-
Faux mariage à 102 ans pour prouver qu 'il est vivant
-
De la joie à l'ouverture du premier cinéma pour personnes autistes au Venezuela
-
Au Pakistan sous les inondations, personne ne sait plus où est son village
-
Des fleurs pour l'anniversaire de Janus la plus vieille tortue à deux têtes
-
Les inondations au Pakistan emportent dots et projets de mariage
Sénégal/Maroc: Caravane médicale multidisciplinaire au profit des couches défavorisées avec la participation d'une Ong marocaine
Les nouveaux maîtres de la Syrie cherchent à rassurer la communauté internationale
HRW appelle les nouvelles autorités à placer les droits humains au cœur de la Syrie post-Assad
Près de Damas, le bastion des groupes pro-iraniens aux mains des rebelles
Nouvelles appréciées de la littérature arabeMohamed Berrada : La tête tranchée (1)Vendredi 8 Août 2014
Autres articles
Mohamed Berrada est l'un des plus grands écrivains contemporains du Maroc. Il est né à Rabat en 1938. Après avoir obtenu sa licence en littérature arabe à l'Université du Caire, il exerça le métier d'enseignant à la Faculté des lettres de Rabat, puis à celle de Fès, tout en assurant la présidence de l’Union des écrivains du Maroc pendant plusieurs années. Il a publié de nombreuses œuvres, notamment «Mohamed Mandour et la théorie de la critique arabe» (essai), «L'équarrissage», (recueil de nouvelles), « Le jeu de l'oubli » et «La lumière filante » (romans), sans oublier ses nombreuses traductions dont «Le degré zéro de l'écriture» de Roland Barthes et «Le discours narratif» de Bakhtine.Parmi ses meilleures nouvelles, «La tête coupée», parue dans le supplément culturel du journal Al Moharrir, au cours des années 70, et son recueil «L'équarrissage». Mon sang coula sur le trottoir. La tête se sépara du corps comme coupée par un sabre tranchant. Voir mon cadavre étendu à même la bitume au risque d'être écrasé par un véhicule ou un chariot me faisait mal au cœur. J'essayais d'ordonner à mes mains de le déplacer. Je me rendis compte cependant qu'elles n'obéissaient plus à mes instructions. Le sang jaillissait de mes veines et de mes artères semblable à l'eau d'une fontaine qui se déchaînait et ce qui n’était tout à l’heure qu’une tache de sang, s’élargissait, tendant à former dorénavant une mare rouge en projet. Indifférents à mon sang répandu, les passants poursuivaient leur chemin sans se retourner, tenant surtout à ne pas être éclaboussés, un vieillard marcha dans la mare, ses babouches furent entachées de sang. Je l'entendis murmurer :"Il n'y a de force et de puissance qu'en Dieu ! Moi non plus, je n'aperçus pas mon assassin. Cependant, un bonheur sourd m'anima aussitôt ; car ma tête, toute tranchée qu’elle était se sentait capable de se mouvoir, de commander la langue. Mes yeux, dans leurs orbites, tournaient à une vitesse folle. Comment me comporter? Que puis-je faire de cette tête coupée avant que les curieux ne se rendent compte de ce phénomène étrange, et qu'ils ne joignent la tête au cadavre au fond d'un creux? Je fermai les yeux et me concentrai sur un seul point, sur le restant de mon être, profitant d’un ouvrage déjà lu : "Comment exercer le yoga"; puis je murmurai: "Puisse Dieu m'accorder des ailes qui me transportent loin... loin... pour vivre ne serait-ce qu'une seule journée". Avant que je ne prononce le dernier mot, ma tête se mit à s'élever, puis à voguer sans ailes, dans le vide. Je criai aussitôt : "Que le Sud soit ma direction". D’en haut, Rabat me parut alors tel un trou infesté, un renard galeux, une épée rouillée, une ruche sans abeilles, un thon que la mer mâchait, un roc plus dénudé qu'une tête chauve! J'avais respiré à deux reprises. Les rayons solaires qui me piquaient aux joues m'extasiaient. J’aperçus une volée d'oiseaux qui sursautèrent, épouvantés de voir une tête humaine mutilée rivalisant avec eux dans leur propre fief. La mer s'éloignait tandis que je naviguai dans l'air, à une vitesse étrange, en promenant le regard. Ainsi vis-je d'un seul coup l'espace qui s'offrait à mon regard, plat et étendu sans détour, ni secret. Derrière les circonvolutions du cerveau, une voix m'interpellait. Ô toi dont la tête est coupée, que ferais-tu au bout de ton voyage? Je continuais à planer tant que mes narines restaient ouvertes, capables d'aspirer une grande quantité d’air qui s'échappait par les veines du cou à une grande vitesse. Je commençai à saisir le secret de cette fascination qu'avait Abbas Ibnou Fernass pour le vol. Nous avons besoin de survoler la terre pour que notre désir de ce quotidien banal se multiplie. Celui-ci récupère sa poésie à condition qu'on le vive avec une confiance infinie en soi. Je ne regrette pas la perte de mon corps tant que je suis en mesure de voler, de voir, et de parler. Croyez-moi, le cerveau s'éclaircit et l'intelligence devient de plus en plus transparente. La conscience s'élargit jusqu'aux limites de la folie. Ces capacités déchaînées ont besoin d'être expérimentées. (A suivre)
Lu 859 fois
Nouveau commentaire :
Dans la même rubrique :
Dossiers du weekend | Actualité | Spécial élections | Les cancres de la campagne | Libé + Eté | Spécial Eté | Rétrospective 2010 | Monde | Société | Régions | Horizons | Economie | Culture | Sport | Ecume du jour | Entretien | Archives | Vidéo | Expresso | En toute Libé | USFP | People | Editorial | Post Scriptum | Billet | Rebonds | Vu d'ici | Scalpel | Chronique littéraire | Chronique | Portrait | Au jour le jour | Edito | Sur le vif | RETROSPECTIVE 2020 | RETROSPECTIVE ECO 2020 | RETROSPECTIVE USFP 2020 | RETROSPECTIVE SPORT 2020 | RETROSPECTIVE CULTURE 2020 | RETROSPECTIVE SOCIETE 2020 | RETROSPECTIVE MONDE 2020 | Videos USFP | Economie_Zoom | Economie_Automobile | TVLibe |
|
||||
|