PLF 2018 Impératifs du projet et menu des nouvelles mesures fiscales proposées


Par Liassini Jalaleddine *
Jeudi 2 Novembre 2017

Moment important de la vie politique marocaine, le projet de loi de Finances a été soumis le 18 octobre au Conseil de gouvernement, et le 24 octobre devant les parlementaires des deux Chambres. Le Projet de loi de Finances 2018 s’appuie sur le volet social en attaquant trois variables: éducation, santé et emploi. Cette projection était une réponse au discours Royal lors de la première session de la 2ème année législative de la 10ème législature. Ledit projet de loi de Finances a été axé sur trois piliers  pour répondre aux besoins fondamentaux des citoyens et à leurs droits constitutionnels notamment la santé, l’éducation et l’emploi.
L’encouragement des investissements privés n’a pas été écarté du PLF. Il s’agit d’une part d’un vrai vecteur de création d’emploi vu que l’Etat ne peut pas répondre à toutes les requêtes des demandeurs d’emploi et d’autre part, d’un vrai catalyseur de création de richesse et de croissance du PIB. L’Exécutif a garanti aux entreprises quelle qu’en soit leur taille (TPE, PME ou grande structure), que des incitations fiscales seront adoptées pour les aider à rester dans la course nationale et internationale, à gagner du  terrain pour leurs futurs projets. Le PLF vise également à ancrer le sens de l’entrepreneuriat auprès detous les acteurs et à inciter les entreprises étrangères à s’installer et investir sur le territoire national.
Le projet dans ses grandes lignes prévoit une croissance économique de 3,2%; un taux d’inflation de 1,5% avec le maintien du déficit budgétaire à 3% en 2018. L’Exécutif prévoit pour la Caisse de compensation, une dotation de 13.019 milliards de DH pour le prix du gaz butane, blé tendre, farine et sucre. Le gouvernement injectera un budget de 59,2 milliards de dirhams au profit de l’éducation nationale, avec une croissance de 4,88% par rapport au budget de 2017, outre les 20.000 postes budgétaires via la contractualisation, autres pistes prospectées par le gouvernement.
Un PLF enjolivé par de nouvelles mesures fiscales :
Dans notre seconde analyse détaillée, et dans le respect de la tradition du classement des impôts selon la bible fiscale (CGI Code général des impôts) on mettra en relief les mesures fiscales phares en commençant par l’IS, l’IR, TVA, et les DE (Droits d’enregistrement).
I- Mesures spécifiques à l’IS :
1- Institution d’un barème progressif au lieu d’un barème proportionnel :
Montant du bénéfice net : Taux
inférieur ou égal à 300.000 : 10%
De 300.001 à 1.000.000 : 20%
Plus de 1.000.000 : 31%
2- Amélioration du régime de la transparence fiscale des organismes de placement collectif immobilier : les bénéfices réalisés par les OPCI et distribués comme dividendes à leurs actionnaires seront imposables entre les mains des sociétés qui en bénéficient car ils sont considérés comme des  produits financiers sans aucun abattement fiscal. Une proposition de nivellement des activités bénéficiant du régime de transparence fiscale prévu par le Code général des impôts sur celles autorisées à être exercées par les OPCI.
3-    Mode de régularisation  de l’imposition de plus-values constatées suite aux opérations des fusions ou de scissions : remplacer le régime de la fusion-scission en vigueur qui prévoit la neutralité d’imposition des plus-values constatées sur les éléments d’actifs transférés à la société absorbante ou née de la fusion ou de la scission via : le sursis de leur intégration dans les produits imposables, jusqu’à la cession ou le retrait ultérieur des biens concernés (biens non amortissables et les titres), l’étalement sur la durée d’amortissement, par l’obligation de verser spontanément l’impôt correspondant aux plus-values dont l’imposition a été différée afin de lutter contre les pratiques d’optimisations fiscales auxquelles recourent des entreprises par la réintégration des plus-values dans les résultats des exercices déficitaires.
4- Report du déficit fiscal cumulé par les sociétés absorbantes dans le cadre d’une opération de fusion ou de scission : Dans la déclaration du dernier exercice précédant la fusion ou la scission, les déficits cumulés des sociétés  absorbantes ne sont pas reportables sur les bénéfices des exercices suivants, l’Exécutif propose de leur accorder le report des déficits correspondant aux amortissements régulièrement comptabilisés sur les bénéfices des exercices suivants
II- Mesures spécifiques à l’IR
