Les Syriens accusés de perturber les mosquées et ceux qui les fréquentent seraient immédiatement expulsés du territoire marocain. Selon un communiqué du ministère de l’Intérieur, ces personnes seraient reconduites aux frontières conformément aux dispositions de la loi n° 02-03 relative à l'entrée et au séjour des étrangers au Royaume du Maroc, à l'émigration et l'immigration irrégulières.
Après le communiqué du ministère des Habous et des Affaires islamiques interdisant aux ressortissants syriens de faire la manche dans les mosquées, le département de l’Intérieur est entré en lice pour jouer la fermeté.
Mais que cache cette sortie du ministère? De tels agissements de la part de certains ressortissants syriens méritent-ils l’expulsion immédiate? Le département de l’Intérieur sera-t-il capable de mettre ses menaces à exécution? La position de ce département laisse perplexe.
«L’affaire dépasse de loin la question d’un manque de respect dû à la prière et aux fidèles. Il s’agit plutôt de soupçons relatifs à d’éventuels réseaux de collecte d’argent destiné à financer le jihad en Syrie. Certains évoquent même des transferts importants via ces réseaux », nous a indiqué Hassan Amari, spécialiste des questions des migrations et d’asile.
D’après lui, le dossier des ressortissants syriens au Maroc a connu plusieurs évolutions ces derniers jours. Ils sont de plus en plus organisés en conformité avec leurs appartenances ethniques, religieuses, politiques ou autres. «Aujourd’hui, ils sont organisés comme les autres communautés existant sur le territoire national. Ils ont des chefs qui gèrent leurs problèmes», nous a-t-il expliqué. Mais, il n’y a pas que cette question de suspicion de financement du jihad. Il y a un autre phénomène en nette évolution et qui pose problème. C’est celui de l'usurpation de l'identité syrienne par plusieurs Marocains. « On observe dans la région de l’Oriental et notamment à Oujda de plus en plus de Marocains qui prétendent être Syriens pour faire la manche. Un phénomène qui a suscité la colère et l’indignation de plusieurs fidèles et imams», nous a révélé Hassan Amari. Mais le Maroc peut-il aller plus loin dans l’exécution de ses menaces? «Non», nous a répondu notre expert. «Le Maroc est signataire de la Convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, dite Convention de Genève. Il ne dispose pas donc de la possibilité d’expulser ces personnes qui ont fui la guerre qui ravage leur pays», nous a-t-il indiqué.
Pour lui, le ministère de l’Intérieur s’est mis dans une mauvaise posture en proférant pareilles menaces. «Les responsables savent pertinemment qu’il leur sera difficile d’expulser ces ressortissants mais ils veulent adresser un message fort signifiant que les Syriens sont sous haute surveillance», nous a souligné notre source.
A rappeler que notre pays compte aujourd’hui 937 demandeurs syriens d’asile, soit 22,46% des dossiers déposés auprès de l’Agence des Nations unies pour les réfugiés au Maroc (UNHCR). Ils sont encore privés du statut de réfugié, les autorités n’ayant pas jugé bon de le leur accorder. Et pour cause : un programme spécifique qui leur serait dédié serait en cours d’élaboration.