L'entrepreneuriat au potentiel mondial : S’approcher de l’essence humaine, elle ne connaît ni frontières, ni drapeaux


Abderrazak Hamzaoui
Mardi 6 Mai 2025

L'entrepreneuriat au potentiel mondial : S’approcher de l’essence humaine, elle ne connaît ni frontières, ni drapeaux
La mondialisation avance comme une grande vague silencieuse, effaçant les plis des cultures, aplanissant les contours de l’humain. Sous couvert d’ouverture, elle installe une standardisation subtile : les plateformes dictent les récits, les marchés tracent les frontières du désirable. Mais l’homme, dans son essence, n’est pas fait pour l’uniforme. Il est mémoire, langue, histoire ; il est quête de sens, pas simple addition de besoins.

 Amartya Sen, prix Nobel des sciences économiques en 1998 l’a rappelé avec force: le vrai développement, c’est la liberté de vivre une vie que l’on juge digne. Pas une existence calibrée selon les chiffres du PIB, mais une vie pleine, choisie, reconnue. Aujourd’hui pourtant, l’humain est trop souvent réduit à sa fonction : producteur, consommateur, profil à cibler. Et la dignité devient variable d’ajustement. Or, elle naît du regard qui reconnaît, de la voix qui raconte, du droit d’être autre. Reste à réenchanter la mondialisation : non pas la rejeter, mais l’habiter — avec nos récits, nos racines, nos révoltes. Car sans les visages, aucun progrès n’a de sens.

La mondialisation n’est pas ce raz-de-marée que l’on craint, cette force brutale qui broie les faibles et les puissants dans un même élan. Non. Elle est souffle. Mouvement. Une énergie brute offerte à celles et ceux qui savent l'accueillir et la transformer. Elle n’est pas l’apanage des géants ; elle tend aussi la main aux humbles, aux bâtisseurs silencieux, à ceux qui rêvent encore de grandir.

 La connaissance, jadis forteresse imprenable, s’est dissoute dans l’air du temps : elle est là, partout, offerte à qui veut tendre la main. Les données, longtemps réservées aux initiés, échappent désormais aux verrous anciens : elles circulent, s’échangent, se sèment. Jamais l’humanité n’a porté un tel gisement d’idées, vibrant, inépuisable. Mais avoir l’idée n’est rien si l’on ne la fait pas naître dans la matière du monde. L’enjeu est là : transformer ce bouillonnement en œuvres, en projets, en entreprises vivantes.  Un nouvel entrepreneuriat s’impose — non pas local, non pas timide — mais vaste, audacieux, tendu vers l’échelle du monde. La question n’est plus de savoir "si", ni même "quand". La seule question qui brûle est : comment ?
 
Explorer les terres cachées de l’être humain
 
Il existe, en chaque être humain, des terres cachées. Des paysages faits de paroles, de silences, et de secrets tissés sous la peau. Le premier territoire est celui du dit. Le monde visible.

Celui que l'on tend comme une carte aux autres : des mots clairs, des gestes maîtrisés, des attentes formulées. C’est l’espace des échanges officiels, des décisions affichées, des objectifs proclamés. C’est utile. C’est nécessaire. Mais croire que tout se joue là, c’est confondre la surface de l’eau avec la profondeur de l’océan. Car sous le dit, murmure le non-dit.

Le battement sourd de ce qui n’a pas franchi la barrière des lèvres. Les doutes tus, les colères polies, les rêves étouffés sous la bienséance. Cela ne s’écrit pas dans un courriel. Cela s’esquisse dans un regard, une posture fuyante, une hésitation légère. C’est un langage fait de creux et de silences. Et celui qui sait lire ces silences devine les tempêtes avant qu’elles n’éclatent. Mais il y a plus profond encore : l’indicible.

Ce que même le cœur peine à formuler. Les peurs anciennes, les croyances enracinées, les élans premiers. Non par pudeur, mais par impossibilité. Car il existe des vérités que les mots trahiraient en tentant de les porter. Toucher l’indicible, ce n’est pas forcer la porte. C’est attendre au seuil. C’est respecter ce qui se tait. C’est comprendre que sous chaque décision, sous chaque attitude, danse une rivière souterraine. Invisible, mais puissante. Ainsi, dans toute relation véritable — qu’elle soit professionnelle ou humaine — il ne suffit pas d’entendre ce qui est dit. Il faut écouter l’écho de ce qui est tu. Et pressentir la musique lointaine de ce qui ne sera jamais exprimé.  Car c’est en habitant ces trois sphères — le dit, le non-dit, l’indicible — que l’on cesse de simplement communiquer, et que l’on commence enfin à rencontrer.

