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Les islamistes du PJD, parti arrivé en tête au scrutin législatif du 25 novembre dernier, entendent gouverner autrement et le font savoir. Problème, ce mode de gouvernance nouveau semble se limiter pour l’heure à des signes extérieurs plutôt… dérisoires. «Que le ministre de la Communication, Mostafa El Khalfi, continue de prendre le train pour se rendre à Rabat, à son ministère, que M. Ramid n’utilise pas sa voiture ministérielle et que tous les ministres du Parti justice et développement ne changent rien à leur quotidien, ce n’est pas exactement cela que les citoyens de ce pays attendent de ceux qui les gouvernent. Les Marocains veulent avoir accès aux soins de santé, trouver un emploi, disposer d’un logement et que leurs enfants bénéficient d’un enseignement digne de ce nom. La simplicité décrétée par les responsables du PJD a tout juste un effet cosmétique destiné à la propagande !», s’exclame ce ténor de l’Union socialiste des forces populaires, un parti désormais sur les bancs de l’opposition. La fonction de l’Etat ne s’accommode pas du populisme. Pour Ali Sedjari, titulaire de la chaire des droits de l’Homme à l’Université Mohammed V, l’Etat a ses symboles, ses références, son «protocole», ses codes. «Autant de référents qui ne sont pas du tout matière à marketing politique. Le faire, c’est prendre le risque de tomber dans le ridicule. On ne le dira jamais assez, l’éthique est une affaire personnelle. On n’en fait pas une politique».
Avec les islamistes au pouvoir, les attributs du pouvoir seront-ils en train de changer, uniquement au niveau de la forme ? La première prestation télévisée du chef de gouvernement, quelques jours seulement après sa désignation par le Roi, n’est pas passée inaperçue. Abdelilah Benkirane y a joué la carte du parler vrai, du parler simple, du parler «darija», prenant le risque de succomber à la tentation populiste. Tout au long des tractations pour la formation de son gouvernement, il a multiplié les déclarations à la presse, associant au quotidien l’opinion publique à la maïeutique. «Tout le monde a alors applaudi à la transparence du chef de gouvernement. Ce à quoi ses prédécesseurs ne nous avaient pas habitués», admet un homme de médias, devenu désormais un habitué du perron du siège du PJD, sis au quartier des Orangers à Rabat.
Les accessoires du pouvoir ne font pas le pouvoir
Mais le choix de la transparence ne survivra pas à la culture du sérail et à ses règles de silence et de secret. Benkirane parle trop. Et «on» lui aurait fait savoir…Tant pis pour la promesse non tenue d’informer les Marocains. Le chef de gouvernement ne parlera plus que petite fiche à la main et plus en darija mais en arabe classique. Le silence sera rompu de nouveau immédiatement après la formation du gouvernement. Abdelilah Benkirane rencontre de nouveau la presse, au sortir du tout premier Conseil de gouvernement qu’il a présidé jeudi dernier, flanqué du ministre de la Communication, du coup privé de son tout premier point de presse de porte-parole de gouvernement.
«Cette volonté de transparence à travers une communication effrénée mais aussi ces signes extérieurs d’une modestie érigée en règle ministérielle propre aux islamistes du PJD ne doivent surtout pas détourner ce parti qui conduit le gouvernement de l’essentiel. Et l’essentiel réside dans la mise en œuvre de la nouvelle Constitution à travers l’adoption de lois organiques et autres vraies mesures à même d’adapter le nouvel environnement institutionnel», souligne ce député appartenant au parti de la Rose avant d’ajouter que les accessoires du pouvoir ne font pas le pouvoir.
La simplicité décrétée par les ministres islamistes qui ont choisi de résister aux signes extérieurs de leur fonction présente également le risque de voir ce gouvernement se scinder en deux tendances : les ministres islamistes arrimés à la «modestie» et le reste de l’équipe ministérielle qui utilise normalement la voiture de fonction et ne verse pas 20% du salaire au parti. «C’est un risque de dichotomie qui peut déjà mettre à mal la solidarité et la cohérence gouvernementales, sachant qu’une charte d’éthique devrait concerner tous les ministres et pas seulement ceux qui représentent le PJD. En fait, ce dont nous avons besoin, c’est de mécanismes durables, pérennes et déontologiques qui concerneraient l’ensemble de l’administration. Il y a chez nous une crise de l’éthique et la moralisation de l’action publique devrait se faire à l’introduction de tels mécanismes. Il faut institutionnaliser la rationalisation. Il faut bien savoir que ni le marketing politique ni une politique fondée sur la propagande ne sauraient se substituer à l’enjeu majeur qui est de lier l’éthique à l’action publique. Et ceci doit être le credo de toute l’équipe placée sous l’autorité du chef de gouvernement», conclut A. Sedjari.