Le drame des mères célibataires marocaines porté à l’écran

Lorenzo Benitez, journaliste andalou, mène actuellement un projet de documentaire sur la question des mères célibataires dans le Royaume. Le documentaire a été choisi parmi cinq projets sur les 150 par MIPDoc l’International Pitch, compétition annuelle ouverte à tous les créateurs et producteurs recherchant des financements pour développer leurs projets. Le film raconte l’histoire de plusieurs mères célibataires, ainsi que leurs enfants considérés comme illégitimes. Intitulé «Mères invisibles», le film dénonce le blocage de la communauté marocaine, le poids des traditions ainsi que les difficultés économiques et sociales dans lesquelles vivent ces jeunes femmes enceintes. Souvent délaissées, les mères célibataires vivent leur grossesse dans des conditions pénibles, et une fois l’enfant mis au monde, l’abandon apparaît souvent comme le moyen le plus simple d’avoir une position dans la société.

Pour dénoncer ce phénomène dont sont victimes ces femmes, le projet du documentaire «Mères invisibles» a été effectué en collaboration avec l’Association de Tanger «100% Maman», dont une partie des financements sera transférée à l’association. Cette organisation à but non lucratif s’implique dans l’accompagnement des femmes en situation d’exclusion de par leur statut de mères célibataires. Certes le vide juridique de la Moudawana de 2004 laisse des milliers de femmes dans l’impasse mais les jugements individuels et collectifs occupent une place davantage prégnante.

Ces jeunes mamans sont très souvent exclues de leur famille, et n’arrivent pas à obtenir un contrat de travail qui leur permette de subvenir à leurs besoins. En raison de l’article 490 du Code pénal, en allant à l’hôpital, ces femmes peuvent être dénoncées auprès des autorités. Les relations sexuelles hors mariage étant interdites, ces femmes peuvent être condamnées d’un mois à un an de prison. De plus, l’enfant est de facto enregistré comme né de «père inconnu», ce qui lui confère automatiquement le statut d’enfant illégitime.

Tel que nous l’a confié Claire Trichot, présidente de l’Association «100% Maman», «le documentaire n’est pas encore réalisé, mais un trailer est sorti et a été sélectionné à Cannes. La démarche est participative et progressive, nous connaissons Lorenzo depuis plus de deux ans et j’ai confiance en lui ainsi qu’au regard qu’il peut porter sur le sujet». Contrairement à ce qu’ont pu énoncer les médias marocains, le documentaire est finalisé à 70% et n’est pas présent au prestigieux Festival de Cannes mais bien au MIPDoc de Cannes. Le tournage est prévu, d’après la présidente de l’Association, «pour la fin juin, début juillet». Le financement du film reversé à l’association permettra, précise Claire Trichot, de «développer les services en cours, c’est-à-dire de prendre en charge les mères célibataires et leurs enfants pour les accompagner vers un processus d’autonomisation. Pour ce faire, nous avons besoin de budgets conséquents car nous accompagnons plus de 250 mamans par an. Ainsi, ce financement permettra d’accompagner l’association, mais surtout de donner de la visibilité à 100% Maman et aux mères célibataires».

Ce documentaire expose le quotidien de ces femmes meurtries et de leurs enfants exclus. En 2013, la situation des mères célibataires est toujours marquée par des abandons d’enfants (environ 23 par jour) ainsi que par une mauvaise prise en charge sanitaire mettant en danger la vie des femmes et de leurs enfants. L’objectif du documentaire, né il y a deux ans, est de montrer ce phénomène encore inconnu en Europe; un sujet qui permet de mettre en lumière l’injustice vécue par ces femmes.