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"Le réchauffement, on le ressent déjà ici", témoigne Per Gaup, un truculent sexagénaire rencontré dans la toundra. "Je vois bien qu'on perd plus de bêtes du fait du changement climatique." Ici, le climat continental avec ses hivers froids et secs est en train de céder la place à un climat côtier, synonyme de températures plus douces et de davantage de précipitations. Un tel glissement altère les conditions de pâturage des quelque 146.000 rennes semi-domestiques de la région qui se nourrissent de lichen et de mousse sous la neige. "Quand il y a plus de neige et que le sol devient dur, des animaux meurent parce qu'il y a moins à manger, surtout les plus petits qui sont en bas de la hiérarchie", explique Per Gaup, adossé au guidon de sa motoneige, un lasso orange en bandoulière. Dans un dialecte sami, pas moins de 318 mots différents ont été recensés pour décrire l'état de la neige. L'un d'eux, "seanas", désigne une neige granuleuse, idéale pour les rennes qui n'ont aucune peine à la creuser avec leurs larges sabots. Mais cela suppose qu'il fasse très froid. Or le mercure ne tombe plus que rarement et brièvement à -40°C dans le bourg de Kautokeino, haut lieu de l'élevage, alors que c'était auparavant la norme pendant des semaines entières. Un simple avant-goût de ce qui est à venir. Car à cause du retrait de la neige et de la glace et d'un air plus humide, le mercure devrait monter de 7 à 8°C en hiver au Finnmark au cours de ce siècle, indique Rasmus Benestad, chercheur à l'Institut météorologique norvégien.
Plus fréquentes, les alternances de gel et de redoux, de neige et de pluie, peuvent former au sol une couche de glace impénétrable pour les cervidés affamés. Cela peut envenimer les conflits entre éleveurs autour des zones de pâture ou les obliger à compléter l'alimentation avec du fourrage, une opération onéreuse et lourde sous ces latitudes. Le chamboulement des saisons complique aussi les longues transhumances entre pâturages d'été sur la côte et pâturages d'hiver sur les hauteurs du Finnmark. A cause d'automnes plus longs, la glace, moins solide et plus imprévisible, peut céder lors du franchissement des cours d'eau, emportant bêtes et même, parfois, bergers.
"Ça devient de pire en pire", s'alarme un autre propriétaire de troupeau. "L'an dernier, j'ai perdu une douzaine de rennes qui sont passés à travers la glace. Ils sont morts, je n'ai pas réussi à les dégager", dit-il, dépité.
En novembre 2009, ce sont près de 300 animaux d'un même cheptel qui se sont noyés dans un fleuve en Suède voisine en tentant de franchir la glace, qui s'est brisée. "Les rennes vivent avec les variations climatiques depuis toujours et ont appris à s'adapter à la nature", souligne cependant Anders Oskal, directeur du Centre international pour l'élevage de rennes. "Notre principal motif de préoccupation, c'est que l'Arctique devient de plus en plus accessible à mesure qu'il se réchauffe, ce qui entraîne une explosion d'activités humaines", précise-t-il.