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Livre: Théocratie populisteL’alternance, une transition démocratique?Mustapha Hogga
Lundi 25 Août 2014
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Avons-nous des partis politiques, une administration et un peuple capables de comprendre la séparation des pouvoirs ? Capables de comprendre que les contre-pouvoirs sont nécessaires à la démocratie ? les Marocains ne savent rien ou peu de choses sur la séparation des pouvoirs et même ceux qui les représentent l’ignorent ou entendent bien l’ignorer. Il n’y a pas une réelle conscience dans la classe politique marocaine que les droits de l’Homme impliquent la séparation des pouvoirs. Pourtant, l’idée est dans L’Esprit des Lois de Montesquieu. Parler des droits sans mentionner la séparation des pouvoirs, c’est évoquer des fantômes sans consistance. Dans quel sens faut-il alors se mouvoir ? Qui peut mieux garantir la liberté de conscience, une théocratie traditionnelle ou populiste, ou une monarchie véritablement constitutionnelle. Mais comment l’Etat arabo-musulman peut-il être au-dessus, l’arbitre, cette autorité morale qui protège toutes les libertés alors qu’il n’y a pas une interprétation théologique qui va dans ce sens, une approche humaniste du dogme, mais un strict dogmatisme ? Ni le Maroc ni un autre pays musulman n’ont fait leur une doctrine humaniste de l’islam, qui le dépouille de tous les aspects coercitifs, aspects, disons-le, qui sont le résultat de la codification des oulémas et de leur doctrine du nasikh et du mansukh. En fait, la tâche des oulémas aujourd’hui est d’œuvrer pour une convergence entre les valeurs coraniques, la sagesse des Hadiths et les droits de l’Homme. C’est à eux de proposer les interprétations ouvertes sur la modernité. Vous qui voulez parler de la souveraineté de Dieu, attendez d’être humanistes pour le faire, car sans souci d’autrui, la théologie n’est qu’inquisition. Vouloir organiser la société selon le sacré ne peut que produire frustration et arbitraire; cela amplifie également les problèmes au-delà de toute mesure. Pourquoi le salafisme ne nous est d’aucun secours ? Parce qu’il s’appuie sur une interprétation théologique de l’histoire, l’alibi de toutes les insuffisances. Le sacré ne peut s’articuler qu’avec la conscience individuelle et l’Etat doit tenir compte de cette articulation exclusive ; si on marie sacré et institutions, toutes les libertés sont en danger. A ce sujet, il y a un point de convergence entre l’État et les islamistes : les deux sont contre une interprétation humaniste du dogme. Le premier parce qu’il la juge déstabilisatrice, amputant l’Etat de ses moyens coercitifs et les seconds parce que cela est démobilisateur pour leur projet de mainmise sur l’Etat. Le soufisme de l’Etat n’est pas le centre de sa doctrine mais la loi religieuse et donc celle-ci prévaut. L’Etat ne craint pas le développement de l’islamisme radical parce qu’il pense que les forces sociales seront toujours maîtrisables, que ce soit par ses propres ressources ou par une aide de l’Occident. Et à supposer que le pouvoir absolu puisse être bon : celui d’un Marc-Aurèle par exemple, qu’en est-il du risque d’avoir un Commode ? On sait ce que le pouvoir autocratique entraîne nécessairement Machiavel l’a décrit, Spinoza et Locke l’ont aussi analysé. Cette littérature n’est pas valable pour l’Occident seulement. Supposons aussi que l’on pense que le pouvoir absolu ne corrompt pas, qu’en est-il de ceux qui le servent et en sont les agents? On s’accorde à dire que le Roi Mohammed VI a la fibre démocratique, mais la démocratie est surtout affaire d’institutions ; elle ne peut se limiter à l’attitude d’une personne, car encore une fois, comment peut-on imposer un État de droit et le respect de la loi à tous ceux qui se jouent des intérêts de leurs concitoyens? Et, à cet égard, l’existence du Makhzen n’est en aucune façon positive. Le Makhzen tient-il compte de l’attachement de la population à son Roi et observe-t-il un respect scrupuleux des droits des citoyens eu égard à cet attachement ? Opter pour la séparation des pouvoirs au moment où il y a une renaissance des monarchies dans les pays arabo-musulmans (Afghanistan, Syrie, Lybie, Egypte, etc.), c’est aller à contre-courant. Une objection commune est de dire que s’efforcer de réaliser cette séparation des pouvoirs ne peut que déstabiliser le pouvoir et conduirait à un régime aussi ou plus autoritaire : elle est donc de bout en bout utopique. En