Nouveau modèle de développement au Maroc


Pourquoi le choix de la dualité démocratique représentative/participative ?

Par Mohamed Anwar El Hazziti
Dimanche 29 Décembre 2019

I l est devenu très évident aujourd’hui de constater une baisse du niveau de satisfaction et de confiance à l'égard des institutions et des mécanismes traditionnels relatifs à la démocratie représentative. Ce constat est fortement présent parce que beaucoup de citoyennes et de citoyens, surtout les jeunes, se sentent à l’écart des institutions délibératives, des élus et des politiciens en général, ce qui pousse actuellement tous les acteurs sociétaux (autorités, élus, partis politiques, ONG, etc.) à chercher des mécanismes et des moyens pour donner aux populations la possibilité de participer directement à la prise de décisions politiques en complétant les formes existantes de la démocratie représentative. Les pratiques des démocraties participative et délibérative ont montré dans plusieurs cas que des formes plus directes d'implication des citoyens ont un certain nombre d'effets positifs sur la vie démocratique. Il faudra dire que, la participation citoyenne dans les processus de prise de décisions politiques et de fabrique des politiques publiques incite fortement l'engagement citoyen avec un sentiment d'appartenance à la communauté favorisant, ainsi le sentiment de citoyenneté, de responsabilité et de volonté d'être actif dans la vie publique. Pour le Maroc, le principe de la démocratie participative constitue l’un des héritages traditionnels les plus anciens dans la société marocaine en termes de vie communautaire. Ainsi, avant le protectorat, la société marocaine connaissait un développement de formes communautaires relativement homogènes dans les villes et les campagnes et qui géraient les relations sociales et économiques en temps de paix et de guerre. Les communautés étaient organisées en se référant, soit au droit musulman (choura et zaouïa) soit au droit coutumier (jmaâa ou amghar), et ce pour prendre les décisions de gestion des activités agricoles (irrigation et stockage des denrées alimentaires par exemple) ainsi que la construction des mosquées et l’éducation religieuse. Il faut savoir que ce type de groupement continue d’exister encore au Maroc. Grâce à cet héritage culturel marocain, ainsi qu’aux innovations participatives des dernières décennies, le débat sur la démocratie participative a acquis une nouvelle force. Bien que la démocratie participative ne soit pas un concept nouveau, les développements politiques récents, notamment à partir de la réforme constitutionnelle de 2011, semblent suggérer que l'établissement d’une démocratie plus participative est possible. La loi suprême a instauré en 2011 pour la première fois le concept de la démocratie participative d’une manière plus explicite. Le préambule de la Constitution de 2011 stipule : ‘‘Fidèle à son choix irréversible de construire un Etat de droit démocratique, le Royaume du Maroc poursuit résolument le processus de consolidation et de renforcement des institutions d’un Etat moderne, ayant pour fondements les principes de participation, de pluralisme et de bonne gouvernance’’. Aussi l’article premier encore que : « … le régime constitutionnel du Royaume et fondé sur la séparation, l’équilibre et la collaboration des pouvoirs, ainsi que sur la démocratie citoyenne et participative et les principes de bonne gouvernance… ». L'article 12 prévoit que "les associations intéressées à la chose publique et les organisations non gouvernementales, contribuent, dans le cadre de la démocratie participative, à l'élaboration, la mise en œuvre et l'évaluation des décisions et des projets des institutions élues et des pouvoirs publics. Ces institutions et pouvoirs doivent organiser cette contribution conformément aux conditions et modalités fixées par la loi." Dans le même sens, l'article 13 stipule que "les pouvoirs publics œuvrent à la création d'instances de concertation, en vue d'associer les différents acteurs sociaux à l'élaboration, la mise en œuvre, l'exécution et l'évaluation des politiques publiques". Egalement, les dispositions de la démocratie participative se renforcent par les articles 14, 136 et 139. De ce fait, l’article 14 prévoit que "les citoyennes et les citoyens disposent, dans les conditions et selon les modalités fixées par une loi organique, du droit de présenter des motions en matière législative". Concernant les niveaux territoriaux, l'article 136 stipule que « l’organisation territoriale …, assure la participation des populations concernées à la gestion de leurs affaires et favorise leur contribution au développement humain intégré et durable ». De même, l’article 139 prévoit que "des mécanismes participatifs de dialogue et de concertation sont mis en place par les conseils régionaux et les conseils des autres collectivités territoriales pour favoriser l'implication des citoyennes et des citoyens, et des associations dans l'élaboration et le suivi des programmes de développement" et "les citoyennes et les citoyens et les associations peuvent exercer le droit de pétition en vue de demander l'inscription à l'ordre du jour du Conseil d'une question relevant de sa compétence".
