivre une voie plus en cohérence avec ses moyens. A-t-il sous-estimé ses adversaires en optant pour la possession à outrance ? A-t-il surestimé ses joueurs ? Sûrement un peu des deux. Ce qui est certain, ce sont à la fois la capacité du sélectionneur à se remettre en question, ce qui renseigne sur un certain pragmatisme et une envie d’évolution vers le mieux, et les regrets éternels qui l’accompagneront au moment de jeter un dernier coup d’œil à la Russie, sur le tarmac de l’avion.


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