-
Driss Lachguar : Passerelle importante vers l’Afrique, la ville d’Agadir requiert un intérêt considérable
-
Le délai raisonnable pour statuer sur les affaires, un engagement constitutionnel en faveur des droits des justiciables
-
Mustafa El Ktiri : La récupération de Sidi Ifni, une étape majeure dans le processus de parachèvement de l’indépendance nationale
-
Débats entre experts dans la perspective de la tenue du 12ème Congrès de l’USFP
A noter, cependant, que le nombre de visas demandés et délivrés en 2020 a été en très nette baisse (près de -80%) par rapport à l’année 2019, compte tenu du contexte de la crise pandémique de la Covid-19 qui a très fortement restreint les flux migratoires. Selon les estimations de la DGEF relevant du ministère français de l'Intérieur, près de 220.535 premiers titres de séjour ont été délivrés (-20,5% par rapport à 2019). Les raisons familiales restent le premier motif d’attribution destitres de séjour mais elles ont baissé de 16,9%. Le motif d’admission au titre d’étudiant demeure de -20,4%. L'immigration économique, en revanche, est la plus touchée par la crise de la Covid-19 avec une diminution de 31%.
Ces chiffres reflètent-ils l'accès facile des Marocains au visa français ? Absolument pas. En fait, la politique d’attribution des visas vers la France, en particulier pour les Africains, est très restrictive et se base sur les risques migratoires comme en atteste le taux très élevé d’avis défavorables émis. Un rapport parlementaire publié le 14 janvier dernier par deux députés, a révélé l’importance du taux de refus de délivrance de visas pour la France. Il cite l’exemple de l’Algérie où ce taux a atteint les 45% en 2019 alors que le taux de refus moyen à l’échelle mondiale est de 16,3%. Le chercheur Hugo Bréant cite dans son article «Etudiants africains : des émigrés comme les autres»l’exemple de la situation des étudiants d’Afrique subsaharienne en indiquant que sur les 354.000 étudiants subsahariens qui étudiaient à l’étranger en 2016, la France en accueillait à elle seule près de 62.000, dont 41% d’étudiantes. La délivrance des visas pour les étudiants, court (3 mois) et long séjour (12 mois), a connu une hausse constante, passant de 30.000 visas annuels délivrés en 1998, à plus de 85.000 en 2015. Pourtant, en 2006, le taux de refus des visas étudiants s’élevait à 20%, contre 10% pour l’ensemble des demandes. Cette même année, «76,4 % des refus de visa tous motifs confondus concernaient les visas étudiants. L’Afrique subsaharienne a été la première zone d’origine des étudiants à avoir été confrontée à ces politiques restrictives. Dès 2001, les statistiques des visas accordés, des entrées sur le territoire et des effectifs étudiants ont commencé à diminuer.
De leur côté, les statistiques de la DGEF indiquent que le nombre des visas refusés a atteint 390.750 en 2016 avant de passer à 537.479 en 2017 et à 674.798 en 2018. Il sera de 686.862 en 2019 avant de chuter à 168.275 en 2020, soit une baisse de - 75,5%.
En effet, la délivrance des visas est liée, pour certains pays, à la coopération en matière de réadmission qui demeure une composante de la politique des visas, notamment visà-vis de trois pays du Maghreb (Maroc, Tunisie, Algérie) et de plusieurs pays d’Afrique subsaharienne (Côte d’Ivoire, Sénégal, Mali). Un lien qui a été consacré même au niveau européen avec la récente révision du Code communautaire des visas de février 2020.
Cette réforme avait pour objet, entre autres, de répondre aux impératifs de sécurité et de limitation du risque migratoire en consacrant la politique des visas comme un outil d’amélioration de la coopération en matière de réadmission afin d’inciter les pays tiers à intensifier leurs efforts dans la lutte contre l’immigration irrégulière. Déjà en 2018, la Commission européenne a précisé, dans un rapport sur l’avancement de la mise en œuvre de l'agenda européen en matière de migration adressé récemment au Conseil européen, que des conditions plus strictes seront établies pour le traitement des demandes de visas introduites par les ressortissants des pays tiers qui ne coopèrent pas de manière satisfaisante en matière de retour et de réadmission.
Des restrictions qui n’ont rien de nouveau pour le Maroc qui, depuis l’établissement du partenariat de mobilité entre lui et l’Union européenne et ses Etats membres, a refusé la signature d’un accord de réadmission.
En fait, ce partenariat stipule, entre autres, la reprise des négociations entre l'UE et le Maroc pour la conclusion d'un accord de réadmission équilibré, prévoyant des dispositions relatives aux ressortissants des pays tiers ainsi que des mesures d’accompagnement et conciliant le souci de l’efficacité opérationnelle avec l’exigence du respect des droits fondamentaux des migrants. Promouvoir une coopération active et efficace auprès de tous les partenaires régionaux sera essentiel pour soutenir les efforts dans ce domaine. Le Maroc a toujours été pour le retour et la réadmission de ses migrants en situation irrégulière. Pour les autorités marocaines, l’accueil de tous les migrants expulsés d’Europe induit des charges financières et des enjeux politiques et sociaux importants. Ceci d’autant plus que les dispositions juridiques de pareils accords sont prohibées au niveau mondial. Plusieurs instances internationales ont remis en cause leur compatibilité avec le respect des droits de l’Homme et même la Cour européenne des droits de l'Homme les a condamnés. Le Représentant spécial du Secrétaire général pour les migrations a demandé en 2013 l’annulation des accords dits de réadmission. Certaines personnalités politiques françaises, citées par les deux députés auteurs d’un récent rapport sur la politique des visas en France, ont considéré le lien «visa-réadmission» comme «le maintien d’un rapport postcolonial vis-à-vis des pays africains».
Hassan Bentaleb