En outre, la nouvelle Constitution institue plusieurs modes de participation des citoyens, notamment à travers divers conseils consultatifs (le Conseil économique, social et environnemental, le Conseil de la communauté marocaine à l’étranger, le Conseil supérieur de l’éducation, de la formation et de la recherche scientifique, le Conseil consultatif de la famille et de l’enfance, le Conseil consultatif de la jeunesse et de l’action associative….) , ainsi que le droit de présenter des motions (loi organique n°64-14) et des pétitions (loi organique 44-14). En outre, la démocratie participative fait référence à un régime politique démocratique, dans lequel les citoyens participent directement à la prise de décision publique, alors que dans une démocratie purement représentative, la prise de décision est la prérogative exclusive des élus. Le Maroc a choisi l’introduction de mécanismes participatifs, lieux où les citoyens participent directement à la prise de décision publique pour s'éloigner de l'extrême représentatif vers le participatif. Le choix de cette approche marocaine a été bien pensé compte tenu de la perte de confiance populaire vis-à-vis des outputs de la démocratie représentative. Ainsi, l’introduction des dispositifs de la démocratie participative dans le système juridique a été conduite par une logique qui stipule que l'approfondissement de la démocratie consiste à intensifier la souveraineté populaire dans la sphère politique, et ce en transformant les formes hiérarchiques de contrôle élitiste ou bureaucratique en formes de décisions populaires par le biais d'une participation plus directe au processus décisionnel ou de mécanismes plus efficaces pour tenir les élus et les fonctionnaires responsables devant leurs électeurs. Donc, le choix du Maroc de mettre en place des mécanismes participatifs apparaît comme une solution bien étudiée dans des contextes caractérisés par l'exclusion, l'inégalité socioéconomique et où les institutions démocratiques traditionnelles ne parviennent pas à traduire efficacement les choix populaires dans la prise de décision publique. En attendant les impacts des mécanismes de la démocratie participative sur les comportements sociaux vis-à-vis de la participation dans la gestion de la chose publique, ainsi que l’accroissement de la confiance des citoyennes et citoyens en ce qui concerne les institutions publiques et politiques, il y a lieu de signaler que la participation des citoyennes et citoyens à la prise de décision a eu dans plusieurs cas des effets positifs sur la qualité et la légitimité des décisions. Ceux qui pratiquent les mécanismes de la démocratie participative (associatifs, politiciens et autres) estiment que la participation a plusieurs effets importants sur les comportements citoyens. Le premier concerne le comportement éducatif, car les citoyennes et les citoyens améliorent leurs compétences civiques et deviennent plus compétents lorsqu'ils participent à la prise de décisions publiques En conséquence, les citoyennes et les citoyens se sentent plus confiants dans leur capacité à affecter les décisions publiques. D’autre part, la démocratie participative a une fonction inclusive. De la sorte, la participation concourt au développement des qualités civiques, ainsi qu'à l’augmentation du sentiment d'être des citoyens plus responsables. En conclusion, le choix du Maroc pour la dualité « démocratie représentative/ participative », ainsi que la mise en œuvre institutionnelle, législative et réglementaire, montre la complexité du virage participatif et le long chemin pour sa réussite sur le terrain. Il est vrai que la démocratie participative comme projet politique a pour finalité plusieurs objectifs, notamment la restauration de la confiance des citoyennes et des citoyens, l’ouverture de processus décisionnels publics, l’accès à l’information, le renforcement du changement social etc. Mais la transformation globale en relation avec la démocratie participative reste progressive, car jusqu’à présent, la démocratie participative au Maroc a produit des changements à petite échelle qui ne sont pas très spectaculaires, ce qui nécessite plus de temps pour évaluer les impacts sur les comportements populaires. Le tournant participatif comprend désormais en fait plusieurs projets de démocratie participative qui ont des effets différents sur le système global selon les principes qu'ils défendent. Enfin, le grand défi de la démocratie participative au Maroc restera la mise en place de mécanismes efficaces de la participation citoyenne dans les processus de fabrique des politiques publiques. En effet, malgré les dispositions constitutionnelles relatives au devoir des pouvoirs publics de créer et de mettre en œuvre des mécanismes de participation effective des ONG et de la population dans le cycle de la politique publique, il est rare de voir un secteur public qui a pu mettre un instrument pour que la population donne son avis sur l’élaboration, la mise en œuvre, le suivi et l’évaluation de ladite politique sectorielle.


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