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Le Pakistan, cet autre pays de la cornemuse


Samedi 16 Mars 2019

Dans la famille d'Umer Farooq, le grand-père fabriquait des cornemuses. Il a transmis son savoir à ses fils. Puis la troisième génération a repris le flambeau. La ville de Sialkot, au Pakistan, vend désormais des milliers de cornemuses, bien loin de l'Ecosse, où l'instrument est roi.
L'odeur de bois est omniprésente dans l'usine Mid East à Sialkot (est du Pakistan) dont Umer Farooq est l'un des gérants. Les ouvriers s'affairent, debout ou assis par terre. Couverts de copeaux, ils usinent le bois, le sculptent, le polissent, l'enduisent.
D'un tasseau de bois de rose ou d'ébène naît petit à petit une gracieuse chanterelle, cette sorte de flûte au son aigu dans laquelle soufflent les joueurs de cornemuse. Les bourdons, longs tuyaux au timbre plus grave, suivent le même procédé.
Ces éléments, auxquels sont ajoutées des parties décoratives, sont ensuite attachés à un sac, souvent recouvert de tartan, une étoffe colorée à carreaux, typique de l'Ecosse.
"Dans ma famille, tous les garçons savent fabriquer une cornemuse, étape par étape", affirme Umer Farooq. "Quand nous avions 7 ou 8 ans, nous venions dans l'usine. C'était un peu comme une école. Nos pères et nos oncles étaient nos professeurs."
Un tel enseignement ne va pas de soi, si loin des Highlands (Hautes terres) écossaises.
L'Asie du sud a bien eu pendant des siècles son pungi et son shehnai, petite clarinette et hautbois traditionnels aux sons stridents, utilisés notamment par les charmeurs de serpents.
Mais la cornemuse a dû attendre la moitié du XIXe siècle et la colonisation britannique pour faire ses débuts en Inde, dont le Pakistan faisait partie, avant l'indépendance et la partition des deux
pays en 1947.
"Partout où l'armée britannique est allée, elle a amené des pipers", ou joueurs de cornemuse, explique Decker Forrest, un professeur de musique gaélique à l'Université des Hautes terres et des Iles, en Ecosse.
La population pakistanaise s'est ensuite emparée de cette tradition. Des dizaines d'orchestres sont recensés dans le pays, où ils se produisent à l'occasion de mariages et de fêtes religieuses.
"Les gens adorent la cornemuse", sourit Yaser Sain, le leader d'un trio de Sialkot, aux mélodies pourtant rugueuses à l'oreille. Chaque jour, explique-t-il, son groupe a au moins "deux engagements" en ville. Les musiciens se parent alors de costumes bariolés, montre-t-il fièrement sur son smartphone.
"Les formations pakistanaises mettent plus l'accent sur leur performance visuelle que sur leur technique", observe Decker Forrest. Au championnat du monde de cornemuse, qui se tient chaque année à Glasgow en Ecosse, elles sont "les plus magnifiquement habillées", estime-t-il. Le kilt toutefois ne fait pas recette parmi les Pakistanais.
Les militaires pakistanais ont également gardé un faible pour l'instrument. Depuis 2014, ils disposent même d'un orchestre chamarré de cornemuses à dos de dromadaires, rattaché à une unité de Rangers du désert. Les camélidés drapés de pourpre et d'or et les musiciens juchés sur leur bosse sont particulièrement appréciés lors des défilés.
Mais le Pakistan est surtout un pays de cornemuses car il en produit. Quelque 2.600 d'entre elles sortent chaque année de l'usine de Mid East, pour être exportées majoritairement aux Etats-Unis. L'atelier M.H Geoffrey & co, également à Sialkot, affirme en fabriquer 500 annuellement.
Son propriétaire, Zafar Iqbal Geoffrey, estime que des dizaines de petites et moyennes entreprises de la ville assemblent au total 10.000 cornemuses par an, dont certaines de moindre qualité ne serviront que de cadeaux souvenirs.
Seul le Royaume-Uni dépasserait le Pakistan pour le nombre d'instruments produits, dit-on à Sialkot.
"Les cornemuses sont nos ambassadrices itinérantes" car elles contribuent à "la construction d'une image" positive sur le Pakistan, affirme Waqas Akram Awan, le vice-président de la Chambre de commerce de Sialkot. En 2017, les entreprises de la ville ont exporté pour 4 millions de dollars d'instruments de musique, dont des cornemuses, un record depuis 15 ans, souligne-t-il.
"Nous faisons les mêmes qu'en Europe, mais bien moins chères", sourit Muhammad Aftab, l'oncle d'Umar Farooq. "Nous rendons la musique bien plus accessible."


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