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Selon les données météorologiques, des pluies ou averses sont, en effet, attendues à partir de la soirée du jeudi 8 février dans les régions Nord et Centre, l'Atlas, le Rif et l'Oriental. Des chutes de neige sont également prévues sur les Haut et Moyen Atlas au-delà de 1.700 mètres. Cependant, même avec ces prévisions, les experts avertissent que le déficit en eau accumulé depuis quelques mois ne pourra pas être comblé, mettant en péril les réserves nécessaires pour les mois secs à venir.
Fouad Amraoui : Même s’il pleut les mois suivants, les quantités d’eau non reçues depuis le mois d’octobre, ne pourront pas être rattrapées et les réserves qui doivent être là durant les mois secs ne seront pas au rendez-vousSelon Fouad Amraoui, professeur chercheur en hydrologie à la Faculté des sciences Ain Chock de Casablanca, «les barrages du pays ne sont remplis en moyenne qu'à hauteur de 23%. Certains barrages, comme Al Massira, sont presque à sec, tandis que d'autres, comme Bin El Ouidane, affichent un taux de remplissage d'environ 5%». «Ceci se traduira par des difficultés réelles à pouvoir assurer une desserte correcte en eau potable, telle qu’on l’a connue jusqu’à maintenant dans nos villes et nos campagnes», explique le spécialiste dans un entretien accordé à la MAP.
Cette crise hydrique soulève de nombreuses préoccupations et suscite des inquiétudes quant à l'avenir de l'approvisionnement en eau au Maroc. L'impact se fait déjà ressentir de manière significative dans plusieurs secteurs clés. L'agriculture, pilier économique du pays, est lourdement touchée, avec des récoltes en nette diminution et des pertes financières importantes pour les agriculteurs.
«Le Maroc s’est distingué par la gestion de ses ressources en eau puisqu’il a réussi à mobiliser une très grande partie de son eau conventionnelle superficielle et souterraine. Parmi les réalisations, on dénombre actuellement 153 barrages d'une capacité de stockage de presque 20 milliards de m3; l’irrigation de plus de 1,5 million d’hectares; la desserte totale en eau potable en milieu urbain et un bon renforcement en zone rurale; la protection contre les inondations; la production de l’énergie hydraulique; la réalisation de plus de 167 stations de traitement des eaux usées», souligne Fouad Amraoui. «Malgré tous ces efforts, cette politique a commencé à montrer ses limites car l’offre ne répond plus à la demande sans cesse croissante», estime-t-il. Et d’ajouter : «La population marocaine avoisine aujourd’hui les 38 millions d’habitants, le pays développe des projets d’envergure dans les secteurs agricole, industriel, touristique…, tous très gourmands en eau. Le défi d’aujourd’hui est comment concilier, dans un contexte d’irrégularité des apports d’eau, entre une offre en baisse et une demande en croissance».
Les autorités concernées sont en état d'alerte maximale, mobilisant tous les moyens nécessaires pour faire face à cette situation critique. Pour le professeur chercheur en hydrologie, «le plan national de l’eau 2020-2027 comprend toute une panoplie de mesures capables d’assurer une adaptation à cette situation de stress hydrique». En effet, l’Etat met les moyens financiers et techniques nécessaires pour une mise à niveau en termes d’infrastructures hydrauliques : construction d’une multitude de nouveaux moyens et petits barrages; transfert d’eau entre bassins; dessalement d’eau de mer; renforcement de l’alimentation en eau potable rurale; détection et réparation des fuites d’eau dans les réseaux agricoles et urbains; subvention de l’irrigation localisée; réutilisation des eaux usées traitées; sensibilisation à l’économie et à la sauvegarde de la ressource en eau.
Toujours dans son entretien accordé à la MAP, Fouad Amraoui explique que «la sécheresse au Maroc n’est plus considérée comme conjoncturelle mais elle est devenue plutôt la normalité. Les stratégies de l’eau mises en place s’efforcent d’en tenir compte, même si nous n’avons pas de regard prospectif sur son étendue et son ampleur».
Il est donc impératif d’adapter notre politique agricole, de manière à se focaliser d’abord sur les cultures (céréales, betteraves ou cannes à sucre, graines pour les huiles) qui nous permettent d’atteindre une certaine souveraineté alimentaire. «Il faut encourager aussi les cultures peu consommatrices d’eau (oliviers, amandiers, caroubiers…), et ne permettre les cultures gourmandes en eau que là où la ressource en eau est bien présente et se renouvelle. Il faut également pour ces cultures fixer des objectifs en termes de superficies et de tonnages au-delà desquels aucune subvention ne devra être apportée », recommande Fouad Amraoui.
Si les autorités et les entreprises déploient des efforts pour gérer cette ressource vitale, il est indéniable que le rôle des citoyens est également crucial dans la préservation de l'eau. Face à cette réalité, quel comportement le citoyen devrait-il adopter pour contribuer à la sauvegarde de cette ressource précieuse ?
«L’eau est convoitée par beaucoup d’acteurs qui ont souvent des intérêts contradictoires. En période de sécheresse, l’Etat gère la rareté en donnant la priorité et l’exclusivité à l’eau potable au détriment de tous les autres usages», explique le spécialiste. Et de poursuivre : «Des instructions fermes sont données à l’échelle régionale, en fonction des spécificités, afin de rationaliser l’eau, détecter et réparer les fuites dans les réseaux, interdire l’arrosage des espaces verts avec l’eau de ville, fermer quelques jours par semaine les hammams et les unités de lavage des voitures, interdire le remplissage des piscines».
Toutes ces démarches ont pour rôle essentiel une sensibilisation large de la population pour adhérer à l’effort national d’économie d’eau. Chaque personne à son échelle, par esprit civique, doit réduire sa consommation en eau dans ses pratiques journalières
Le rôle des utilisateurs dans l'économie de l'eau est donc incontestablement vital. Chaque individu a le pouvoir de faire une différence significative en adoptant un comportement responsable et conscient de l'importance de cette ressource. Engageons-nous collectivement pour garantir un avenir durable où l'eau demeure accessible à tous. «Tout ceci, afin de tenir le plus longtemps possible, en espérant que les mois prochains pourront nous apporter des pluies bénéfiques, pour la reconstitution d’une partie significative des réserves d’eau dans nos barrages et dans nos nappes souterraines», conclut Fouad Amraoui.
Mehdi Ouassat