1- Transfert d’un contrat de retraite complémentaire d’une compagnie d’assurance à une autre: Les dispositions de l’article 28-III-CGI seront modifiés. Cela dit, auparavant l’article stipulait que le contribuable pouvait déduire le montant des cotisations ou primes se rapportant aux contrats d’assurance-retraite dans la limite de 10% de son revenu global imposable ou 50% de son salaire net imposable, tout en tenant à quelques conditions concernant la durée et l’âge du souscripteur, dorénavant une proposition visant la souplesse du plan-épargne-retraite permettra au souscripteur de continuer de bénéficier de la déduction en cas de transfert de cotisation ou primes d’un contrat de retraite complémentaire d’une compagnie d’assurance vers une autre, à condition que ledit transfert porte sur la totalité des montants des primes ou cotisations versés au titre du contrat initialement souscrit.
2- Exonération des indemnités pour dommages et intérêts accordées en cas de licenciement : Instantanément les indemnités pour dommages et intérêts accordées en cas de licenciement par les tribunaux sont exonérées de l’IR dans la limite  de 36 mois fixée par le législateur du Code du travail mais les dispositions ne prévoient pas le traitement fiscal à appliquer à certaines indemnités pour dommages et intérêts accordées par une sentence arbitrale rendue exécutoire par le tribunal après et par conséquent il faut souligner que cette exonération est accordée en matière d’IR pour les indemnités qui résultent d’une procédure judiciaire ou arbitrale.
3- Dispositif Tahfiz plus smart : Les dispositions de l’article 57-20 du CGI prévoient l’exonération de l’IR au titre de salaire mensuel brut plafonné à 10000 DH la durée à condition qu’elle remonte à 24 mois à compter de la date d’embauche et la limite de 5 salariés pour renforcer le caractère incitatif. Maintenant, l’entreprise bénéficiera des avantages prévus en termes d’exonération de l’IR si le recrutement s’effectue dans une période de 2 ans à compter de la date du début de son exploitation et non pas de la création. Cette exonération bénéficierait en termes d’effectif à 10 salariés contre 5 actuellement. Le délai d’application pour les entreprises créées au 1er janvier 2018 sera prorogé jusqu’au  31 décembre 2022.
4- Exonération de l’IR sur profit foncier au titre d’une donation effectuée dans le cadre de la «Kafala» : Dans le cadre de la loi n° 15-01 qui permet aux personnes «kafils» de prendre en charge des enfants abandonnés, il est suggéré d’exonérer les cessions d’immeubles à titre gratuit dans ce cadre, de l’IR afférent au profit foncier en présentant l’ordonnance du juge des tutelles.
5- Héritage et prix d’acquisition de biens immeubles : Il a été constaté que la plus-value latente antérieure à la date d’héritage se trouve taxée entre les mains des héritiers; pour une équité fiscale, il faut prévoir que le prix d’acquisition à considérer en cas de cession d’immeubles acquis par héritage soit : la valeur vénale, au jour du décès de cujus, des immeubles inscrits sur l’inventaire dressé par les héritiers ; à défaut, c’est la valeur vénale des immeubles au jour du décès de cujus, qui est déclarée par le contribuable.
6- Cession de terrains urbains non bâtis: Suppression de la multitude des taux et la conservation d’un taux unique de 20% une modification des dispositions de la loi de Finances de 2013 qui avait institué trois taux en matière d’IR applicables aux cessions de terrain urbains non bâtis en fonction de la durée. Ces mesures ont été faites pour pallier  l’optimisation fiscale agressive.
7- Recouvrement auprès du  RAF receveur de l’administration fiscale de l’IR afférent à certaines catégories de revenus :
Il a été proposé d’étendre le recouvrement (par voie de paiement spontané de l’IR auprès du RAF au lieu du percepteur relevant de la TGR aux catégories de revenus et profits suivants : Retenues à la source au titre des revenus salariaux et assimilés, des revenus des capitaux mobiliers et des produits bruts perçus par des personnes physiques non résidentes et de l’IR dû par les contribuables tenus de souscrire la déclaration de leur revenu global (revenu foncier, revenu et profits de sources étrangères) à l’exclusion des revenus professionnels déterminés selon le régime du bénéfice forfaitaire.
8- Elargissement de la neutralité fiscale aux opérations d’apports de biens immeubles du patrimoine privé d’un contribuable au stock d’une société.
9- Dématérialisation de la déclaration et du versement de l’IR afférent à certains revenus et profits soumis à l’IR.
III-    Mesures spécifiques à la TVA
1- TVA non apparente sur les dérivés laitiers : Le droit à la récupération de la TVA non apparente sur les achats de lait d’origine locale non transformé servant à la production des dérivés laitiers taxables.
