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Les “Kajang” sont à l’Indonésie ce que les Amish sont aux Etats-Unis: refusant tout “progrès”, ils vivent sans électricité et ne se déplacent qu’à pieds (nus). Mais pour combien de temps encore?
A la lumière d’une lampe à huile de bancoulier, les hommes du village lèvent à la seule force des bras des gigantesques troncs d’arbres qu’ils assembleront pour bâtir une de leurs traditionnelles maisons sur pilotis.
Dans l’épaisse jungle de Tana Toa, dans le sud des Célèbes, la tribu des Kajang n’a pas changé son mode de vie depuis des siècles, voire des millénaires, comme l’AFP a pu s’en rendre compte lors d’une très rare visite d’un journaliste sur place.
Aucun véhicule n’est disponible, motorisé ou non. L’électricité n’existe pas, ni le gaz, et encore moins le téléphone. Leur vie, largement retirée du monde moderne, les fait souvent comparer aux Amish, ces protestants anabaptistes américains qui eux aussi résistent au “progrès”.
Mais les Kajang, eux, sont avant tout un peuple de la forêt. Ils marchent la plupart pieds nus, et il est de coutume de ne porter que le traditionnel sarong noir. Quant à leur religion, elle est un mélange de croyances tribales et d’islam.
On sait peu de choses sur l’origine des Kajang, qui ne sont que cinq milliers. Eux-mêmes se considèrent comme les premiers habitants sur Terre: enfants de la forêt, ils s’en considèrent comme les gardiens.
Il est ainsi interdit de ramasser un arbre tombé de lui-même, tout comme la pêche aux crevettes est proscrite. Enfreindre ces tabous pourrait fausser l’équilibre naturel, estiment les Kajang.
Le “gouvernement” tribal, formé de 37 “ministres”, punit ainsi tout manquement à ces préceptes d’une peine d’amende ou de coups de bâton.
“Les feuilles invitent la pluie. Les racines abritent les sources d’eau. Les forêts sont les poumons du monde”, explique l’”ammatoa” (chef) Puto Palasa dans la langue “Konjo” que pratique la tribu.
Mais la “modernité” commence à s’inviter chez les Kajang : quelques jeunes ont pu être aperçus un téléphone portable à la main lors d’une récente visite de l’AFP.
C’est en fait tout leur mode de vie qui est menacé, craignent les responsables.
“Notre inquiétude est que, si aucune loi n’est adoptée pour les protéger, qui peut garantir que leurs traditions existeront encore dans vingt ou trente ans?”, interroge Misbawati Wawo, responsable des forêts au district de Bulukumba, où vivent les Kajang.La responsable pointe en particulier du doigt la déforestation rongeant la jungle aux alentours des terres Kajang, qui couvrent environ 760 hectares selon le Centre mondial pour l’agroforesterie, un groupe de recherche.
Pour éviter que disparaissent les Kajang, des responsables de Bulukumba voudraient confier à la tribu la gestion de ses terres, actuellement sous contrôle de l’Etat indonésien.
Pour ce faire, ils voudraient que soit transformé en loi un récent jugement de la Cour constitutionnelle de Jakarta, rendu en mai, et qui confère aux peuples indigènes le droit de régir les terres où ils vivent, même si elles appartiennent en théorie à l’Etat.
Le jugement n’a eu encore aucune application concrète en Indonésie et l’organisation de défense des indigènes AMAN veut que les Kajang soient les premiers à en profiter.
Les peuples indigènes représentent environ 70 millions d’habitants en Indonésie, sur une population totale de 250 millions.
Un projet de loi, qui pourrait être adopté dans les mois à venir selon les autorités, stipule ainsi que les cessions de terres où vivent les Kajang ne pourraient se faire qu’entre Kajang. Cette loi aurait également pour effet d’annuler une réglementation qui autorise depuis 1990 un certain défrichement sur les terres Kajang.