Pierre Pavy, restaurateur et businessman solidaire

Quand on a eu la chance de pouvoir se promener, il faut rendre un peu de ce qu’on a reçu


Vendredi 9 Février 2018

Pierre Pavy, restaurateur et businessman solidaire
 Des émigrés et des réfugiés dans ses cuisines toute l’année, des sans-abri à sa table à Noël: le Français Pierre Pavy mène sa barque de restaurateur, entre Grenoble et Lyon, avec la double casquette d’homme d’affaires et d’homme engagé.
“Y’a trop d’étrangers dans le monde!”: c’est le mantra en forme de boutade de cet hyperactif de 69 ans, qui se décrit volontiers comme un “rejeton du baby-boom et de la baba-coolitude”. Comprenez: “utopiste, révolutionnaire et rock and roll”, mais avec le goût du business.
A la tête de trois restaurants à Grenoble (centre-est), dont celui du musée, d’un autre établissement sur le versant rupin du Grésivaudan, et récent repreneur du restaurant du TNP (Théâtre national populaire) de Villeurbanne, Pierre Pavy, qui a ouvert son premier établissement à 17 ans à Annecy, ne boude pas sa réussite.
“Ce ne sont pas des restos solidaires, je fais quatre millions d’euros de chiffre d’affaires par an, voilà! Ma directrice gère entre 50 et 70 fiches de paie par mois”, déclare sans ambages ce patron, revenu de l’import-export en Chine dans le textile.
Mais de sa jeunesse en vadrouille en Afghanistan, en Inde et en Iran, dans ces années 1970 où “le monde était ouvert”, Pierre Pavy a gardé le goût des autres et une image de la misère. “Quand on a eu la chance de pouvoir se promener, il faut rendre un peu de ce qu’on a reçu.”
Aujourd’hui, plus de 60% de son personnel en cuisine est d’origine étrangère. “Pas des Européens. Des étrangers étrangers. Et certains n’ont pas de papiers, mais ils viennent avec des CV et l’envie de travailler”, affirme le restaurateur.
Pour monter les dossiers de régularisation, “il faut des juristes et des avocats, je les ai autour de moi”, poursuit Pierre Pavy, qui est marié à une médecin-légiste d’origine vietnamienne. Les employés “se sentent soutenus” et “ils m’apportent une gentillesse et un respect qu’on ne connaît plus dans nos relations professionnelles”.
“Je ne suis pas dans l’optique du négrier”, assure ce grand lecteur du journal satirique Charlie Hebdo. Il affirme “très bien” payer ses employés, “au-dessus” des minimas pratiqués dans l’hôtellerie française. “Ici, un plongeur, c’est 1.400 euros net par mois pour 39 heures”. Et il déplore la difficulté à trouver de la main-d’œuvre, avec six postes non pourvus. Le chef de “Ici Grenoble” est équatorien et a commencé au nettoyage de salle. “C’était pour vérifier mon français, ça a duré une semaine et maintenant je suis chef depuis trois ans”, raconte Leonardo Lema, qui reconnaît sa “chance d’être tombé sur M. Pavy”.
Usman, le commis de cuisine pakistanais, vient d’essuyer un refus de titre de séjour, mais ne semble pas très inquiet. “On va bientôt changer les papiers”, dit celui qui a laissé en Italie sa femme, malade, et sa fille.
Comme pour d’autres, M. Pavy s’est porté caution pour son appartement. Et Usman a proposé le “dal chawal”, plat de riz et de lentilles aux épices, pour la carte du restaurant, où il travaille avec un réfugié politique tibétain et un émigré économique ivoirien.
Tous viennent travailler bénévolement le jour où un repas de Noël est offert au “5”, le restaurant du musée de Grenoble, pour les “malheureux”.
Cette tradition depuis 20 ans, qui a fait des émules dans la ville, est “un moment de partage, pas de charité. Pierre est un homme excessif qui a un grand respect des autres, il n’est pas dans l’assistanat”, estime Anna Lavédrine, vice-présidente de l’Association Accueil SDF. Ceux qui viennent se restaurer le jour du repas de Noël sont bien reçus, “traités d’égal à égal”, souligne-t-elle.
Dans son local, elle sert aussi tous les vendredis de l’hiver “la soupe de Pierre”, concoctée dans les cuisines d’”Ici Grenoble”.
Un système de récupération de viande a également été mis en place avec la Banque alimentaire. En 2016, environ 160.000 portions de viande cuisinée ont ainsi été données aux associations. Et depuis peu, un “frigo solidaire” a été installé à l’entrée du “5”, en accès libre.


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