2- Atténuation du crédit de la TVA par le relèvement des taux applicables à certains produits et prestations : Pour limiter les situations de crédits de TVA générées par la différenciation des taux, il est proposé d’homogénéiser les taux pour n’en garder que deux grands taux 20% et 14% pour cela : les prestations de services réalisées par les courtiers d’assurance dont le taux était de 14% sans droit à déduction se verront appliquer le taux de 20% ; le carburant qui était imposé à 10% sera imposable à 14%.
3- Prévoir le remboursement du crédit de taxe en faveur des entreprises de dessalement d’eau de mer dans le cadre de la délégation du projet mutualisé entre le MAPM (ministère de l’Agriculture et de la Pêche maritime) et l’ONEE (Office national d’eau et d’électricité)  sous forme de PPP.
4- Exonération de la TVA des intrants du secteur aquacole : Il est proposé d’exonérer de la TVA à l’intérieur et à l’importation certains intrants destinés exclusivement à l’aquaculture tels les aliments destinés à l’alimentation des poissons et des autres animaux de l’aquaculture ; les alevins de poissons et les larves des autres animaux de l’aquaculture ; les naissains de coquillage.
5- Harmonisation des exonérations à l’importation avec celles prévues dans le Code des douanes : Insérer au CGI les 5 exonérations à l’importation suivantes :             
a) Les envois exceptionnels dépourvus de tout caractère commercial ; b) les marchandises et produits reçus à titre de dons destinés à être distribués à titre gratuit à des nécessiteux ou à des sinistrés ; c) les matériels destinés à rendre des services humanitaires gratuits par certaines œuvres de bienfaisance ; d) les biens et équipements de sport, destinés à être livrés à titre de dons aux Fédérations sportives, à la Fédération national du sport scolaire ou à la Fédération nationale des sports universitaires; e) les envois destinés aux ambassadeurs; aux services diplomatiques et consulaires et aux membres étrangers d’organismes internationaux officiels siégeant au Maroc.
6- Exonération de la Fondation Mohammed V pour la solidarité : Accorder l’exonération en matière de TVA à l’intérieur et à l’importation aux biens, matériels, marchandises et services au profit de la Fondation Mohammed V pour la solidarité.
IV- Mesures spécifiques aux droits d’enregistrement:
- Exonération en matière de droits d’enregistrement : les actes constatant les opérations de constitution et d’augmentation de capital des sociétés ou des groupements d’intérêt économiques réalisées par apport en numéraire à titre pur et simple ou des créances en compte courant d’associés ou par incorporation des bénéfices et réserves au lieu des anciens taux et droits fixes qui étaient :
- Droit fixe de 1000 DH lorsque le capital social souscrit ne dépasse pas 500.000 dirhams et droit proportionnel de 1% lorsque ce seuil est dépassé. Ce même taux est applicable aux augmentations de capital par incorporation de réserves ou de plus-values résultant de la réévaluation de l’actif social.
- Imposition au taux réduit des actes de cession à titre gratuit réalisés par le kafil au bénéfice de l’enfant pris en charge.
- Enregistrement des actes portant mutation de biens immeubles et de fonds de commerce non-inscrits sur les rôles de la taxe d’habitation et de la taxe professionnelle (il est proposé d’insérer parmi les obligations des notaires et des adoul, l’obligation de mentionner sur les actes rédigés par leurs soins l’article de l’inscription sur les rôles de la taxe d’habitation ou de la taxe professionnelle, des biens objet de mutation ou de cession.
- Incitations fiscales en faveur des actes réalisés dans le cadre de la vente en l’état futur d’achèvement «VEFA»
- Exonération des actes d’acquisition des terrains nus destinés à la construction des établissements hôteliers : au lieu du taux de droit commun de 5%, cette exonération est conditionnée par l’engagement par l’acquéreur de réaliser les opérations de construction dans un délai maximal de cinq ans à compter de la date d’acquisition, l’inscription d’une hypothèque de premier rang au profit de l’Etat sur ledit terrain ; la conservation du terrain et des constructions réalisées à l’actif de l’entreprise bénéficiaire pendant au moins 10 ans à compter de la date d’exploitation.
- Dématérialisation de la formalité de l’enregistrement au bénéfice des «Adoul» à partir du 1er janvier 2019.      
- Exonération des cessions d’actions  ou de parts sociales : il est proposé d’exonérer les cessions à titre onéreux ou gratuit, d’actions ou de parts sociales desdites sociétés autres que les sociétés immobilières transparentes et les sociétés à prépondérance immobilière dont les actions ne sont pas cotées ou groupements des droits d’enregistrement au lieu du taux proportionnel de 4% .

 * Cadre supérieur au MEF(DGI),
Analyste économique et Financier,
Lauréat de l’ENCG Casablanca.

 


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