Mieux que les voisins sauf que ce n’est pas une référence

Être préparé pour faire face aux épidémies c’est tout un chantier qu’il va falloir creuser encore et encore


Mehdi Ouassat
Vendredi 10 Décembre 2021

Mieux que les voisins sauf que ce n’est pas une référence
Le Maroc fait partie des pays les moins préparés pour faire face aux épidémies. C’est ce qui ressort du rapport de l'Indice de sécurité sanitaire mondiale 2021 (GHS), publié mercredi. Bien que le Royaume arrive devant ses voisins maghrébins, il n’est tout de même pas prêt à affronter une éventuelle épidémie et connaît d’importantes lacunes à combler, au niveau de la préparation à une telle menace sanitaire.

Il est probable que le monde continue à devoir faire face à des flambées d’épidémies que la plupart des pays ne sont pas en mesure de combattre, à l’instar du Maroc. Au changement climatique et à l’urbanisation s’ajoutent les déplacements internationaux de masse et la migration, qui touchent désormais les quatre coins du monde, créant ainsi les conditions propices à l’émergence et la propagation d’agents pathogènes. Les pays sont également confrontés à une menace potentielle grandissante de dissémination accidentelle ou délibérée d’un agent pathogène modifié mortel, dont les effets pourraient être pires encore que ceux d’une pandémie d’origine naturelle.

Créé par deux organisations non gouvernementales, la « Nuclear Threat Initiative » (NTI) et le «Johns Hopkins Center for Health Security», en collaboration avec l’équipe d’intelligence économique du magazine britannique «The Economist», l’indice GHS s'appuiant sur 37 indicateurs et a évalué les pays sur la base de six critères  différents: à savoir les capacités de prévention, de détection, de réponse ainsi que la force du secteur sanitaire, l’observation des normes internationales et le degré d’exposition. En ressort une note sur 100 attribuée à chaque pays.

Le Maroc est ainsi classé au 108ème rang mondial sur 195 pays, avec un total de 33,6 points sur 100, reculant de deux places par rapport au classement de l'année dernière. Le Royaume arrive à la 86ème place mondiale pour la prévention de l'émergence ou du déclenchement de pathogènes et à la 86ème place au niveau du système de santé suffisant et robuste pour traiter les malades et protéger le personnel de la santé.

Concernant la détection précoce et le signalement des épidémies de préoccupation internationale, le pays se classe à la 110ème position, alors qu’il occupe la 115ème place pour ce qui est du sous-indice de réponse rapide et d’atténuation de la propagation d'une épidémie et la 169ème place en ce qui concerne les engagements pour améliorer les capacités nationales, les plans de financement pour combler les lacunes et le respect des normes mondiales. Le Maroc est également à la traîne par rapport à l’environnement à risque global et à la vulnérabilité du pays aux menaces biologiques et se classe au 110ème rang. Pour ce qui concerne la vaccination, le Maroc s’en sort très bien avec un score de 100 points sur 100.

Comparé à ses voisins maghrébins, le Maroc vient en tête du classement et devance la Tunisie  qui est 123ème, l'Algérie et la Mauritanie qui arrivent à la 163ème  place et la Libye, classée au 172ème rang mondial. Sur le plan africain, le Maroc arrive à la 11ème place, notamment derrière l’Afrique du Sud (mondialement 56ème) l’Île Maurice (79ème), le Kenya (84ème), ou encore le Nigeria (86ème).  Au niveau des pays arabes, le Maroc occupe la 8ème position derrière le Qatar (49ème), l’Arabie saoudite (61ème), la Jordanie (66ème), les Émirats arabes unis (80ème), Oman (81ème), le Koweït (88ème) et le Bahreïn (92ème).

Au niveau mondial, les États-Unis d'Amérique sont en tête du classement, suivis de l'Australie à la deuxième place, la Finlande et le Canada, tandis que la Syrie arrive à la 192ème position, devant la Corée du Nord, le Yémen et la Somalie qui ferme la marche de ce classement.

Les auteurs du rapport ont également précisé que tous les pays du monde ne sont toujours pas sérieusement préparés à lutter contre les épidémies à l'avenir, soulignant que la plupart des pays, y compris les pays à revenu élevé, n'ont pas fait d'investissements financiers dédiés au renforcement de la préparation face aux épidémies. Selon l'indice GHS, plus de 90% des pays n'ont pas de plan pour distribuer des vaccins ou des médicaments en cas d'urgence et  70% manquent de capacités suffisantes dans les hôpitaux, les centres de santé et les cliniques. «Les risques politiques et sécuritaires ont augmenté partout dans le monde et la confiance du public dans les gouvernements a diminué», lit-on dans ledit rapport.

Unique dans ce domaine, l’Indice GHS fournit une évaluation complète de la sécurité sanitaire des pays et étudie le contexte plus large des risques biologiques au sein de chaque pays. Il porte notamment sur les considérations géopolitiques propres au pays, sur son système de santé et vise à déterminer s’il a testé ses capacités à contenir les flambées de maladies. «L’index GHS vise également à mettre en lumière les écarts entre les capacités de chaque pays,  afin d’augmenter les actions politiques et financières pour les combler», écrivent les auteurs du rapport. 