Prêter attention aux trois sphères — le dit, le non-dit, l’indicible —, c’est ouvrir les yeux non seulement sur ce qui est montré, mais aussi sur ce qui se devine, et sur ce qui ne pourra jamais être totalement exprimé. C’est entendre au-delà des mots. C’est voir au-delà des regards.

C’est ressentir au-delà des silences. Celui qui sait écouter ces trois dimensions ne se contente plus de réagir à l’évidence ; il anticipe les besoins, il devine les blessures, il accueille les attentes muettes. Il devient tisseur de confiance, bâtisseur d’alliance. Car dans cet art d'écouter l'humain dans toutes ses profondeurs, naît une collaboration véritable. Une collaboration qui ne repose pas seulement sur des contrats ou des objectifs, mais sur la reconnaissance intime de ce que chaque être porte en lui de visible, d’invisible, et d’indicible. C’est ainsi, et seulement ainsi, que les projets s’élèvent. Que les réussites deviennent pleines. Et que la satisfaction n’est plus un indicateur, mais un lien vivant entre ceux qui osent vraiment se rencontrer.
 
S’approcher de l’essence humaine. Elle ne connaît ni frontières, ni drapeaux
 
S’approcher de l’essence humaine, c’est s’aventurer là où les mots n’osent plus poser leurs pas. C’est entrer dans l’espace de l’indicible. C’est toucher, du bout de l’âme, ce qui fait vibrer tout être au plus profond de lui-même. C’est là que naît la véritable empathie.  Non comme un geste, non comme une posture, mais comme une rencontre. Une reconnaissance silencieuse de ce qui, en chacun, est universel. C’est là où l’on découvre le besoin profond.

Car l’essence de l’être humain ne connaît ni frontières, ni drapeaux. Elle est la même — à Casablanca, à Séoul, à New York, à Lagos. Partout, elle pulse avec la même force, partout, elle appelle les mêmes rêves, les mêmes douleurs, les mêmes élans. Savoir l’atteindre, c’est ouvrir la porte d’un potentiel immense. C’est comprendre que la mondialisation n’est pas un rouleau compresseur — c’est une respiration commune, une opportunité d’élargir l’humain.

Lorsque nous parvenons à faire éclore une solution, là, sur un territoire donné, lorsque nous réussissons à faire germer une réponse authentique, ancrée dans cette essence partagée, alors cette réponse peut voyager. S’étendre. S’enraciner ailleurs. Devenir universelle. Car ce qui touche à l’essence… se transmet sans effort. Se propage comme une évidence. Et transforme le local en levier pour le monde entier.
 
Ne pas se fondre dans le décor des autres. Ne pas devenir une ombre parmi les ombres
 
Reste un dernier point. Un point essentiel. Celui qui sépare ceux qui survivent de ceux qui façonnent. Celui qui donne une longueur d’avance dans un monde où la concurrence ne caresse plus, mais dévore. Ce secret ? Ne pas se fondre dans le décor. Ne pas devenir une ombre parmi les ombres.

Semer. Bâtir. Eriger son propre paysage, pierre après pierre, rêve après rêve. Ne pas être prisonnier d'une connaissance figée. Ni esclave d'un seul domaine.
Refuser les cages dorées du savoir spécialisé. Chercher autre chose. Chercher les ponts.
Les passerelles secrètes entre les savoirs. Les convergences invisibles où les disciplines se parlent, où les idées s’épousent. Car c’est dans la rencontre des contraires, dans la synergie des univers, que naît la véritable avance. Celle que l’on ne rattrape pas. Celle qui construit un monde… au lieu de suivre celui des autres.

Par Abderrazak Hamzaoui 
Email : hamzaoui@hama-co.net
www.hama-co.net
1Amartya SenDevelopment as Freedom (1999).
 


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