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Si l’on en croit les quelque 35 pages de l’étude «YouTube Regrets», les algorithmes de recommandation de YouTube alimentent des contenus préjudiciables. Un constat particulièrement prépondérant dans les pays non anglophones. Pour faire simple, il semblerait que l'algorithme utilisé par YouTube, deuxième site web le plus visité au monde, avec 2,3 milliards d’utilisateurs par mois en 2020, favorise les contenus nuisibles. En chiffres, 71% des vidéos signalées comme ayant un contenu nuisible ont été automatiquement recommandées par la plateforme. Par nuisible, l'enquête sous-entend l’ensemble des vidéos contenant de la désinformation, de la violence, des discours de haine ou des escroqueries.
Pour une entreprise dont la principale source financière est la publicité, c’est tout bénéf.
D’ailleurs, la multiplication par dix des heures de visionnage sur la plateforme vidéo, entre 2012 et 2017, pour atteindre un milliard d’heures par jour, est principalement due à l'algorithme en question. Information confirmée par YouTube qui a indiqué que 70% du temps passé par les utilisateurs sur la plateforme était basé sur ce système de recommandation. Brandi Geurkink, le responsable de la défense des intérêts de Mozilla, n’en démord pas : “YouTube doit admettre que son algorithme est conçu d’une manière qui nuit aux gens et les désinforme. Nos recherches confirment que YouTube non seulement héberge mais recommande activement des vidéos qui violent ses propres règles”.
La guerre est clairement déclarée. Le porte-parole de YouTube n’a pas tardé à réagir avec la volonté de mettre les points sur les i. Rien de bien surprenant en soi. “Nous travaillons constamment à améliorer l’expérience sur YouTube et rien qu’au cours de l’année dernière, nous avons lancé plus de 30 changements différents pour réduire les recommandations de contenus nuisibles”, a-t-il révélé. Puis d’assurer que “grâce à ce changement, la consommation de contenus nuisibles qui provient de nos recommandations est désormais nettement inférieure à 1%”.
A l’évidence, YouTube botte en touche. Et plus encore, elle met en doute la probité de Mozilla en l’invitant à “partager l’ensemble des données“. En cause, les estimations de la plateforme de partage de vidéos. En effet, selon ces dernières, moins de 0,2% des contenus enfreignent ses directives communautaires. Si YouTube garantit que sa marge d’erreur a considérablement diminué ces dernières années en s’appuyant sur l’apprentissage automatique, il n’en reste pas moins que le grand écart entre les chiffres avancés par Mozilla et par YouTube jette le discrédit sur l’un comme l’autre.
Quoi qu’il en soit, l’utilisateur est le perdant dans l’histoire. L'algorithme de YouTube souffle le chaud et le froid et préside le plus souvent nos envies. Quand il est contrôlé, il n’y a pas ou peu de risque de se retrouver face à un contenu indésirable. Dans le cas contraire, l’algorithme suggérerait naturellement du contenu tendance. Contenu le plus souvent nuisible d’après l'enquête menée par Mozilla. Certes, YouTube aurait appliqué un système de recommandation avec pour effet immédiat de réduire drastiquement le temps de visionnage des contenus «borderline». Cela dit, cette avancée majeure ne concerne que les pays anglophones. Pour le reste du monde, advienne que pourra. “Nous savons aussi maintenant que les habitants des pays non anglophones sont les plus susceptibles de faire les frais de l’algorithme de recommandation hors de contrôle de YouTube”, a regretté le responsable de la défense des intérêts de Mozilla.
Evidemment, nul ne peut connaître à l’avance les conséquences hypothétiquement engendrées par les révélations parues dans l'enquête de Mozilla. Mais si elles se confirment, il est fort probable que YouTube soit obligée de gérer une crise sans précédent. Pas au point de mettre en danger l’entreprise, mais ce ne sera pas sans conséquence non plus. Et pour cause, YouTube se doit d'être en phase avec le Code de bonnes pratiques contre la désinformation, le cadre d’autorégulation de la Commission européenne pour lutter contre la désinformation. Or YouTube est dans son collimateur.
En effet, la Commission a dernièrement publié une nouvelle orientation pour le Code, comportant des mesures plus fortes pour rendre les plateformes responsables de leurs systèmes de recommandation. “Les engagements devraient également inclure des mesures concrètes pour atténuer le risque que les systèmes de recommandation alimentent la propagation virale de la désinformation”, peut-on lire dans les orientations, en plus desquelles la Commission européenne pour lutter contre la désinformation exhorte les plateformes à plus de transparence dans le cadre du fonctionnement des algorithmes. Un vœu pieux.
Chady Chaabi