fait, après l’établissement d’une réelle séparation des pouvoirs donc antithéocratique, il est impossible de régresser : il n’existe aucun cas dans l’histoire universelle d’un tel retour. Le régime marocain actuel, avec son approche particulière de la séparation des pouvoirs, permet à toutes les forces politiques théocratiques d’espérer. Certains diraient que la question de la séparation des pouvoirs ne se pose pas parce que le monde islamique n’a pas connu d’Aufklärung (les Lumières) et que l’éducation et les institutions y demeurent fortement influencées par la religion ; bref, qu’il y a un déficit de sécularisme tel que l’évocation de la séparation des pouvoirs est au moins prématurée. Rappelons que le même type d’arguments fut utilisé contre ses défenseurs européens aux XVIème et XVIIème siècles, lorsque les églises catholiques et protestantes défendaient les monarchies contre les parlementaristes. En fait, de nombreux penseurs politiques, Machiavel, Bodin, Hobbes parmi d’autres, jugeaient la séparation des pouvoirs comme une absurdité. La séparation des pouvoirs ne fut jamais dans son origine une demande populaire. Lorsque Spinoza, l’aristocratie et la bourgeoisie hollandaise l’exigeaient, le peuple était fanatiquement calviniste et voulait un pouvoir fort. Dire aujourd’hui que le peuple marocain n’est pas en faveur de la démocratie et que le pouvoir est légitime s’il est porté par les masses, c’est rejeter le rôle des élites. En fait, jamais les peuples ne furent d’eux-mêmes démocratiques; l’histoire de la Grèce et de la Perse et d’autres pays les a souvent montrés appuyant la tyrannie ou le despotisme. A ceux qui disent que la séparation des pouvoirs est étrangère à notre culture, on peut encore répondre qu’on n’a jamais réclamé la séparation des pouvoirs que lorsqu’elle faisait défaut et était combattue par les pouvoirs en place. Une fois établie, elle devenait une banalité, précieuse, il faut observer. La démocratie est une demande humaniste, elle n’est que cela ; elle postule que l’être humain en tant que tel a des droits ; elle postule l’égalité et les libertés fondamentales. Historiquement, le parlementarisme était destiné à défendre les intérêts de la noblesse puis ceux de la bourgeoisie, de sorte que la démocratie est un aboutissement, les peuples se rangeant toujours en dernier, bien après la bourgeoisie, grande, moyenne et petite, en faveur de la séparation des pouvoirs. Prenons le cas du nationalisme, idéologie purement occidentale, il finit par atteindre le monde musulman et y devenir une force réelle. De sorte que les pouvoirs traditionnels jugèrent nécessaire d’en tenir compte. Mais il fallut plus d’un siècle pour que l’idée, introduite en Egypte par Tahtāwī, devînt une force politique essentielle. L’insertion dans l’universalité, ce que Hegel appelle le cours du monde, ne peut s’effectuer sans une conscience des spécificités de sa propre culture et civilisation. Un travail d’harmonisation est nécessaire, mais il doit intéresser les concepts et non les apparences. Pour avoir une démocratie réelle, disons dans un siècle, il faut exposer les idées fondamentales à cet égard et les débattre. De toutes les façons, par rapport à la pensée occidentale, il n’y a que deux options : la subir dans ses effets de puissance économique et géopolitique et c’est ce qui arrive quand on prétend ignorer l’Occident ; la deuxième option, la plus difficile en termes d’effort et de travail, c’est s’appliquer à connaître la réflexion occidentale au sujet de l’organisation politique de la cité afin de nourrir une problématique locale. De fait, l’intérêt des musulmans pour la pensée politique occidentale remonte au XIXe siècle ; notons seulement que Tahtāwī manifesta un vif intérêt pour Henri de Saint-Simon. Khaïr Eddine adopta la vue spinoziste que tout dépendait des institutions : prospérité économique, stabilité politique, épanouissement des citoyens, etc. Dans son ouvrage, Des Réformes nécessaires aux États musulmans, publié en 1867 et devenu un classique, il montre l’excellence des institutions libérales. Khaïr Eddine milita pour la réforme constitutionnelle de 1860 en Tunisie, et s’opposa au Bey de Tunis au sujet de la responsabilité du gouvernement : devait-elle être devant le Conseil comme le souhaitait Khaïr Eddine ou devant le Bey comme l’entendait celui-ci ? Ce qui montre que la séparation des pouvoirs fut déjà débattue dans le monde musulman au XIXe siècle.
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