Les quatre bombances des fins d’années

«Le temps du monde fini commence » écrivait Paul Valéry en 1931. Les jours de l'an 2010, eux, finiront bien par basculer définitivement dans la mémoire collective sitôt que ceux de 2011 pointeront à l'horizon. Aussi est-il devenu nécessaire pour les organes de presse nationaux de sacrifier à la tradition consistant à dresser un état des lieux à la fin de chaque année qui tire à sa fin. Nous y avons souscrit plus par mimétisme que par conviction professionnelle. Non pas qu'il n'y ait pas eu en 2010 d'événements majeurs dignes d'attirer l'attention, mais parce qu'au Maroc, il n'y a pas un Nouvel, mais au moins quatre : celui du calendrier grégorien, celui de l'Hégire, l'hébraïque et le Filahi. Sont ainsi fêtés le Premier janvier, Fateh Moharrem, Roch Hachana et Nayer.  
Seul le calendrier chinois manque à l'appel chez nous. Personne ne s'amusera donc à fêter l'année du rat ou celles du bœuf, du tigre, du lapin, du dragon, du serpent, du cheval, de la chèvre, du singe, du coq, du chien et du cochon rat. Personne non plus n'accrochera de guirlandes ou de lampions à un quelconque arbre pour célébrer le Fateh Moharram, le Roch Hachana ou le Nayer. Bien qu'il soit de tradition de faire bombance en l'occasion, nous le faisons dans l'intimité de nos foyers et chacun dans sa chapelle. Il n'en demeure pas moins que tous, nous avons une addiction claire pour le repère grégorien. On a beau dire qu'il ne fait pas partie de la tradition, ou que ça n'a pas été comme ça depuis toujours, la Saint-Sylvestre est fêtée en fanfare dans la majorité des grandes villes du Royaume.
Souhaiter la bonne année à quelqu'un à l'occasion d'un Nouvel an autre que le grégorien vous attire des regards condescendants, car vous n'êtes pas tendance et vous remettez en cause le magister dixit et doxa occidentaux.
Alors le temps d'une soirée, n'y pensez même pas et faites bombance comme tout un chacun.  Installez-vous donc confortablement dans les temps morts du seul calendrier solaire marocain. Vous n'en serez que plus à l'aise.