L’Indice GHS se veut, par ailleurs, une ressource essentielle face aux risques croissants d’événements biologiques à fort impact et catastrophiques de portée planétaire, compte tenu des lacunes majeures concernant le financement de la préparation à ces situations d’urgence. Ces risques sont exacerbés par un monde interconnecté et en évolution rapide, l’instabilité politique croissante, l’urbanisation, le changement climatique et les avancées technologiques rapides qui permettent de créer et de modifier des agents pathogènes plus facilement, plus rapidement et à moindre coût.

Selon le Dr. Jennifer Nuzzo, chercheur principal au Johns Hopkins Center for Health Security, «l’indice GHS est conçu pour informer les dirigeants des éléments fondamentaux qui sont nécessaires pour préparer leurs pays aux futures épidémies et où ils devraient donner la priorité à la planification et au financement durable». «Ce n’est pas un prédicteur direct de la performance face à une urgence sanitaire. Comme l’a démontré la COVID-19, les phénomènes contextuels sociaux, politiques et culturels ont également un impact sur la manière dont un pays réagit à un événement biologique», a-t-il expliqué, avant de souligner que «les dirigeants ont désormais le choix. Ils peuvent faire des investissements dédiés et durables pour préparer leurs pays à long terme, ou ils peuvent retomber dans le cycle de panique et de négligence qui durera des décennies avec de grandes menaces inévitables pour la santé publique».

Globalement, «les pays continuent de souffrir des dommages causés par la pandémie du Covid-19 à cause d’une capacité de sécurité sanitaire insuffisante. Ce manque de capacités survient à un moment où la politique et les risques de sécurité ont augmenté dans presque tous les pays, et des investissements financiers durables nécessaires pour maintenir ces capacités n’ont pas encore été démontrés», souligne-t-on dans ledit rapport. «De telles faiblesses laissent un monde extrêmement vulnérable aux futures urgences sanitaires, y compris celles potentiellement plus dévastatrices que le Covid-19», ajoutent les auteurs du rapport.
Les pays sont donc tenus d’appréhender, de suivre, d’améliorer et de maintenir leur sécurité sanitaire, mais l’apparition de nouveaux risques biologiques et leur augmentation à l’échelle mondiale exigent des approches ne relevant plus seulement de l’autorité gouvernementale, mais nécessitant une action internationale. Par conséquent, les recommandations contenues dans ce rapport ont été formulées en partant du principe que la sécurité sanitaire est une responsabilité collective et qu’une solide architecture de la sécurité sanitaire internationale doit être déployée pour soutenir les pays exposés à un risque accru.

Ainsi, outre les nombreuses recommandations à l’intention des dirigeants nationaux, l’Indice GHS comprend également des recommandations destinées aux décideurs du système des Nations Unies, des organisations internationales, des gouvernements donateurs, des organisations caritatives et du secteur privé. Ces recommandations sont particulièrement importantes en cas d’épidémies à propagation rapide, provoquées délibérément ou inhabituelles, susceptibles de submerger les gouvernements et les intervenants internationaux.

Mehdi Ouassat

​Tous les pays restent dangereusement non préparés

En plus de sa conclusion générale selon laquelle tous les pays restent dangereusement mal préparés pour faire face aux futures menaces d’épidémie et de pandémie, l’indice GHS constate :
La plupart des pays, y compris les pays à revenu élevé, n’ont pas fait d’investissements financiers dédiés à renforcer la préparation aux épidémies ou aux pandémies.
155 sur 195 pays n’ont pas alloué de fonds nationaux au cours des trois dernières années pour améliorer la capacité, en dehors des urgences de santé publique, à faire face aux menaces épidémiques ; et, parmi ceux qui en ont, seuls deux pays à faible revenu en ont. L’amélioration des capacités nécessite un engagement financier pluriannuel, et pas seulement une augmentation du financement en cas de crise.
La plupart des pays n’ont enregisté que peu ou pas d’améliorations dans le maintien d’un système de santé robuste, capable et accessible pour la détection et la riposte aux épidémies.
70 % des pays affichent des capacités de santé insuffisantes dans les cliniques, les hôpitaux et les centres de santé communautaires.
Les risques politiques et sécuritaires se sont accrus dans presque tous les pays, et les pays les moins dotés en ressources présentent les risques les plus élevés et les plus grands écarts de préparation.
161 pays ont des niveaux de confiance du public faibles à modérés dans leur gouvernement.
Les pays continuent de négliger les besoins de préparation des populations vulnérables, exacerbant l’impact des urgences de sécurité sanitaire.
Seuls 33 pays ont mis en place un plan global de préparation et de réponse aux situations d’urgence qui prenne en compte les populations vulnérables.
Les pays ne sont pas préparés à empêcher des événements biologiques catastrophiques à l’échelle mondiale qui pourraient causer des dommages à plus grande échelle que le COVID-19.
176 pays n’ont pas publié ni mis en œuvre un plan national global de réponse aux urgences de santé publique pour les maladies à potentiel épidémique ou pandémique.


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