Nouvelles alliances et visions du monde à venir


alem AlKetbi
Vendredi 2 Octobre 2020

Au cours des derniers mois, des analystes, des experts et des spécialistes ont exploré les conditions de l’après-Covid-19 dans le monde. Les opinions et les analyses ont varié sur les structures et les modèles de leadership dans le système mondial qui ont pris forme après la crise. La réalité nous dit que nous sommes loin de dire que le monde a tourné la page de la tourmente du coronavirus

Par conséquent, ses implications pour les relations internationales sont encore en cours de formation. Mais les réunions de l’Assemblée générale des Nations unies sont l’occasion de dévoiler des perceptions reflétées dans les mots et les discours des chefs d’Etat. La Chine reste prudente lorsqu’il s’agit de parler de la question du leadership mondial. Mais elle s’attache également à présenter sa vision stratégique, notamment en ce qui concerne les questions économiques. Dans son discours, le président chinois Xi Jinping a souligné que le monde devait dire non à l’«unilatéralisme» et au «protectionnisme». L’OMC, a-t-il ajouté, restera la pierre angulaire du commerce mondial

Pour Beijing, la mondialisation doit être maintenue au moins dans son aspect économique. La Chine semble également être un ardent défenseur de sa position face aux accusations du président américain Donald Trump de propager le virus. Son envoyé onusien Zhang Jun a accusé les Etats-Unis de propager un «virus politique» devant l’Assemblée générale des Nations unies. «Le bruit américain est incompatible avec l’atmosphère générale de l’Assemblée générale». Trump, dit-il, «abuse de la plateforme de l’ONU pour provoquer la confrontation et créer la division». La Chine a «fourni une assistance active à de nombreux pays, dont les Etats-Unis» pour aider à «sauver des vies». Mais «la situation aux EtatsUnis reste inchangée» en raison de «l’échec total» à sauver des vies dans un pays «doté des technologies et du système médical les plus avancés au monde». Le délégué chinois a conclu sa déclaration par un conseil aux élites politiques américaines : «Pour être grand, il faut se comporter comme un leader»

Ce n’était pas là le seul débat sur les répercussions de l’après-coronavirus. Le président français Emmanuel Macron est entré en collision avec l’allié américain, diplomatiquement mais avec une attitude diamétralement opposée, lorsqu’il a déclaré aux Nations unies que la France, l’Allemagne et la Grande-Bretagne «ne transigeront pas» quant à leur refus de soutenir le rétablissement des sanctions onusiennes contre l’Iran après que les Etats-Unis ont pris l’initiative de le faire

Le président français a dit que «le monde tel qu’il est aujourd’hui ne peut pas se résumer à la rivalité entre la Chine et les Etats-Unis», appelant le collectif mondial à «construire des alliances nouvelles». «Nous ne sommes pas collectivement condamnés à un pas de deux qui, en quelque sorte, nous réduirait à n’être que les spectateurs désolés d’une impuissance collective». «L’effondrement de nos cadres de coopération [...] impose à l’Europe de prendre toute sa part de responsabilité», dit-il. Les propos et les visions peuvent sembler un peu répétitifs, du moins pour les spécialistes et les chercheurs. Peut-être ces discours sont-ils porteurs de rêves et d’aspirations d’un courant politique mondial rêvant de multipolarité ou d’un monde sans hégémonie unipolaire ni conflits bipolaires.

Mais à lire entre les lignes, ce n’est que la pointe d’un iceberg qui se forme encore dans le monde postcoronavirus. Et ce, surtout au niveau des liens entre les États-Unis et l’Europe. Cette dernière souffre de profondes fissures dues à des visions et des intérêts stratégiques divergents. Il est donc difficile d’affirmer que l’OTAN est capable de résister et de rassembler des partenaires autour d’un même objectif ou même de parvenir à un consensus. Au contraire, il est devenu difficile de parler des défis et des similitudes entre les membres de l’alliance. Des divergences marquées entre certains de ses membres vont dans le sens d’une éventuelle confrontation militaire, comme c’est le cas pour la Turquie, la France et la Grèce. De plus, les Etats-Unis se sont progressivement désengagés des obligations et des responsabilités incombant aux membres de l’OTAN.

Les nouvelles alliances auxquelles le président Macron fait référence ne sont certainement pas des alliances militaires. Il s’agit plutôt d’alliances d’intérêts découlant des préoccupations des sociétés européennes qui ont reçu l’aide de la Chine au plus fort de la crise du coronavirus, alors que l’allié américain était carrément absent de la scène du soutien et de l’assistance. La raison n’est pas seulement l’ampleur et les effets de la pandémie chez les Américains. Il s’agit aussi de l’unilatéralisme qui domine actuellement la diplomatie américaine. Toutes ces visions et perceptions stratégiques continuent d’interagir et de prendre forme en fonction des circonstances et des changements. Cela dépend également des résultats de l’élection présidentielle américaine de novembre prochain. La victoire du président Donald Trump pour un second mandat présidentiel alimentera cette tendance. En revanche, la victoire des démocrates pourrait conduire à des révisions de toutes les attentes des alliés et concurrents des Etats-Unis, en fonction des changements qui interviendront inévitablement dans l’approche diplomatique américaine si le candidat du parti bleu arrive à la Maison Blanche.

Par Salem AlKetbi
Politologue émirati et ancien candidat au Conseil national fédéral


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