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Le triste lot des enfants victimes de violences conjugales

Isolement, chagrin, crises d'angoisse, régression scolaire...


Libé
Dimanche 6 Décembre 2020

Comme on cacherait de la poussière sous un tapis, on s’échine avec assiduité à fermer les yeux sur les stigmates, physiques et psychologiques, des violences conjugales sur les victimes. Pis, les enfants ont longtemps été considérés comme de simples témoins, alors qu’en réalité, ce sont des victimes à part entière. La Journée internationale pour l'élimination de la violence à l'égard des femmes (25 novembre) a renforcé ce constat. L’occasion pour le Haut-commissariat au plan de publier une étude aux conclusions édifiantes. Les répercussions sur la santé et le développement psychosocial des enfants victimes de violences conjugales ne sont pas uniquement une vue de l’esprit et encore moins un phénomène isolé.

Dans le pire des cas, il y a l’enfance effacée des orphelins de féminicides. Dans le moins pire, c’est l’isolement, le chagrin, les crises d’angoisse et la régression scolaire auxquels doivent faire face des chérubins qui n’ont pas toujours les mécanismes de défense nécessaires pour atténuer la portée de tels malheurs. Selon le HCP, «environ 16% des femmes victimes de violences conjugales ont déclaré que leurs enfants, de 5 à moins de 18 ans, présentent des problèmes de santé, surtout de nature psychologique et comportementale».

Plus en détail, 40,4% des femmes victimes de violences conjugales ont évoqué l’isolement et le chagrin, 32,4% les frissons, des crises d’angoisse ou d’épilepsie, 21,5% les cauchemars et 22,4% l’énurésie. Bien au-delà de ces problèmes de santé qu’il ne faut pas banaliser, les enfants témoins de violences conjugales sont également victimes de troubles cognitifs et comportementaux. Toujours d’après l’enquête du HCP, 22,5% des victimes sont en régression scolaire et 7% abandonnent l’école. Certains sont attirés par la délinquance (7%), tandis qu’une minorité fugue (1%) et choisit pour fuir un foyer familial oppressant et inhospitalier.

Un autre impact de la violence conjugale sur l’enfant prend forme dans la détérioration de la qualité de sa relation avec ses parents et notamment sa mère. Victime, la mère panse ses plaies psychologiques et trop souvent aussi physiques. Elle a donc de moins en moins de temps à accorder à son enfant. Incapable de répondre à ses différents besoins d’ordre affectif, entre autres. Ce qui accentue davantage la détresse de son enfant. La plupart de ces enfants ne font l’objet d’aucun suivi.

Pourtant, ils en ont tous besoin. A fortiori les enfants qui ont eu le malheur d’assister à un homicide conjugal. Qui ont tout vu et tout entendu. Ou trouvé un cadavre en rentrant de l’école. Mais quel que soit le degré de la violence à laquelle ils ont été exposés, les enfants présentent un haut risque de reproduire, à l’âge adulte, un schéma parental identique, et des relations intimes marquées du sceau de la violence. «La prévalence de la violence est particulièrement élevée parmi les femmes dont le partenaire a vécu dans un environnement marqué par la violence conjugale (73%)», corrobore en conclusion le Haut-commissariat au plan dans un document aux allures de cri d’alarme qui ne doit pas rester lettre morte.

Chady Chaabi

Les chiffres clés de la violence faite aux femmes

En 2019, le taux de prévalence de la violence à l’égard des femmes a atteint 54,4% au niveau national. Il était de 55,8% en milieu urbain et 51,6% en milieu rural. Les femmes âgées de 25 à 29 ans sont les plus confrontées à ce genre de violence. Les violences dans le cadre conjugal présentent les taux de prévalence les plus élevés. 54,4% des fiancées et 52,5% des femmes mariées auraient été victimes de violence au niveau national. De plus, 12,4% des Marocaines âgées de 18 à 64 ans ont subi une violence dans les lieux publics.

Selon un bilan de la Gendarmerie Royal, 16.590 affaires de violence faite aux femmes ont été enregistrées au Maroc jusqu’en septembre 2020. Ces affaires concernent 16.947 victimes, dont 1.106 mineures. En 2019, lors de la même période, on dénombrait 19.699 victimes. Le nombre d'affaires de violence physique s’élève à 7.916 contre 8.358 en 2019. On parle ici de coups et blessures, séquestrations, homicides, tentatives d'homicide et violences physique conjugale.

Le confinement dû à la crise sanitaire du nouveau coronavirus n’a pas arrangé les choses. Bien au contraire. Si l’on en croit les chiffres livrés par la Fédération des ligues des droits des femmes (FLDF), les violences basées sur le genre se sont accentuées de 31,6% durant cette période particulière, où la victime ne pouvait plus échapper à son bourreau. En détail, la violence psychologique a représenté le taux le plus élevé avec 47,9%, suivie de la violence économique (26,9%) et de la violence physique (15,2%).


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