Obama : quelques politiques à enterrer


PAR Ted Carpenter
Mardi 3 Février 2009

Obama : quelques politiques à enterrer
Lord Salisbury, qui servait comme ministre des Affaires étrangères britannique à la fin des années 1800, faisait observer que «l'erreur la plus commune en politique, c'est de s’accrocher à la carcasse de politiques obsolètes». Au moment où Barack Obama fait son entrée à la Maison Blanche, plusieurs politiques américaines doivent être réévaluées et le cas échéant remises en cause. Dans le papier que nous vous proposons, Ted Carpenter, analyste de politique extérieure au Cato Institute, nous permet de comprendre pourquoi trois politiques en particulier doivent être enterrées au cours du premier mois d'exercice du nouveau président Obama.
Lord Salisbury, qui servait comme ministre des Affaires étrangères britannique à la fin des années 1800, faisait observer que « l'erreur la plus commune en politique, c'est de s’accrocher à la carcasse de politiques obsolètes ». Au moment où Barack Obama fait son entrée à la Maison Blanche, plusieurs politiques américaines vénérables sont sur la voie du déclin. Trois politiques en particulier doivent être enterrées au cours du premier mois d'exercice du nouveau président.
La première est la tentative, sur le point d'entrer dans sa sixième décennie, d'isoler Cuba. Quelle que soit la raison de cette politique pendant la guerre froide, alors que les dirigeants des États-Unis considéraient le régime de Fidel Castro comme un larbin soviétique dangereux, la justification est devenue moins convaincante une fois l'Union soviétique effondrée. De plus, même pendant la guerre froide, la tentative d'isoler Cuba ne fonctionnait véritablement pas. D’ailleurs, une grande partie de la communauté internationale, y compris le Canada et beaucoup d'autres alliés proches des Etats-Unis, a poursuivi des relations diplomatiques et économiques avec la Havane. L'embargo économique des États-Unis a lésé le peuple cubain puisque la perte du marché américain a rendu le pays, déjà appauvri par les idioties de l'économie marxiste, encore plus pauvre.
De plus, il a offert au régime communiste le bouc-émissaire parfait pour endosser les échecs économiques chroniques du gouvernement, réduisant ainsi au silence toute opposition intérieure potentielle.
Après un demi-siècle d'échec politique, il est temps d'essayer une autre tactique. D’autant plus qu’une grande partie de la politique cubaine de Washington a été le produit de calculs politiques internes, en particulier la nécessité perçue d'apaiser la communauté cubano-américaine, farouchement anti-communiste, en Floride et dans quelques autres Etats dont les votes sont cruciaux pour les élections présidentielles aux États-Unis.
Mais les temps ont changé et il doit en aller de même de la politique américaine envers Cuba. Aux États-Unis, une grande partie de la communauté cubano-américaine, particulièrement les jeunes, est désormais favorable à l'ouverture sur l’Île plutôt que son isolation. Mais, plus important encore, Cuba n'est plus un « pion » sur l’échiquier géopolitique qui peut être exploité par une superpuissance rivale des États-Unis. L'administration Obama devrait ainsi entamer des négociations avec La Havane pour rétablir les relations diplomatiques, et Obama lui-même devrait pousser le Congrès à tempérer, voire abolir le système de sanctions économiques.
La deuxième politique, consistant en la tentative de Washington depuis 30 ans de faire de l'Iran un paria, est tout aussi erronée. Si le régime islamique de Téhéran est considéré comme parmi les plus répressifs du monde et est réputé être un Etat sponsorisant des mouvements terroristes, il n’en demeure pas moins que comme dans le cas de la politique américaine envers Cuba, la tentative de l'isoler a largement échoué. Ainsi, en dépit des sanctions économiques imposées par le Conseil de sécurité, les principaux pays, y compris des alliés proéminents des Etats-Unis comme la France et l'Allemagne, ont maintenu des investissements importants et des liens commerciaux avec l'Iran.
Que les décideurs américains le veuillent ou non, Téhéran est une grande puissance au Moyen-Orient, et elle jouera un rôle important dans plusieurs domaines. En tant que voisin de l'Irak, l'Iran va avoir une grande influence dans ce pays, en particulier parmi ses coreligionnaires chiites qui représentent 60% de la population irakienne et contrôlent le gouvernement de Bagdad. Il y aura peu de stabilité en Irak après le retrait des forces américaines sans la coopération de Téhéran. De même, les perspectives de stabilité au Liban ou la progression dans la résolution du conflit israélo-palestinien, exigent une posture constructive de la part de l'Iran. Même la mission des États-Unis en Afghanistan pourrait devenir encore plus précaire qu’elle ne l’est aujourd’hui si l'Iran décide de taire ses vieilles inimitiés envers les militants sunnites d'Al-Qaïda et les Taliban. L'administration Obama devrait déployer ses efforts afin de normaliser ses relations avec l'Iran. Cela signifie une volonté de négocier sans conditions préalables sur un large éventail de questions, non seulement le programme nucléaire, mais aussi la position globale de l'Iran en Irak et ses politiques au Moyen-Orient.
La dernière «carcasse» est la guerre de l’Amérique contre la drogue dans ses deux volets national et international. La prohibition des drogues est une autre politique de longue date qui a produit peu de résultats positifs. Malgré la dépense de plusieurs centaines de milliards de dollars et la création d'une grande bureaucratie de guerre contre la drogue au niveau fédéral, étatique et local, les taux de consommation de drogues illicites sont désormais plus élevés qu’à l’époque où Nixon a lancé sa croisade. En attendant, plus de 60% des détenus dans les prisons fédérales et environ un tiers des détenus dans les prisons d'Etat le sont pour des délits de drogue. L'énorme profit sur le marché noir résultant de l'interdiction a conduit à de violents combats de territoire entre les gangs rivaux de la drogue dans de nombreuses villes américaines.
Le volet international de la guerre contre la drogue a produit des résultats tout aussi pervers. Washington a à la fois payé et pressé les gouvernements des nations productrices de drogue - en particulier la Colombie et les autres pays des Andes, le Mexique et l'Afghanistan - pour qu’ils mènent la guerre contre le trafic de drogue. Désormais, l’effort de Washington visant à enrayer l'offre entre dans sa quatrième décennie d'échec. Par exemple, en dépit de la dépense de plus de 5 milliards de dollars durant huit ans sur le Plan Colombie, un récent rapport du GAO a confirmé que la quantité de cocaïne produite, principale exportation de la région, a en fait augmenté. Cela est valable également pour toute une variété de drogues provenant du Mexique.
Il est difficile de se débarrasser de la lourde carcasse des politiques obsolètes. Mais l'une des vertus d'une élection présidentielle et le début d'une nouvelle administration, c'est qu'elle crée la possibilité pour de nouvelles idées. Au lieu d'être accablés par des politiques qui ont échoué pendant des décennies et ne présentent pas de perspectives réalistes de succès dans l'avenir, le président Obama devrait mener leurs funérailles reportées depuis longtemps.

Ted Carpenter est analyste de politique extérieure au Cato Institute à Washington DC.
Publié en collaboration avec UnMondeLibre.org.


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